« Dans ma galopade effrénée s’était soudain dressé devant moi, proche et impressionnant comme une vision, le visage pâle et contracté de la jeune fille se traînant péniblement à travers le salon, j’avais entendu le bruit de ses béquilles frappant le plancher et le crissement des instruments de prothèse attachés à ses articulations.
Et dans une sorte d’effroi, sans penser, sans réfléchir, j’avais tiré sur les rênes. Je sais que cela ne sert de rien de me dire en ce moment : à qui cela peut-il être utile que tu prennes ce trot stupide et lourd au lieu d’un galop excitant et grisant ? …
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Extrait choisi pour babelio par lilice_brocolis
dans le roman « La Pitié dangereuse »
de Stefan Zweig
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Parcours de lecture
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En clair (sur Babelio)
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l’extrait … et ce qu’il y a autour
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Dans ma galopade effrénée s’était soudain dressé devant moi, proche et impressionnant comme une vision, le visage pâle et contracté de la jeune fille se traînant péniblement à travers le salon, j’avais entendu le bruit de ses béquilles frappant le plancher et le crissement des instruments de prothèse attachés à ses articulations. Et dans une sorte d’effroi, sans penser, sans réfléchir, j’avais tiré sur les rênes. Je sais que cela ne sert de rien de me dire en ce moment : à qui cela peut-il être utile que tu prennes ce trot stupide et lourd au lieu d’un galop excitant et grisant ? Pourtant le coup m’a touché à un endroit du cœur proche de la conscience. Je n’ai plus le courage de jouir librement, avec force, de mon corps vigoureux. Lentement, comme endormis, nous trottons jusqu’à l’entrée du champ de manœuvre. C’est seulement lorsque nous sommes hors de la vue du château que je me secoue et me dis : « C’est stupide ! Laisse donc toute cette sotte sentimentalité ! » Et je commande : En avant ! Gaa-lop ! » |