[A cette date, Céline a déjà publié « Voyage au bout de la nuit » roman avec lequel il a frôlé le Goncourt. Il va, pour son second roman, revenir sur le personnage de Bardamu (qu’il ne nommera plus que Ferdinand) dont il évoquera l’enfance.]

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Le roman reçu dans un premier temps un accueil mitigé. Il est à l’heure actuelle considéré comme un chef-d’oeuvre, beaucoup de ses lecteurs le considérant comme un monument de la littérature française.
[Où il est question des difficultés du petit commerce face aux grandes enseignes, longtemps avant l’apparition des hypermarchés.]
[Extrait de l’oeuvre.]

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Exactement 9 ans avant la signature de l’armistice qui met fin à la 2ème guerre mondiale mort à crédit de Céline est publié
Nos petits magasins, tu vois, sont condamnés à disparaître !… Ça n’est plus qu’une question d’années… De mois peut-être !… Une lutte acharnée pour rien… Les grands bazars nous écrasent… Je vois venir tout ça depuis longtemps… Déjà du temps de Caroline… on avait de plus en plus de mal… ça n’est pas d’hier !… Les mortes-saisons s’éternisent… et chaque année davantage !… Elles duraient comme ça de plus en plus… Alors moi, tu sais, mon petit… c’est pas l’énergie qui me manque !… Il faut bien que nous en sortions !… Voilà alors ce que je vais tenter… aussitôt que ma jambe ira mieux… même si je pouvais un peu sortir. Alors j’irais demander une “ carte ”… dans une grande maison… J’aurais pas de mal à la trouver !… Ils me connaissent depuis toujours !… Ils savent comment je me débrouille ! Que c’est pas le courage qui me manque… Ils savent que ton père et moi, nous sommes des gens irréprochables… qu’on peut bien tout nous confier… n’importe quoi !… ça je peux le dire… Marescal !… Bataille !… Roubique !… Ils me connaissent depuis Grand-mère !… Je suis pas une novice sur la place… Ils me connaissent depuis trente ans, ils me connaissent depuis toujours comme vendeuse et comme commerçante… J’aurais pas de mal à trouver… J’ai pas besoin d’autres références… J’aime pas travailler pour les autres… Mais à présent y a plus le choix… Ton père ne se doutera de rien… absolument… Je dirai que je vais chez une cliente… Il n’y verra que du feu !… Je partirai comme à l’habitude, je serai toujours rentrée pour l’heure… Il aurait honte le malheureux de me voir travailler chez autrui… Il serait humilié le pauvre homme… Je veux lui épargner tout ça !… À n’importe quel prix !… Il s’en relèverait pas !… Je saurais plus comment le retaper !… Sa femme employée chez les autres !… Mon Dieu !… Déjà avec Caroline, il en avait gros sur le coeur… Enfin il se rendra compte de rien !… Je ferai mes tournées régulièrement… Un jour une rue, l’autre jour une autre… Ça sera beaucoup moins compliqué… que ce perpétuel équilibre !… Cette sale voltige qui nous crève !… Toujours des tours de force !… À boucher des trous partout ! c’est infernal à la fin ! Nous y laisserons toute notre peau ! Nous aurons beaucoup moins de frayeurs ! Payer ici ! Payer par là ! Y arrivera-t-on ? Quelle horreur ! Quelle torture qui n’en finit pas… On aura que des petites rentrées, mais absolument régulières… Plus de retournements ! Plus de cauchemars ! C’est ça qui nous a manqué !… Toujours !… Quelque chose de fixe ! Ça ne sera plus comme depuis vingt ans ! Un dératage perpétuel ! Mon Dieu ! Toujours à la chasse aux “ cent sous ” ! Et les clientes qui ne payent jamais ! À peine encore qu’un trou bouché qu’en voilà un autre !… Ah ! c’est joli l’indépendance ! Je l’aimais pourtant, ma mère aussi ! mais je ne peux plus… Nous finirons bien, tu verras, en nous y mettant tous ensemble par joindre les deux bouts !… On l’aura la femme de ménage ! puisque ça lui fait tant plaisir !… sans compter que j’en ai bien besoin ! Ça sera pas de luxe ! »
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