Pour Giono, la guerre n’est pas un accident dans le parcours de notre civilisation, c’est un moyen, et l’homme est au service de ce moyen. Toute sa vie, à commencer par son éducation le prépare à cet usage.
Son refus va donc bien en amont de toute déclaration de guerre, et ce refus est motivé par un tout autre « usage » que l’auteur défend, de l’enfant, de l’adolescent et de l’humain, un usage personnel, dans lequel il reste UN.*
« L’enfant au bord du chemin et qui joue avec des herbes ne peut être considéré dans sa beauté et dans son humaine liberté que par deux ou trois fous de mon genre. Si je pense qu’il a les yeux bleus et qu’il portera toute sa vie la gloire d’avoir les yeux bleus, et qu’il s’en ira, blondasse vagabond du monde, à la recherche de l’espoir, du désespoir et de l’amour ; si moi je pense qu’il va peut-être nourrir dans sa tête les rythmes, les formes, et les musiques qui porteront l’humanité un peu plus avant dans l’immense prairie des étoiles ; si je pense que, sans doute, il ne sera qu’un homme parmi les hommes, un écouteur et non pas celui qui souffle dans le bugle, un de l’auditoire et non pas celui qui est debout dans le cercle, je me dis, moi : quoi qu’il fasse, il vit. …
*[Ici est toute la différence de conception entre la perception de l’humanité comme « multitudes » ou comme « les nombreux » (Que la plupart des partis politiques** mettent en avant, l’individu étant plus difficile à gérer que le groupe). La seconde interdisant l’abstraction autre que momentanée et exclusivement dans une phase d’approche floue de la réalité vivante. ]
** Ainsi on critiquera le point de vue de Giono (« un homme parmi les hommes, … et non pas celui qui est debout dans le cercle« ) – ou de Max Stirner dans « L’unique et sa propriété« – en menaçant ceux qui refusent l’état et ses guerres de peuples, de ce qui serait alors selon eux inéluctable, à savoir « la guerre de tous contre tous« . Cet état de conflit permanent qui est déjà notre lot, largement utilisée qu’il est, par tous les états, pour attiser l’esprit de compétition, ce terreau si fertile pour sa progéniture naturelle qu’est : la guerre.