[Almanach] Anne Frank …

[De quoi redonner l’espoir à celle qui avait tout à craindre de l’avenir jusqu’alors.]

Mardi 6 Juin 1944
Anne Franck dans son journal écrivait

D APRÈS LES NOUVELLES ALLEMANDES-LETCR1-EXP

                               

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Le passage


Très chère Kitty,
 
« This is D-Day », a dit la radio anglaise à midi et en effet this is the day, le débarquement a commencé.
Ce matin à huit heures, les Anglais ont annoncé : importants bombardements sur Calais, Boulogne, Le Havre et Cherbourg ainsi que sur le Pas-de-Calais (comme d’habitude). Ensuite les règles de sécurité pour les territoires occupés, toutes les personnes qui habitent à moins de trente-cinq kilomètres de la côte doivent s’attendre à des bombardements. Les Anglais tenteront de jeter des tracts une heure avant l’attaque.
D’après les nouvelles allemandes, des parachutistes anglais ont atterri sur la côte française. Des bateaux de débarquement anglais se battent contre les fusiliers marins allemands. Voilà ce qu’annonçait la B.B.C.
Conclusion de l’Annexe, à neuf heures au petit déjeuner : il s’agit d’un essai, comme à Dieppe il y a deux ans.
Communiqué à la radio anglaise à dix heures, en allemand, en néerlandais, en français et en d’autres langues : « The invasion has begun ! » Donc, le « vrai » débarquement.
Communiqué à la radio anglaise à onze heures, en allemand : discours du commandant en chef des armées, le général Dwight Eisenhower.
Communiqué à la radio anglaise à midi, en anglais : « This is D-Day. » Le général Eisenhower s’est adressé au peuple français en ces termes : « Stiff fighting will come now, but after this the victory. The year 1944 is the year of the complété victory, good luck(1)! »
Communiqué à la radio anglaise à une heure, en anglais (traduit) : 11 000 avions sont appareillés, ils ne cessent de faire la navette pour parachuter des troupes et bombarder l’arriére des lignes. 4 000 navires plus des petits bateaux débarquent les uns après les autres entre Cherbourg et Le Havre. Les armées anglaise et américaine sont déjà au cœur de la bataille. Discours de Gerbrandy, du Premier ministre belge, du roi Haakon de Norvège, de De Gaulle pour la France, du roi d’Angleterre, sans oublier Churchill.
L’Annexe est en émoi. La libération tant attendue arriverait-elle enfin, cette libération dont on a tant parlé mais qui est encore trop belle, trop miraculeuse pour vraiment arriver un jour? Cette année, l’année 1944, va-t-elle nous offrir la victoire ? Nous n’en savons toujours rien pour l’instant, mais l’espoir nous fait vivre, il nous redonne courage, il nous redonne de la force. Car il nous faudra du courage pour supporter les multiples angoisses, privations et souffrances, maintenant il s’agit de garder son calme et de persévérer, mieux vaut s’enfoncer les ongles dans la chair que crier ! La France, la Russie, l’Italie et aussi l’Allemagne peuvent toutes crier de détresse, mais nous, nous n’en avons pas encore le droit ! Oh, Kitty ! Le plus beau du débarquement, c’est que j’ai l’impression que des amis approchent. Ces horribles Allemands nous ont opprimés et mis le couteau sous la gorge pendant si longtemps que les amis et la délivrance, c’est tout pour nous ! Il ne s’agit plus des juifs, il s’agit des Pays-Bas, les Pays-Bas et toute l’Europe occupée. Peut-être, a dit Margot, qu’en septembre ou en octobre je pourrai malgré tout retourner à l’école.
 
Bien à toi,
Anne M. Frank

[Almanach] Arnaud Maïsetti …

[Et la ville s’approche.]

Mercredi 6 Juin 2012
Les éditions publie.net donnaient
« Où que je sois encore… » de Arnaud Maisetti

ON IRA UN PEU PARTOUT SE COUCHER-letcr1-exp

                               

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L’extrait complet

Proposition de lecture :

 


D’ici, de cette chambre où je suis et d’où je vois toute la ville, j’entends les voix qui s’élèvent ; d’ici, je sais les reconnaître – chacune d’elles à son secret, et de là où je suis : voix du dedans, du corps qui montent, voix qui de l’intérieur s’échappent de moi et cessent de m’appartenir – ou voix du dehors, voix qui du soir pénètrent jusqu’ici pour m’atteindre et n’être pas différentes de la mienne : voix qui se dressent et se tordent, voix qui marchent et creusent dans le noir les trottoirs qu’elles arpentent : ces voix qui se perdent et ne se retrouvent jamais ; car d’ici, de cette chambre froide, sentant le tabac froid et humide, je les attends et les compte, voix qui égrènent chaque seconde et les précipitent l’une après l’autre dans l’oubli. Monte alors la lente rumeur du monde débarrassé du jour, la persistance des corps dépouillés de la lumière et de ses masques. Dans la chambre froide et humide, l’air ne manque pas. On le respire à chaque seconde. Tout à l’heure, il fera complètement nuit. On ira un peu partout se coucher en attendant de se réveiller, le lendemain.

[Almanach] Régis Debray …

[Un texte qui est d’une actualité brûlante]*

Jeudi 6 Juin 2013 Gallimard rééditait
Éloge des frontières de Régis Debray (publié en 2010)

POUR CONTRER LE NÉANT-letcr1-exp

                               

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L’extrait complet


*Les frontières (toutes les frontières) sont abstractions, leur contour est donné ou assisté, par les mots.
Mais le mot n’a lui même aucune réalité, il sert tout juste, dans sa version utilitaire à éviter les chocs et à contrôler à distance le réel et ceux qui l’habitent.
Le poète, rechargeur de mot (ou éventreur) réinjecte du sens (en toutes ses couleurs, à commencer par celles que lui donnent les peaux) dans le mot … ce qui le fait souvent sortir de ses gongs.
Le résultat étant, qu’une nouvelle porte est ouverte
(il reste à ce que quelqu’un s’en aperçoive et de surcroît
ait l’envie … de sortir prendre l’air.)


Une idée bête enchante l’Occident : l’humanité, qui va mal, ira mieux sans frontières. D’ailleurs, ajoute notre Dictionnaire des idées reçues (dernière édition), la démocratie y mène tout droit, à ce monde sans dehors ni dedans. Pas de souci. Voyez Berlin. Il y avait un mur. Il n’y en a plus. Preuve que la Toile, les paradis fiscaux, les cyberattaques, les nuages volcaniques et l’effet de serre sont en voie d’expédier nos vieillottes barrières rouge et blanc à l’écomusée, avec la charrue à mancheron de bois, la bourrée auvergnate et le coucou suisse. Aussi tout ce qui a pignon sur rue dans notre petit cap de l’Asie — reporters, médecins, footballeurs, banquiers, clowns, coaches, avocats d’affaires et vétérinaires — arbore-t-il l’étiquette « sans frontières ». L’on ne donne pas cher des professions et associations qui oublieraient sur leur carte de visite ce « Sésame, ouvre-toi » des sympathies et des subventions. « Douaniers sans frontières », c’est pour demain.
Si le mirage était vivifiant, propre à nous fouetter le sang, à nous jeter sur les routes, de tôt matin, le jarret frémissant, il faudrait y consentir d’un cœur léger. Entre une ineptie qui aère et une vérité qui étiole, il n’y a pas à balancer. Depuis cent mille ans que nous enfouissons nos morts chéris dans l’idée qu’ils pourront se retrouver bientôt au paradis, la preuve est faite qu’un trompe-l’œil encourageant ne se refuse pas. Pour contrer le néant, l’espèce a toujours pris le bon parti, celui de l’illusion. Si l’on doit s’élever contre celle-ci, c’est que, sous ses allures mi-scoutes, mi-luronnes, mi-évangéliques, mi-libertaires, elle annonce un bol d’air et garantit un trou à rat.