Notre langue : « Comme un ange au chômage » Armel Guerne (L’Âme insurgée) lecture des premières pages

Armel Guerne a publié :

L'âme insurgéeL’Âme insurgée
Ecrits sur le romantisme

Magnifiques premières pages, consacrée à la défense de la langue. Armel Guerne y clame l’utilité absolue du poète, dans un monde réduit à l’abstraction, à l’information, à la conquête du dehors …
Poète engagé dans …

« Un combat, s’il faut l’appeler de son nom, qui ne se ralentit jamais une fois qu’il est engagé, s’enhardissant de tous les héroïsmes aussi naturellement  qu’une plante, en croissant, s’enhardit dans son vert. »

Un passage m’a remi en mémoire une des dernières apparitions de Michel Butor (à Baume les Dames) et une « causerie » autour de la poésie (« Les voix de la poésie » animée notamment par Sabine Huynh)

« La confidence des poètes vous en convaincra : il ne se passe rien dehors, tout se passe dedans. Ils ne font pas la poésie, ils n’en sont pas les auteurs, car ils sont une oreille avant d’être une bouche et ce sont eux, au contraire, qui sont faits par la poésie, comme un premier maillon entre elle et vous. Sans elle, ils ne sont rien, avec vous ils sont tout. Le verbe qu’ils conduisent à son génie en vous. Ne le tuez donc pas.

 

 

[Almanach] … Daniel Bourrion

[D’abord
évoquer la langue d’avant]

Samedi 14 Juillet 2012
aux éditions Publie.net
Daniel Bourrion
donnait :
Légendes

 SUR DE TRÈS VIEILLES BANDES-letcr1-exp

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L’extrait complet

 


Proposition de lecture :


Ma langue d’avant, je ne la sais même plus, qui est tombée dans la grande fosse du temps où tombent aussi les hommes et puis les femmes et puis toutes les heures et puis même chacun des mots que nous lâchons comme nous semons. Il ne m’en reste que quelques traces, des sortes de cailloux qui viennent dans ma bouche et changent si je n’y prends garde les sons que je mâchouille, en font des choses qui ne se disent pas, pas comme cela, et pas ici.
Je ne la sais donc plus mais je sais par contre que quelque part, sur de très vieilles bandes magnétiques, on m’entend un peu parler cette langue d’avant et là je suis encore enfant, et c’est tout juste avant que ma langue ne parte, ne fonde, sorte de sorbet dont on finit par n’avoir plus que la mémoire, et encore. Je sais cela, ces enregistrements, ces témoignages, mais je n’y vais pas voir, pas écouter. Cela ne ferait rien revenir.


L’ÉVIDENCE ABSURDE – RENÉ DAUMAL – Mise au point ou « Le Casse Dogme »

[Le Grand Jeu n’est pas un courant littéraire.

Ici, presque une
mise au … poing.]


Le 12 Juillet 1929 ,
(à moins d’une erreur de ma part)

dans son recueil d’essais
« L’Evidence absurde 1926-1934 – Essais et notes 1 »
René Daumal

écrivait
<<Mise au point ou « Le Casse Dogme« >>
rédigé avec Roger-Gilbert Lecomte


[notes personnelles en rapport avec ce texte
que de nos jours René Daumal n’aurait certainement pas écrit
mais crié sur les places ou murmuré dans les hall de gare ou à l’entrée des stades

Le réel n’est pas où on … le pense en concept, en dogme, en principes
il n’est pas où ON le … conçoit
ces lieux où ON le … trahit
et qu’on se doit
non pas de dénoncer (encore des mots …)
mais d’aider à aller au bout de leur destin
(éventuellement en en accélérant le cours)
celui de toute chose morte
l’érosion naturelle … jusqu’au sable.]

 CE QUI JAILLIRA DE CE BEAU MASSACRE-letcr1-exp

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Lecture audio du texte en son entier


Le texte (au format pdf) L’évidence absurde – Mise au point ou casse-dogme- René Daumal Roger-Gilbert Lecomte–


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Mise au point ou casse-dogme

Si le Grand jeu a voulu qu’en le regardant les hommes se trouvassent enfin en face d’eux-mêmes

CE FUT POUR FAIRE LEUR DESESPOIR.

Et aussitôt ceux qu’on retrouve toujours en pareille circonstance de fonder des espoirs (d’ordre  » littéraire « , n’est-ce pas ?) sur le Grand Jeu. Cela s’appelle peut-être rendre le bien pour le mal. Ce serait du vaudeville, si ce n’était dégoutant.
Au moins la majorité est-elle d’accord, avec la plus entière mauvaise foi, pour faire semblant de croire qu’il s’agit en somme de distractions intellectuelles.
Mais oui, faces de coton, nous inventerons pour vous distraire des sophismes qui rendent boiteux, des cercles vicieux d’où l’on sort sans tête, des petites constructions de l’esprit — si ahurissantes ! — monstres de feutre branlant sur leurs pieds de cervelle, et même des oiseaux dont la queue en forme de lyre… (voir plus loin ce que nous pensons de l’Art).
Rira jaune qui rira le dernier.
Pour nous ôter le souci d’avoir encore, à l’avenir, à rectifier par des paroles de tels malentendus, une fois pour toutes nous précisons :
Que nous n’espérons rien;
Que nous n’avons aucune  » aspiration  » mais plutôt des expirations;
Que, techniciens du désespoir, nous pratiquons la déception systématique, dont les procédés connus de nous sont assez nombreux pour être souvent inattendus;
Que notre but ne s’appelle pas l’Idéal, mais qu’il ne s’appelle pas;
Qu’il ne faut pas faire passer notre frénésie pour de l’enthousiasme. (Non, Madame, ce n’est pas beau, la jeunesse.)
Que si, comme on l’a finement remarqué, nous sommes dogmatiques, notre seul dogme est

LE CASSE-DOGME.

Notez-donc : DÉFINITION : << … Le Grand Jeu est entièrement et systématiquement destructeur… >>
Maintenant nous faisons rapidement remarquer que le sens commun se fait du verbe détruire un obscur concept dont la seule exposition démontre le caractère absurde (fabriquer du néant en pilonnant quelque chose). Destruction, bien sûr, ne peut être qu’un aspect de transformation, dont un autre aspect est création. (Parallèlement, il faut enlever au mot créer son absurde schéma : fabriquer quelque chose avec du néant.) Bon. Il fallait bien en finir avec ces enfantillages.

Nous sommes résolus à tout, prêts à tout engager de nous-mêmes pour, selon les occasions, saccager, détériorer, déprécier ou faire sauter tout l’édifice social, fracasser toute gangue morale, pour ruiner toute confiancce en soi, et pour abattre ce colosse à tête de crétin qui représente la science occidentale accumulée par trente siècles d’expériences dans le vide : sans doute parce que cette pensée discursive et antimythique voue ses fruits à la pourriture en persistant à vouloir vivre pour elle-mêm et par elle-même alors qu’elle tire la langue entre quelques dogmes étrangleurs.
Ce qui jaillira de ce beau massacre pourrait bien être plus réel et tangible qu’on ne croit, une statue du vide qui se met en marche, bloc de lumière pleine. Une lumière inconnue trouera les fronts, un oeil mortel, une lumière unique, celle qui signifie: « non! »; s’il est vrai que nier absolument le particulier, c’est affirmer l’universel, ces deux points de vue sur le même acte étant aussi vrais l’un que l’autre, puisqu’ils sont pris sur la même réalité 1.
Cette réalité, qui n’est rien de formel, est essence en acte: conscience qui affirme et nie. L’essence universelle de la pensée est donc la négation ne peut être une. Et par elle seule les formes apparaissent; elles ne sont rejetées à l’existence distincte que par cet acte unique de la conscience qui les nie être elle-même. (Voilà – changeons un peu – pour que l’on puisse fonder des espoirs sur notre philosophie.)
Si les dogmes sont des formes de la pensée, la pensée universelle, qui est la vérité de tous les dogmes, est une négation de tous les dogmes. Et nécessairement notre pensée, qui veut être la pensée, doit remplir une fonction de casse-dogmes.
Cette fonction présente deux aspects:
1. Elle est destructrice dans le domaine des formes: aucun dogme ne peut échapper à sa critique. Et cette menace n’est pas vaine, car nous sommes entourés d’hommes qui veulent saisir la vérité dans une forme en ne tenant que la forme. Un tel homme, en nous approchant, risque sa vie. Nous avons tout lieu en effet de supposer que le dogme qu’il affirme est lié aux formes des fonctions vitales. (Elles sont communes à tous les hommes; par une erreur fréquente, on les croit universelles alors qu’elles sont seulement générales; il y a donc beaucoup de chances pour que le dogme soit fondé sur des fondements vitaux qui, plus que toute autre chose, peuvent être les fantômes de l’universel.) Notre fonction de casse-dogme s’attaquera par conséquent aux formes et à l’organisation de la vie humaine, lorsqu’il nous faudra faire apparaître le caractère relatif des formes de pensée qui sont leurs simples reflets.
2. Le second aspect du Casse-Dogme n’est plus Dogme mais Casse et ne regarde que

SOI-MÊME.

Roger Gilbert-Lecomte, René Daumal.

 

1. Comme il nous est arrivé de désigner par le mot Dieu la réalité absolue et que nous ne voulons pas nous priver d’un mot sous prétexte qu’on en a fait les plus tristes usages, que ceci soit bien entendu: Dieu est cet état limite de toute conscience, qui est La Conscience se saisissant elle-même sans le secours d’une individualité, ou, si l’on veut, sans s’offrir aucun objet particulier.

 

[Almanach] naissance des éditions Qazaq – … Anna Jouy

[Après, les recueils de nouvelles, puis de Poésie
Jan Doets ouvre les éditions Qazaq
au roman.]

Anna Jouy
« Strasbourg verticale« 

Vendredi 10 Juillet 2015

[L’oeil peut tout.]
ELLE ME REPÊCHA-letcr1-exp

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Le texte


Proposition de lecture  du poème :


 

 


Autres publications de Anna Jouy aux éditions Qazaq

Pavane pour une infante défunte

Je et autres intimités – Les dits de solitude

Anna Jouy en ses « Mots sous l’aube« 


Daphné quitterait sa place et je ne saurais rien d’elle. Elle se vaporiserait dans cette antique cabine de la STC, sans que je ne puisse rien comprendre à ce qui me troublait tant.
J’étais à ce moment–là tout à fait cupide. Je savais que je tenais peut–être un maillon important de la chaîne de ma propre vie. C’est cette idée, absurde probablement, mais c’est elle tout de même, qui me tarabustait au–delà de mon coup de foudre. La question était celle–ci: Daphné avait–elle déjà traversé une de mes vies? Quand? Où? Comment? Plus que tout, je voulais le savoir. Plus que tout, je voulais comprendre, vérifier une hypothèse que je tenais pour vraie mais sans la moindre preuve. Et Daphné, que j’avais devant moi à ce moment–là, était la première personne que je croisais de toute mon existence et qui me donnait cette sensation de reconnaissance. Impression de déjà vécu plus justement.
Les stores baissés faisaient sur elle des stries fines. On l’aurait dit casquée. Et comme la lumière ne lui parvenait que de manière indirecte, cela lui donnait une douceur fardée et pastel qui la poudrait légèrement.
C’est elle qui prit la parole.
 
– Où allez–vous?
– Je me rends à Arc–en–Ciel. C’est là que je vais prendre possession de mon nouveau logement. Et vous?
– Je viens chez vous. Enfin, si cela ne vous dérange pas trop…, dit–elle sans pour autant donner l’impression qu’elle tenait à rester convenable.
 
Je fus abasourdi. Qui ne l’aurait pas été à ma place?
 
– Chez… moi? Et comment cela se fait–il?
– Il y a un « rat dans mon frigo ». Personne n’est venu le chercher. Je ne peux vivre avec lui. Alors je suis sortie. J’ai pensé: je rencontrerai quelqu’un. Je lui demanderai son avis… A votre avis, est–ce raisonnable de partager son domicile avec un rat?
– Non… Bien sûr que non, dis–je avec difficulté.
 
Mon coup de foudre sentait soudainement le pétard mouillé. Qu’elle ait eu ce genre de culot avait suffi à me rendre méfiant.
Elle me repêcha du coin de son œil rose.

 

[Almanach] Lucien Suel …

[ « a plu à Dieu …la picardie.« ]

Mardi 9 Juillet 2013
En son SILO
Lucien Suel donnait
« Sombre Ducasse (version justifiée) 37 »

         VOUS POURREZ SUIVRE SON PROPOS-letcr1-exp                                                              

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*

Le texte sur le site de Lucien Suel


Une proposition de lecture :


Lucien Suel  aux éditions Qazaq


Sombre Ducasse (version justifiée) 37

il a plu à Dieu de rappeler à lui son
âme l’âme de m’sieu Dadd Omnes décédé
accidentellement ancien prisonnier de
guerre membre actif de la bénédiction
apostolique avec palmes de la part de
son fiston Paul Molémort le vélo rose
du marchand de savoir cesse de rouler
pour lui permettre d’écouter la brume
glisse entre les troncs des peupliers
soupe parfumée dans la basse rue mais
ce sont ici des fleurs rouges et pour
toujours gamin tu cours près des eaux
tu couvres ce corps de fleurs & meurs
ça souffre il le sait la moralité des
questions idiotes et voilà Omnes très
content de lui riait temps passé vous
pourrez suivre son propos à l’aide de
tous ces petits livres publiés un peu
partout annonçant aux pauvres cons de
lecteurs que la littérature est chose
périmée volez brisez saccagez whouhou
hououououu détruisez jardin noyé dans
les herbes insensées sur le chemin du
retour de la hauteur vers la picardie

 

[Almanach] … Chloé Delaume

[Dans les tuyaux]

Lundi 7 Juillet 2008
aux éditions Publie.net
Chloé Delaume
donnait :
S’écrire, mode d’emploi

 SEULS M IMPORTENT PROCESSUS-letcr1-exp

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L’extrait


Le site de Chloé Delaume


Proposition de lecture de l’extrait complet :


Je m’appelle Chloé Delaume. Je suis un personnage de fiction. Je le dis, le redis, sans cesse partout l’affirme. Je m’écris dans des livres, des textes, des pièces sonores. J’ai décidé de devenir personnage de fiction quand j’ai réalisé que j’en étais déjà un. À cette différence près que je ne m’écrivais pas. D’autres s’en occupaient. Personnage secondaire d’une fiction familiale et figurante passive de la fiction collective. J’ai choisi l’écriture pour me réapproprier mon corps, mes faits et gestes, et mon identité.
Je m’appelle Chloé Delaume. Je suis un personnage de fiction. Je maîtrise le récit dans lequel j’évolue. C’est mon mode de contrôle, de contrôle sur ma vie. La vie et l’écriture, les lier au quotidien. Injecter de la vie au cœur de l’écriture, insuffler la fiction là où palpite la vie. Annihiler les frontières, faire que le papier retranscrive autant qu’il inocule. Ça ne m’intéresse pas d’être juste écrivain.
Je m’appelle Chloé Delaume. Je crois que tout le monde l’a compris. Mon prénom est celui d’une héroïne de Vian, décédée en fin d’ouvrage d’un cancer du nénuphar. Mon patronyme aussi, je l’ai échafaudé. L’arve et l’aume d’Artaud, sa traduction d’Alice. J’ai dit : ce nouveau Moi ne fera pas que raconter. C’était en 99, mon corps était à la campagne. Bientôt il serait prêt à expérimenter.
Ce sera un témoignage. Je ne théorise pas. Je ne généralise rien, je suis les mains gantées dans mon laboratoire ; je manipule le ressenti, les souvenirs, la fiction. La manière dont s’opère toute reconstitution, la façon dont s’agencent entre eux les matériaux. Les formes que peuvent prendre un genre qui n’est pas anodin, ses variations et mutations, sa réaction au contact de techniques classiques ou très contemporaines. Je fais des tentatives, je ne suis même pas dans l’œuvre, juste dans la recherche. Certains objets s’avortent dans des précipités, d’autres résistent mieux à la publication. Je ne m’en préoccupe pas. Je les défends à peine. Seuls m’importent processus, tuyauteries, protocoles. J’explore, un point c’est tout.
Je pratique donc l’autofiction. J’utilise, comme mes pairs, le vécu comme matériau. Dans mon laboratoire je suis organisée, le passé à la cave et sur les étagères chaque souvenir étiqueté s’avère prêt à l’emploi. La mémoire est menteuse, la moindre réminiscence est toujours reconstruite, je ne fais confiance qu’au verbe pour en extraire toujours l’initiale quintessence. En médecine chinoise, le cœur est relié à la langue.


[Almanach] … Galibert

[Cette addition qui réclame … la soustraction. ]

Samedi 6 Juillet 2013
aux éditions Publie.net
Jean-Paul Galibert
donnait :
Éloge de la contradiction

 LE GRAND CRIME DU CAPITAL-letcr1-exp

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*


Le site de Jean-Paul Galibert
existence


Proposition de lecture de l’extrait complet :


L’esprit de la contradiction

Si nous parvenions toujours à rire du pire, nous serions heureux. Car le moyen le plus sûr de rire souvent est de rire du néant. Et le capital, qui domine notre temps, nous aide puissamment : le principe de l’hypercapitalisme est la rentabilité, l’inexistence comme rasoir de l’existence. La chose, pour exister, doit être rentable, rapporter plus qu’elle ne coûte, et donc être à la fois équivalente et supérieure à sa valeur. Ainsi elle doit, pour exister, exister de moins en moins. Elle n’apparaît qu’à la condition expresse de disparaître peu à peu. L’hypercapitalisme est un mode de destruction, une économie négative, qui place la négation en condition unique de l’existence. C’est l’expansion du domaine du néant .
À quel principe ontologique plus vaste, plus puissant et plus drôle pourrait-on songer pour être comme une alternative ? La ludique propose d’opposer à la négation capitaliste le principe par excellence qui n’exclue rien : la contradiction. C’est la voie du moindre effort, la seule ouverte au fond à ceux qui n’ont aucune force. Car pour se rassembler sous la bannière de la contradiction, les adversaires du capital n’ont même pas besoin de surmonter leurs divisions. Point besoin de cohérence pour avoir des conséquences. Ils n’ont même plus besoin d’agir pour ne rien faire. Au fond, le seul espoir d’en finir avec le capital, c’est qu’il tombe de lui-même en poussière, et c’est très exactement cela, la contradiction.
À première vue, le capitalisme est une sorte d’intense et perpétuelle soustraction. Il fonctionne à la ponction secrète d’une ressemblance. En lieu et place de la chose promise, il délivre un sous-clone : un ersatz ou une image. Mais la vraie critique du capital ne réside pourtant pas dans le reproche de la ponction. Car si on l’accuse de ne pas livrer toute la chose, on demeure fasciné par la promesse du même. Or là est l’erreur, hélas commune jusqu’ici au capital et à ses adversaires.
Car ce que l’on veut, c’est toujours le contraire. Aurions-nous le même à l’état pur que nous serions définitivement tétanisés, échoués, détruits. Nous-mêmes, qui ne sommes qu’à ne jamais être mêmes, quel besoin pourrions-nous avoir d’une mêmeté stricte, nécessairement inerte, fétide, factice ? Quel besoin le vivant peut-il avoir d’un cadavre ? Tant de choses, disait Socrate, dont je n’ai nul besoin. Le grand crime du capital n’est pas de léser la vie, mais de promettre et de faire désirer la mort.

 

[Almanach] … Selenacht

[Et au bout de la vague,
en ses profondeurs
…]

Vendredi 5 Juillet 2013
Sur son site Glossolalies
Selenacht
donnait : Acta est #5

 EN UN ÉCLAIR SURGIT-letcr1-exp

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Extrait complet

 

Proposition de lecture :


Il n’y avait plus rien. Plus rien que lui, or lui-même s’effaçait, n’avait jamais aspiré qu’à cela, se cou­ler dans l’effacement, être effacé par l’effacement. Dans l’obscurité par­faite et le com­plet silence, il n’avait plus qu’à lais­ser un repos absolu le gagner, mon­ter en lui comme une vague, l’improbable vague reclose en mer d’huile, vague péné­trante qui s’infiltrait pour le défaire comme il avait défait le monde, sauf qu’il ne s’accrochait pas, ne pesait pas, point de corps défen­dant, que la vague en vienne enfin à l’absorber dans les ténèbres en un consen­te­ment suprême. Et sans doute n’employait-il même pas ces mots, ni aucun mot, se lais­sant seule­ment tra­ver­ser par ce flux de pen­sée comme par la haute vague même, son com­men­ce­ment, puisqu’il fal­lait bien d’abord qu’elle prenne voix quelque part en lui pour le faire taire, l’accorder au silence, pour que peu à peu l’occupe le seul silence tan­dis que les pen­sées une à une se déta­chaient len­te­ment, se dila­taient en cercles tou­jours plus larges, cha­cune plus impré­cise, dif­fuse, puis bien­tôt absente. En un éclair sur­git pour­tant encore une der­nière pen­sée, que ce qui res­tait encore avec lui s’abolissait, der­nière notion d’espace et de temps, et plus rien ensuite, le repos, un néant absolu à perte de vue si avait même sub­sisté qui­conque de cette faculté doué, si la pos­si­bi­lité même de l’existence de cette capa­cité ne dis­pa­rais­sait pas en ce moment même, où le gagnait enfin en une irré­sis­tible étreinte l’infini, pas ce qu’il avait cher­ché, croyait-il, aurait-il cru si, pas attendu à si grande proxi­mité du néant, ce vide aride et pur, s’étoile une sen­sa­tion dif­frac­tée, sans lieu ni forme, illi­mi­tée, per­çante et déjà pas­sée, oubliée, pen­dant que vibre quelque part, par­tout, une jubi­la­tion intense, la liberté peut-être, qui, déjà, se retire, pour enfin ne lais­ser place à rien.

Cela avait duré le temps d’un clin d’œil ou d’une éter­nité. Qui sau­rait dire ? Il n’y avait plus per­sonne pour dire. Il paraît qu’il n’y avait plus per­sonne pour dire. Du moins est-ce qui est rap­porté, c’est ce qui se dit. Cela ou autre chose. Peu importe. Qu’importe fina­le­ment que ce soit cela ou autre chose, peut-être per­sonne, peut-être un clin d’œil, peut-être l’éternité, tout cela fina­le­ment du pareil au même, puisqu’on le dit, que ça a duré, aurait duré, si quelqu’un…

Et puis il enten­dit un rire.