Je ne peux pas oublier : Refus d’obéissance – Jean Giono – 14 – fatiguer/endormir

Dans un numéro spécial de « La Provence – Histoire » dédié à Jean Giono,  50 ans après sa disparition,  (numéro 14 : « Jean Giono, la plume du Sud » ) l’article de Emmanuelle Lambert évoque* le renoncement de Giono, après l’épisode désastreux pour lui, du pacifisme de 1940, au collectif et donc à toute forme d’engagement (notamment dans l’écriture) que l’on trouve dans « Refus d’obéissance ».

Dans l’extrait ci-dessous, Giono évoque par avance cet oubli dans lequel lui-même va – contraint et forcé – sombrer (au moins apparemment) … grâce au travail, c’est à dire en ce qui le concerne, à l’écriture. Puisque vers la fin de son oeuvre, il semble ne plus s’intéresser qu’à la forme, au style et élude toute question concernant les thèmes qui lui tiendraient à coeur.**

* »J’ai le sentiment que tout ça n’arrange pas une misanthropie qui se met peu à peu en place. »

** Entretien avec Pierre Lhoste Avril 1968 « …C’est une erreur de jeunesse, une exaspération de violence … » (que cette rage exprimée dans « Je ne peux pas oublier » et notamment dans les lignes :  » Puis j’ai commencé à écrire et tout de suite j’ai écrit pour la vie, j’ai écrit la vie, j’ai voulu saouler tout le monde de vie. J’aurais voulu pouvoir faire bouillonner la vie comme un torrent et la faire se ruer sur tous ces hommes secs et désespérés, les frapper avec des vagues de vie froides et vertes, leur faire monter le sang à fleur de peau, les assommer … « )


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 » D’abord le travail avait fourni assez de dureté, de souci et de mal, de choses mauvaises immédiates pour que les malheurs passés soient effacés et les amis morts oubliés. …

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(Plus facile)


(Solution)


 

« C’est le combat du droit et de la liberté, contre les forces réunies de la barbarie.

Tu le sais. soldat, et c’est pour cela que tu veux lutter jusqu’au bout, jusqu’à l’extermination de tes ennemis.

L’Allemagne, pour son développement économique. manquait de débouchés, et son marché commercial et industriel s’encombrait davantage chaque année.

L’Allemagne, à cause de sa grande natalité, manquait de place pour sa population.

L’Allemagne, pays de discipline et de contrainte, était harcelée par le parti pangermaniste, le parti de l’Allemagne au-dessus de tout, qui désirait la gloire des armes et des combats.

Pour se faire craindre, elle avait accumulé les hommes et le matériel, elle avait organisé la force.

C’était un capital inutilisé dont un jour elle devait inévitablement chercher l’emploi.

Pour assurer l’essor de son commerce, l’utilisation de sa population. elle a saisi le premier prétexte pour employer à son désir de domination, cette force qu’elle avait savamment organisée depuis quarante-quatre ans et qu’elle croyait avoir atteint son maximum.

L’Allemagne, violant tous les traités (des chiffons de papier pour elle), s’est jetée sur nous.: mais, malgré la ruée en masse, nous avons paré le coup: victorieux sur la Marne, nous avons obligé nos ennemis à se terrer et nous nous sommes peu à peu organisés.

La lutte entrera bientôt dans sa phase décisive.

La France a donc encore besoin de toi, soldat, de tout ton courage, de tout ton héroïsme, peut-être de ta vie !

Tu lui donneras tout : Parce que tu te bats pour maintenir à la patrie le premier rang dans le monde civilisé: Parce que tu te bats pour la liberté et la sécurité des peuples; Parce que tu te bats pour le droit et la justice.

Tu iras jusqu’au bout : Pour abattre l’Allemagne et amener la tranquillité de l’Europe: Pour que tes enfants n’aient pas la hantise d’un cataclysme semblable à celui que nous vivons.

La tâche sera peut-être encore longue et lourde.

Mais tu as maintenant entre les mains les armes nécessaires, et tu sais qu’il ne s’agit plus que d’avoir du courage et de la vaillance.

Soldat de France, tu iras droit au but, jusqu’à la fin, jusqu’à la victoire !

Ainsi, tous les Français appelés au service sont partis au premier jour. Beaucoup d’entre eux, hélas, sont tombés au champ d’honneur ! Des vides se sont faits qu’on a remplis. Chacun a fait vaillamment son devoir.

Et dans un conflit aussi vaste que celui qui bouleverse actuellement le monde, il importe que chacun se donne à la patrie entièrement. Il n y a pas de non-valeurs. Pour ceux qui ne peuvent être utilisés au front, dont l’aptitude physique ne permet pas qu’ils soient envoyés au combat, il y a dès places à l’arrière, dans lesquelles leur activité peut être utilement employée.

De jour en jour, au fur et à mesure que la lutte se prolonge, la France aura davantage besoin des efforts combinés de tous ses enfants, jeunes et vieux.

Il ne faut pas en ce moment d’hommes inemployés. Certes, celui qui, pour une raison quelconque, n’a pas été appelé, et qui emploie son activité dans l’industrie ou le commerce est également utile. Car la vie économique continue, et pour que la France puisse poursuivre son effort jusqu’au bout, il faut que le commerce et l’industrie français, non seulement maintiennent leur activité, mais s’efforcent de l’augmenter. Ceux-là travaillent donc aussi pour la France, ne l’oublions pas. »

[Pour nos soldats : GUIDE DU POILU – Charles Charton]


Le combat, la guerre économique, dans laquelle chaque pays est engagé, est de même nature que cette première Grande Guerre. (voir la première phase de Charles Charton)
Cette fameuse utilité sur laquelle Giono nous interrogeait précédemment est assez visible.
Dans un monde où la frénésie de la consommation/consummation est de règle, le changement perpétuel, l’instabilité relative (tout en proclamant constamment la recherche du confort et de la sécurité) est un facteur de gain pour tous ceux qui sont au commandent de la machine économique ou plus précisément à la source/création de l’information.
Un monde dans lequel toute destruction dans un pays génère une augmentation de son PIB.
Dans ce monde là, il est indispensable que tout soit « étudié pour nous endormir » Entretenir notre épuisement, la saturation de nos sens, pour rendre inatteignable la réalité.

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