[Après, les recueils de nouvelles, puis de Poésie
Jan Doets ouvre les éditions Qazaq
au roman.]
Anna Jouy
« Strasbourg verticale«
Vendredi 10 Juillet 2015
(à cliquer pour obtenir le parcours de lecture)
Le texte
Proposition de lecture du poème :
Autres publications de Anna Jouy aux éditions Qazaq
Pavane pour une infante défunte
Je et autres intimités – Les dits de solitude
Anna Jouy en ses « Mots sous l’aube«
Daphné quitterait sa place et je ne saurais rien d’elle. Elle se vaporiserait dans cette antique cabine de la STC, sans que je ne puisse rien comprendre à ce qui me troublait tant.
J’étais à ce moment–là tout à fait cupide. Je savais que je tenais peut–être un maillon important de la chaîne de ma propre vie. C’est cette idée, absurde probablement, mais c’est elle tout de même, qui me tarabustait au–delà de mon coup de foudre. La question était celle–ci: Daphné avait–elle déjà traversé une de mes vies? Quand? Où? Comment? Plus que tout, je voulais le savoir. Plus que tout, je voulais comprendre, vérifier une hypothèse que je tenais pour vraie mais sans la moindre preuve. Et Daphné, que j’avais devant moi à ce moment–là, était la première personne que je croisais de toute mon existence et qui me donnait cette sensation de reconnaissance. Impression de déjà vécu plus justement.
Les stores baissés faisaient sur elle des stries fines. On l’aurait dit casquée. Et comme la lumière ne lui parvenait que de manière indirecte, cela lui donnait une douceur fardée et pastel qui la poudrait légèrement.
C’est elle qui prit la parole.
– Où allez–vous?
– Je me rends à Arc–en–Ciel. C’est là que je vais prendre possession de mon nouveau logement. Et vous?
– Je viens chez vous. Enfin, si cela ne vous dérange pas trop…, dit–elle sans pour autant donner l’impression qu’elle tenait à rester convenable.
Je fus abasourdi. Qui ne l’aurait pas été à ma place?
– Chez… moi? Et comment cela se fait–il?
– Il y a un « rat dans mon frigo ». Personne n’est venu le chercher. Je ne peux vivre avec lui. Alors je suis sortie. J’ai pensé: je rencontrerai quelqu’un. Je lui demanderai son avis… A votre avis, est–ce raisonnable de partager son domicile avec un rat?
– Non… Bien sûr que non, dis–je avec difficulté.
Mon coup de foudre sentait soudainement le pétard mouillé. Qu’elle ait eu ce genre de culot avait suffi à me rendre méfiant.
Elle me repêcha du coin de son œil rose.