« La grande beuverie » – René Daumal – Dialogue laborieux – 16 –

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La grand beuverie - en Calabre

Tout ce qui est sans chair et sans émotion vraie, en prend pour son grade dans cette oeuvre truculente.


Dialogue laborieux – 16 –
Le catastrophisme
ne date pas d’aujourd’hui
Dans ce chapitre, René Daumal
(tout en évoquant ce qui menace réellement notre civilisation)
se moque des prophètes de malheur
qui parlent du bord du gouffre
incitent la terre entière à chercher refuge ailleurs
et quant à eux agissent comme le père Pictorius
« 
il resta parmi nous pour achever sa mission prophétique. »

 


« Il disait :
— Frères, vous pullulez, vous vous entroupez, vous vous encroûtez. Bientôt les caves seront à sec et que deviendrons-nous ?
Les uns crèveront lamentablement, les autres se mettront à boire d’infâmes potions chimiques.
On verra des hommes s’entretuer pour une goutte de teinture d’iode. On verra des femmes se prostituer pour une bouteille d’eau de Javel. On verra des mères distiller leurs enfants pour en extraire des liqueurs innommables.
Cela durera sept années. Pendant les sept années suivantes, on boira du sang. D’abord le sang des cadavres, pendant un an. Puis le sang des malades, pendant deux ans. Puis chacun boira son propre sang, pendant quatre ans.
Pendant les sept années suivantes, »…

  

A16- ON NE BOIRA QUE DES LARMES-let


 

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« … on ne boira que des larmes et les enfants inventeront des machines à faire pleurer leurs parents pour se désaltérer.  » 

____________

Un chapitre savoureux, qui tient à la fois de François Rabelais et de Alfred Jarry.


Dialogue laborieux 16,  complet (au format pdf) Dialogue Laborieux 16

« La grande beuverie » – René Daumal – Avant propos

La grand beuverie - en Calabre

Tout ce qui est sans chair et sans émotion vraie, en prend pour son grade dans cette oeuvre truculente.

Plus que jamais, dans notre société qui court-circuite l’être, le monde réel, (et nous avec) est mis au placard.
René Daumal décrit l’intérieur de ce placard avec sa population de 
– découpeur de poil de lapin en quatre : les Scients
– aplatisseurs de mots en galette fine … mais étendue : les Sophes
– extracteurs de bout de pensée à projeter sur une toile, du bronze ou même du néant : les fabricateurs d’objets inutiles.
– …

Mais il ne se contente pas de cela (ce n’est pas un re-bêle)
il nous donne aussi des pistes pour en sortir…de ce placard et retrouver l’espace libre où étendre nos bras, nos émotions, nos pensées.


Première page du livre
René Daumal s’emploie
dans un « avant-propos pouvant servir de monde d’emploi »
à décourager le lecteur
qui se serait trompé de livre
en lisant le titre
ou
en pensant
après une brève note sur l’auteur
qu’il allait lui donner un accès aisé à …

 


« Je nie qu’une pensée claire puisse être indicible. Pourtant l’apparence me contredit : car, de même qu’il y a une certaine intensité de douleur où le corps n’est plus intéressé, parce que s’il y participait, fût-ce d’un sanglot, il serait, semble-t-il, aussitôt réduit en cendres, de même qu’il y a un sommet où la douleur vole de ses propres ailes, ainsi il y a une certaine intensité de la pensée où les mots n’ont plus part. »…

  

LES MOTS CONVIENNENT-let


 

LES MOTS CONVIENNENT-image


Les mots conviennent à une certaine précision de la pensée, comme les larmes à un certain degré de la douleur.  »

____________

Qui s’en sortira sans trouble ?
de ce passage où René Daumal
dit la chose
– l’impuissance partielle du langage –
et son contraire.


L’introduction complète (au format pdf) Avant propos

Portrait de groupe avant démolition – Denis Robert et Renée Taesch

[René Taesch nous aide par ses photographies, à voir ceux que l’on n’aperçoit parfois même plus tant notre oeil a usé sa capacité à reconnaître l’humain lorsqu’il n’a plus le rythme et l’habitat …
Quant à Denis Robert, il pose des mots qu’il veut dérangeant, de quoi rendre ce monde « encore plus invivable » puisque c’est la seule condition pour qu’il change … pour qu’on ait le désir de le changer.]

(Un écho au texte de Sabine Huynh « Je résisterai » chez les cosaques des frontières)


SI J INSISTE ENCORE J IMAGINE DES LARMES - letcr1-exp

Portrait de groupe avant démolition*
Photographies de René Taesch et textes de Denis Robert

 

 

*A la sortie du livre deux tiers de ceux qui sont sur les photos du livre ont disparu.
Vingt ans plus tard …

 

Parcours de lecture

SI J INSISTE ENCORE J IMAGINE DES LARMES - sr(Cliquer pour retourner)

 

En clair

SI J INSISTE ENCORE J IMAGINE DES LARMES - txt0r

En voix

 

Le début du texte de Denis Robert
Proposition de lecture :


A côté encore, il y a une photo de groupe. Quatre alcoolos avec des feuilles d’arbre devant et des lumières de ville au fond. Ils sont contents de poser. Dans leurs yeux embués, je lis : « Je vous emmerde, vous et votre pognon.
Si je regarde mieux, je lis : « Laisse-nous crever en paix. » 
Et puis, si j’insiste encore, j’imagine des larmes. Quelque chose qui dirait : « Je voudrais pas crever ».

Tout cela n’est qu’interprétation. En vérité, les connaissant, je les vois surtout inquiets de savoir qui, après cette connerie de phot, ira liquider la bouteille cachée derrière l’arbre.

MARYSE HACHE ET TINA KAZAKHISHVILI – ASILE -2

 

[Une grande proximité en image et en paroles entre Maryse Hache, Tina Kazakhishvili et ces hôtes du silence et des craintes.
(Comme un écho, mais moins désespéré et avec une écriture plus actuelle, du travail qu’avaient menés de René Taesch et Yves Robert sur le milieu des clochards messins
« Portrait de groupe avant démolition« ) *]

TU VOIS LA AU DEDANS  - letcr1-exp-


(novice ? clique sur l’image)

Extrait du recueil « Asile »

Asile - couverture

Textes de Maryse Hache
 et photographies de  Tina Kazakhishvili

parcours de lecture

TU VOIS LA AU DEDANS  - sr

En clair

TU VOIS LA AU DEDANS  - txt0r

Le site de Tina Kazakhishvili

Maryse Hache sur Publie.net

Une présentation du livre papier (existe en version numérique) 


 Merci de signaler une erreur 

* les photographies de René Taesch se trouvent également (en totalité) ici
Sur la troisième, celui que les abonnés du quai des régates et des bancs de l’esplanade nommaient Depardieu .


 


il brille le reflet de puissance la morsure des fois juste au-dessus des yeux là tu vois là au-dedans ça coule les larmes je mange nu la solitude s’étale dans l’assiette attendre obstinément attendre elle attend encore bien appliquer ma main sur ma bouche qu’il aille pas sortir les mêmes crapauds qu’hier s’asseoir tenir sa tête dans les mains je fatigue il s’ennuie c’est l’ennui muet ça parle de rien que lui s’étale l’ennui s’attache se frotte entre et sort l’ennui du couloir.

COLLINE – JEAN GIONO – 14

 

Un livret gratuit
entièrement dédié à l’oeuvre de Jean Giono
(extraits des nouvelles, romans et pièces de théâtre
à redécouvrir en jeu)
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Pour saluer Giono au format PDF

Livret « Pour saluer Giono »

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[Qui penserait qu’il est ici question
d’un crapaud ?]

SES YEUX SONT PAREILS A DES GRAINS - letc1-exp


(Nouveau ici ?
lecture plus facile avec
le lien entre les mots

A cliquer pour retourner )

SES YEUX SONT PAREILS A DES GRAINS - letc1-sr

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Extrait du roman « Colline »
de Jean Giono

parcours de lecture

SES YEUX SONT PAREILS A DES GRAINS - sr

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En clair (sur babelio)

*

SES YEUX SONT PAREILS A DES GRAINS - txt0r

Un extrait plus long

SES YEUX SONT PAREILS A DES GRAINS - txt1r

  (Janet est à l’agonie
autour de lui
pour conjurer le sort
des histoires étranges
naissent sur les lèvres.
Ici il est question d’un crapaud)

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Pour agrandir une image
la cliquer


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« Le crapaud qui a fait sa maison dans le saule est sorti.
« Il a des mains d’homme et des yeux d’homme.
« C’est un homme qui a été puni.
« Il a fait sa maison dans le saule avec des feuilles et de la boue.
« Son ventre est plein de chenilles et c’est un homme.
« Il mange des chenilles, mais c’est un homme, n’y a qu’à regarder ses mains.
« Il les passe sur son ventre, ses petites mains, pour se tâter : C’est bien moi, c’est bien moi, qu’il se demande dans sa jugeote, et il pleure, quand il est bien sûr que c’est lui.
« Je l’ai vu pleurer. Ses yeux sont pareils à des grains de maïs et, à mesure que ses larmes coulent, il fait de la musique avec sa bouche.
« Un jour, je me suis dit : “Janet, qui sait ce qu’il a fait comme ça, pour avoir été puni, et qu’on lui ait laissé seulement ses mains et ses yeux ?”
« C’est des choses que le saule m’aurait dites si j’avais su parler comme lui. J’ai essayé. Rien à faire. Il est sourd comme un pot.
« Nous deux, avec le crapaud, ça est bien allé jusqu’à la Saint-Michel ; il venait au bord des herbes pour me regarder.
« Je lui disais : “Oh collègue. Et alors, quoi de neuf ?” Quand j’arrosais, il me suivait.
« Une fois, c’était la nuit, je l’ai entendu venir ; il se traînait dans la boue et il faisait clou, clou, avec sa bouche pour faire venir les vers.
« Ils sont venus en dansant du ventre et du dos. N’y avait un gros comme un boudin blanc tout pomponné de poils ; un autre qui semblait un mal de doigt.
« Le crapaud a mis ses pattes sur mes pieds.
« Ses petites mains froides sur mes pieds, j’aime pas ça. Il en avait pris l’habitude, le gaillard. Chaque fois que j’arrivais, j’avais beau me méfier, y posait toujours sa petite patte froide sur mes pieds nus.
« À la fin, j’en ai eu assez. Je l’ai eu juste au sortir de sa maison.
« Il cloucloutait doucement. Il tenait un ver noir et il le mangeait. Il avait du sang sur les dents ; du sang plein sa bouche et ses yeux de maïs pleuraient.
« Je me dis : “Janet, c’est pas de la nourriture de chrétien, ça, tu feras bonne œuvre…”
« Et je l’ai partagé d’un coup de bêche.
« Il fouillait la terre avec ses mains ; il mordait la terre avec ses dents rouges de sang. Il est resté là avec sa bouche pleine de terre et des larmes dans ses yeux de maïs… »

LAQUES – GABRIEL FRANCK – 4

 

Laques - couvertureChez Publie.net
Laques
Gabriel Franck
« …il s’agit d’un récit écrit dans son incomplétude même, la moitié des pages du livre étant volontairement manquantes, plongées dans un silence qui accompagne et rythme la lecture. »

(A lire de préférence sur tablette … pour une lecture aléatoire)

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LE VENT LUI FAISAIT COULER - letcr1

…d’un geste droit et dépourvu d’hésitation »

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Extrait du roman « fantôme »* « Laques »

de Gabriel Franck

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(* C’est la dénomination qui plait le plus à l’auteur)

Parcours de lecture
(cliquer pour retourner)

LE VENT LUI FAISAIT COULER - sr

L’extrait

LE VENT LUI FAISAIT COULER - txt0r

Une extrait plus long
LE VENT LUI FAISAIT COULER - txt1r

 

Présentation sur Publie.net

En librairie de Publie.net

Chez Gabriel Franck

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Les TAGS
donnent des mots de la grille.

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N’hésitez pas à signaler une éventuelle erreur 


Le vent lui faisait couler des larmes non voulues, dont elle avait honte et qu’elle séchait périodiquement d’un geste droit et dépourvu d’hésitation, un mouchoir toujours froissé entre les doigts longs, le majeur qu’elle avait seul bagué d’un anneau d’or lourd et crénelé ; elle attendait durant la journée des visites plus ou moins régulières, des hommes venaient la voir qu’elle abritait de gestes répétés et précis, habiles ; dans l’intervalle elle était souvent sur le seuil, l’épaule confrontée à la roche, ne pensant à rien, accueillant les larges rations du vide qui venaient lentement la recouvrir, et reconfigurer ses propres saillies et coordonnées ;

LES LOIS DE L’IMITATION – GABRIEL TARDE – 1

Illustration de la manière dont on peut faire dire à un auteur
le contraire de ce qu’il a écrit.

L’art de la citation peut être approché de celui de la photographie.
Le matériaux existe, il est « cadré » par celui qui en saisit une partie
Tout est dans ce cadrage (pour la citation) et en grande partie dans
l’art du photographe.

On verra ici à quel point ce cadrage est important.


 

« On pourrait se demander …

JUSQU A QUEL POINT LA SOCIETE - letc1

 

 

Parcours de lecture de cette citation

JUSQU A QUEL POINT LA SOCIETE - sr

(cliquer pour retourner)

 


En clair

(à retourner en cliquant
ou lire dans un miroir )

JUSQU A QUEL POINT LA SOCIETE - txt00r

 


Pour ceux qui connaissent l’extraordinaire penseur qu’est Gabriel Tarde (dont on redécouvre  peu à peu la valeur des travaux) on pourrait effectivement se demander comment il a pu douter à ce point de l’utilité de la société humaine.

On sera rassuré à la lecture de la citation complète qui restaure l’homme dans toute sa dimension d’humaniste … (qu’on pourrait juger un tantinet utopiste, vu de là où nous trouvons actuellement.)

Ici, un exemple de cette citation « mal cadrée » (et même un peu maquillée du fait du point final ajouté)

JUSQU A QUEL POINT LA SOCIETE - citation falsifiée-r
(à retourner en cliquant)
Il est à remarquer que le point à la fin de la phrase n’existe pas, il a été ajouté par l’auteur de ce cadrage particulier de la phrase de Tarde.

On peut l’assimiler au maquillage d’une photo : suppression d’une partie et ajout d’une autre.

Lorsqu’on lit la citation complète on voit que Gabriel Tarde considère la société humaine comme l’outil propre à forger à la fois l’homme dans sa dimension individuelle et dans sa dimension sociétale.
Tout le contraire de ce que laisse penser la citation tronquée.

JUSQU A QUEL POINT LA SOCIETE - txt1r
(à retourner en cliquant)

Ajout du 28-12-2015 : J’ai voulu prévenir le site dicocitation de cette « erreur »
mon premier commentaire à disparu
et lorsque je tente de poster à nouveau, j’ai le message mis ci-dessous

réaction dico citation

J’espère que ma demande via leur compte twitter aura davantage d’effet…

 


 

On pourrait se demander jusqu’à quel point la société, ce long rêve collectif, ce cauchemar collectif, vaut ce qu’elle coûte de sang et de larmes si, cette discipline douloureuse, ce prestige illusoire et despotique, ne servait précisément à affranchir l’individu en suscitant peu à peu, du plus profond de son coeur, son élan le plus libre, son regard le plus hardi jeté sur la nature extérieure et sur lui-même, et en faisant éclore partout, non plus les couleurs d’âmes voyantes et brutales d’autrefois, les individualités sauvages, mais des nuances d’âmes profondes et fondues, aussi caractérisées que civilisées, floraison à la fois de l’individualisme le plus pur, le plus puissant, et de la sociabilité consommée.