Journal intime – Pierre Loti

Journal intime - Pierre Loti - couverture

La promise - Pierre Loti

Première page dont on retrouvera une présence dans pêcheur d’Islande, et dont la fin peut, si on la croit sincère, justifier la mort du héro de cette oeuvre qui fut le grand succès de Pierre Loti.

Journal intime - Pierre Loti - premières pages


« Je suis dans une petite ville de Bretagne, où je m’étais arrêté il y a cinq ans, avec Yves, dans d’autres circonstances qui m’avaient frappé aussi.
L’aventure qui m’y ramène finit mal et d’une façon imprévue; il m’en restera, comme un rêve, des impressions mélancoliques et bizarres que le temps emportera.

Une jeune fille était venue sur la Surveillante, à Brest, en octobre, voir son frère, un  matelot aujourd’hui congédié. C’était une fille de pêcheur, brunie à la mer, de cette race des Côtes-du-Nord qu’on appelle les « Islandais ». Elle était remarquablement belle, d’une beauté antique, sculpturale, avec de grands yeux dédaigneux qui m’avaient charmé.
Et j’avais combiné ce voyage d’hier, pour la retrouver dans son village. Je pensais mon entreprise facile, – et j’étais bien un peu excusable, ayant réussi tant de fois en me donnant moins de peine, – mais j’échouai devant une noblesse de sentiments, un dédain que je n’avais pas soupçonnés.
Alors je compris cruellement combien j’étais misérable et au-dessous d’elle… Je vins ici, à la petite ville voisine, et dans une chambre d’hôtel je m’enfermai. Les larmes n’étaient pas loin, je l’aimais étrangement.

En une heure, mon parti était pris; je décidai d’épouser cette fille du peuple. Vite, je commandai une carriole pour retourner chez elle. Et là, devant son frère qui venait d’apprendre mon équipée et qui en avait la rage au cœur, devant le père, je dis :
« Et bien c’est vrai, j’ai fait cela. Mais maintenant je vous demande de me la donner pour femme, parce que je l’aime comme jamais je ne pourrais aimer une jeune fille du monde où je vis. »

La surprise fut grande. Le père, le frère me firent parler longuement; ils sentaient que j’étais sincère, ils avaient confiance, ils ne savaient que répondre.
Mais elle, elle disait non, sans colère à présent, – surprise elle-même, touchée peut-être, – mais elle était déjà fiancée à un « Islandais » et elle disait non. Je les quittai à la nuit; il était convenu que le frère me donnerait réponse le lendemain.

Je regagnai la ville et me mis à errer dans les rues par un beau temps de gelée, une belle nuit d’hiver.
J’entendis des chants qui venaient d’une grande église admirable et j’entrai. Elle était à peine éclairée, cette église, et tout au fond, derrière l’autel, on répétait des chœurs d’enfants pour Noël.
Je ne m’étais jamais encore agenouillé dans une église; ce soir-là je restai près d’une heure sur un prie-Dieu, écoutant ces chants qui partaient de très loin, du bout de la grande voûte sombre… Beaucoup d’images passaient dans ma tête et il me semblait être transporté à une autre époque, tant les choses qui m’entouraient étaient anciennes et, pour moi, étranges.

Toute la nuit j’ai songé à la réponse attendue, j’espérais, – et ce mariage que d’autres auraient trouvé insensé; ce mariage, je le désirais comme le salut.
De grand matin, aujourd’hui, le frère est venu. Il m’apportait toute sorte de présents de pêcheurs, des langoustes, des homards… c’était à la fois touchant et drôle… mais la réponse était non… Lui aurait bien voulu, le père aussi, prétendait-il, mais sa sœur avait donné sa parole et tenait trop à son fiancé. Il me priait de ne pas lui en vouloir, de lui pardonner.
« Elle me faisait dire bonjour et que, si je repassais par son pays, je lui ferais grand plaisir en allant en reposer chez elle… »

J’ai gardé ce brave garçon à déjeuner et, …

QUAND JE L’ AI VU-le-i

(ou P G)


S


A propos du roman de Pierre Loti, si vous faites un petit détour par le site de Ann Harding vous découvrirez l’existence et l’histoire d’un ancien film adapté de cette histoire d’amour et de mer.

Pêcheur d’Islande 1924
Ann Harding

Laisser un commentaire