
(D’après Lewis Mumford Technique et Civilisation – 1934)
Plus de cinquante années après sa publication
(Réédité récemment, sa première impression a été rapidement épuisée)
Un bon indicateur de ce que dit là Lewis Mumford se trouve dans la disparition progressive de la nuance.
Loin d’une perception de la parole, du mot, de l’écrit, de ce qui se dit, que pouvaient avoir (à l’excès parfois) les cabalistes, où encore de nos jours ceux qui passent une grande partie de leur vie à interpréter des écritures considérées comme saintes (et elles le sont d’une certaine manière, si elles ont traversé les siècles jusqu’à nous.) ce qui devient la norme est une perception réduite à un contour précis (souvent disputé) à la manière du langage scientifique (ou des organismes de certification). Les mots n’ont plus un espace de signification, mais celle-ci est réduite à un point.
Ainsi « complexe et compliqués étant donnés comme synonymes, c’est qu’ils ont le même sens » (réponse faite à une tentative de nuance concernant ces deux concepts. A la limite ON acceptera que complexe signifie « très compliqué » )
La technologie que nous utilisons, et notamment le simple bouton poussoir, modifie notre perception de la réalité. Privilégiant la notion de oui/non , vrai/faux , dehors/dedans, alors que, concernant cette dernière opposition, dans le monde réel on ne passe pas, comme en mathématiques d’un état ou lieu à un autre sans transition.
Seules les mathématiques peuvent « imaginer » un point d’épaisseur nulle, comme par exemple (dans le domaine du temps) celui qui est à la fois aujourd’hui et demain et que l’on peut aussi bien nommer 24h et 00h00 (ce qui met en évidence cette double appartenance)*.
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* Les points/Le lieu où deux lèvres se rencontrent sont/est à la fois sur l’une et sur l’autre lèvre.
Ce qui est bien sur, totalement faux (ou autrement vrai) du point de vue de la physique des particules.
Plus de cinquante années après sa publication
(Réédité récemment, sa première impression a été rapidement épuisée)

* Le terme « évolution » est souvent associé à l’idée d’amélioration.
Implicitement on tend à sous-entendre par exemple dans l’expression « plus évolué »
Cette notion de mieux absolu n’existe pas dans la théorie de l’évolution où il s’agit plutôt de mieux relatif, à savoir d’une meilleure adaptation à un milieu changeant.
Il n’y a pas de progrès absolu. N’existe qu’un progrès relatif.
C’est en ce sens qu’une course au progrès qui serait distincte de celle d’un confort relatif et momentané est un leurre.
C’est ce leurre qu’entend mettre en évidence Lewis Mumford.
Un moyen qui permettrait de réaliser la totalité des tâches quotidiennes ou exceptionnelles d’un humain, lui épargnant tout effort physique, serait un progrès relatif, car momentané. Comme L’auteur l’indiquait précédemment tout progrès technique induit un changement « de » l’homme. Ce changement, bien évidemment prend un certain temps, par exemple celui nécessaire à ce qu’une génération ne perçoive plus ce progrès comme tel, mais comme la normalité même.
Dans le cas du « progrès » évoqué, la perte de la masse musculaire apparaîtrait assez vite. Celle-ci pourrait même, cet élément du corps humain n’étant plus trop nécessaire (?) être vue comme un progrès et conduire à une nouvelle esthétique et de nouveaux canons concernant la beauté de l’homme et de la femme.
Peu d’humains du siècle précédent pourraient concevoir l’ensemble de ces transformations comme un progrès. Il n’y a pas de progrès dans l’absolu, la plupart du temps, ce qui est présenté comme tel est une envie (légitime, suscitée ou non) satisfaite, inventant/ouvrant très souvent une porte vers une envie complémentaire. (Dans le cas de la suppression partielle de l’effort physique ce peut être la salle de sport et ses beaux appareils/jeux ,propres à reproduire la contrainte disparue, sous forme d’un produit marchant)
Plus de cinquante années après sa publication
(Réédité récemment, sa première impression a été rapidement épuisée)

* Lewis Mumford aurait pu dire « domestique ».
C’est à dire un animal ayant perdu une grande partie de ses capacités perceptives (la machine agissant alors comme un médiateur entre le réel et … les peaux- ce qui englobe la rétine, le tympan, …) et par conséquence de ses capacités mentales.
Car la nourriture première de la pensée est la perception (Tommaso Campanella)
Plus de cinquante années après sa publication
(Réédité récemment, sa première impression a été rapidement épuisée)

On a longtemps cru et répété que le cerveau de l’homme n’était utilisé qu’à 30% (ou moins) de sa capacité.
De récents travaux ont montré la fausseté d’une telle assertion.
Le cerveau est utilisé dans sa totalité, en fonction des sollicitations qui lui sont faites : activité sensorielle, motrice … pensée.
Ainsi par exemple, un illettré possède en général une mémoire plus développée que quelqu’un qui sait lire, mémoire qui régresse s’il apprend à lire (au bénéfice d’autre chose) car les capacités correspondant à la lecture vont coloniser une partie du cerveau utilisée pour la mémorisation.
Lewis Mumford évoque dans cet extrait les mutations profondes dont le cerveau humain est le siège du fait de l’irruption dans le quotidien d’un nombre toujours croissant d’innovation en rapport avec les progrès de la science et de la technique.
Chaque fois que l’on cherche à acquérir une compétence, lorsque c’est possible, il est donc indispensable de faire le bilan entre les gains et les pertes correspondants.
Ce qui n’est pas chose facile et nécessite absolument une bonne connaissance de soi et une perception fine de SES évolutions (introspection).
[Les cinq dernières années pendant lesquelles j’ai enseigné les mathématiques, discipline qui a sacrifié alors progressivement, jusqu’à quasi disparition, la géométrie, au profit de la programmation et du codage, je ne parvenais plus à écrire de poésie.]
Lewis Mumford a, en général, toujours donné une nouvelle préface aux rééditions de ses oeuvres.
Malheureusement, il ne pourra le faire pour celle-ci. Il aurait assurément donné un éclairage actuel à cet essai en rapport avec les dernières « évolutions » de l’humain en rapport avec le progrès technique. Thème qui est précisément le sujet de ce premier tome « Technique et développement humain » qui concerne la période allant de la préhistoire … de l’homme jusqu’à l’époque médiévale.
Je donnerai donc un extrait de la note de l’éditeur qui comporte en ses tout derniers mots une citation de l’auteur.
Le deuxième type d’utopie peut aussi être influencé par des désirs et souhaits primitifs ; mais ces désirs et souhaits ont appris à compter avec le monde dans lequel ils cherchent à se réaliser. Comme son nom l’indique, l’utopie de reconstruction est une représentation d’un environnement reconstitué, mieux adapté à la nature et aux buts des êtres humains qui l’habitent ; et non seulement mieux adapté à leur vraie nature, mais plus propre à les accompagner dans leur évolution. […] J’y ajoute une somme d’habitudes et une échelle de valeur neuves, un réseau d’institutions et de relations différent, et, peut-être – car toutes les utopies insistent sur l’importance de l’éducation – une transformation des caractères physiques et mentaux de la population choisie, grâce à l’éducation, la sélection biologique, etc. L’environnement reconstruit que cherchent à définir les véritables utopistes est à la fois une reconstruction du monde physique et du monde des idées. […] La recherche d’un idéal, d’un but, d’une finalité […] est fondamentale chez les utopistes. […] C’est sur ce point que l’utopie de reconstruction prouve sa supériorité. Elle ne se contente pas de dépeindre un monde complet car elle a le souci d’examiner simultanément tous les éléments qui le composent. Il est impossible d’étudier les utopies classiques sans voir leurs faiblesses et leurs propositions parfois dérangeantes. Mais pour le moment, il importe de découvrir leurs qualités.
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[En 1934 on pouvait
croire
espérer
cette vague là.]
Lewis Mumford ouvre, avec cet essai (qu’il prolongera plus tard par « Le mythe de la machine ») une porte que bien peu après lui emprunteront.
Et c’est bien regrettable. Car il manque un peu de clarté en cette nuit dans laquelle nous nous enfonçons un peu plus, chaque fois qu’un nouvel objet technologique est inventé … sans autre squelette (ou âme) que son « cahier des charges fonctionnel »
(pour le parcours de lecture, cliquer sur l’image)
Lecture du chapitre « But de cet ouvrage »
[Le temps mécanique,
une invention de l’homme,
une production de l’horloge]
* Avec des techniques et outils devenu de plus en plus efficaces que l’on nomme techniques et outils pédagogiques, lesquels ne cessent d’améliorer leur pouvoir d’intrusion et de prise de contrôle de nos consciences et même par effet rétroactif (grâce au pari perceptif qui joue ici le rôle de filtre) de nos sens.
(pour le parcours de lecture, cliquer sur l’image)
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** Le seul qui est réellement enseigné (y compris dans des disciplines comme les « lettres », la musique, les arts plastiques … )
Nous serions effaré de constater, aidé par un humain*** non immergé dans notre univers numérisé (ou « discrétisé »), à quel point notre pensée est tronçonnée pour s’ajuster aux quelques pièces (catégories, concepts, structures logico-machin …) auxquelles se réduit notre capacité d’expression. (Et dont il relèverait plusieurs occurrences dans ce paragraphe même.)
*** Quelqu’un qui débarquerait d’une autre époque.
Pour un extrait plus long de ce texte :
L’horloge et ce qu’elle fait de nous – Lewis Mumford 1934
(lecture audio)
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