Le mont analogue – René Daumal (simpliste) – 13

(traduit du bulgare par le traducteur du « Coeur Cerf »)

Le Mont Analogue fut commencé par René Daumal en juillet 1939 lors de son séjour à Pelvoux dans les Alpes et à un moment particulièrement tragique de son existence. Il venait d'apprendre – à trente et un ans – qu'il était perdu : tuberculeux depuis une dizaine d'années, sa maladie ne pouvait avoir qu'une issue fatale. Trois chapitres étaient achevés en juin 1940 quand Daumal quitta Paris à cause de l'occupation allemande, sa femme, Vera Milanova, étant israélite. Après trois ans passés entre les Pyrénées (Gavarnie), les environs de Marseille (Allauch) et les Alpes (Passy, Pelvoux), dans des conditions très difficiles sur tous les plans, Daumal connut enfin, au cours de l'été 1943, un moment de répit et espéra pouvoir finir son « roman ». Il se remit au travail, mais une dramatique aggravation de sa maladie l'empêcha de terminer la relation de son voyage « symboliquement authentique ». Il mourut à Paris le 21 mai 1944. ? 
(extrait le avant-propos de l'éditeur)

13-FORMULER LA RÉSONANCE-IMA

Sur le chemin du retour, s’éloignant de SOGOL et se rapprochant de son domicile, le narrateur comme un objet céleste, passe d’une attraction à une autre.
Ici René Daumal nous parle de notre inconsistance fondamentale, qui ne nous échappe que parce que nous ne pouvons nous dédoubler dans ces moments où nous basculons d’une identité à une autre.

(L’excommunié par les sans-communion disait) « Celui qui met son réveil à 6h00 en ayant la ferme intention de se lever tôt, et celui qui en éteint rageusement la sonnerie, sont deux personnes différentes qui habitent le même corps (on pourra penser à ce propos aux daïmons de Socrate.)

Si, pendant mon trajet du passage des Patriarches jusqu’à l’appartement que j’habitais dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, j’avais pensé à me regarder comme un étranger transparent, j’aurais pu découvrir une des lois qui régissent le comportement des « bipèdes sans plumes inaptes à l’intellection du nombre π », selon la définition que le Père Sogol donnait de l’espèce à laquelle lui, vous et moi nous appartenons.

Le Père Sogol m’avait vraiment convaincu, et, tandis qu’il me parlait, j’étais tout prêt à le suivre dans sa folle expédition. Mais, à mesure que je me rapprochais de mon domicile, où j’allais retrouver toutes mes vieilles habitudes, je me représentais mes collègues de bureau, mes confrères écrivains, mes meilleurs camarades, écoutant le récit de l’étonnante entrevue que je venais d’avoir. J’imaginais leurs sarcasmes, leur scepticisme, leur apitoiement. Je commençais à me méfier de ma naïveté, de ma crédulité… si bien que, lorsque j’entrepris de raconter à ma femme mon entretien avec Sogol, je me surpris à employer des expressions telles que : « un drôle de bonhomme… », « un moine défroqué », « un inventeur un peu loufoque », « un projet extravagant »… Aussi ce fut avec stupeur que je l’entendis me dire, mon récit achevé :

– Eh bien, il a raison. Je vais commencer dès ce soir à préparer la malle. Car vous n’êtes pas seulement deux. Nous sommes déjà trois !

– Alors, tu prends vraiment cela au sérieux ?

– C’est la première idée sérieuse que je rencontre dans ma vie !

Et la puissance de la loi caméléonne est si grande que je me remis à considérer l’entreprise du Père Sogol comme, en effet, tout à fait raisonnable.


[Note] Difficile, devant une seule glace – même en animant sa tête d’un mouvement de rotation propre à nous déboiter le crâne – de se voir de profil.
Ceci donnerait raison à l’auteur…c’est à partir de deux que …


LES FIERS HOMO SAPIENS = REFAISONS LE SOPHISME

___

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s