Giono jeune, a écrit un texte que Giono sage a partiellement renié, lui reprochant précisément tout ce qui en fait sa force : la colère, la fougue, l’audace, la témérité et cette capacité de faire déborder le sens au-delà des mots.
Point de reproche, mais cela nous est double leçon.
« La 6e compagnie était un petit récipient de la 27e division comme un boisseau à blé. Quand le boisseau était vide d’hommes, enfin, quand il n’en restait plus que quelques-uns au fond, comme des grains collés dans les rainures, on le remplissait de nouveau avec des hommes frais. On a ainsi rempli la 6e compagnie cent fois et cent fois. Et cent fois on est allé la vider sous la meule. Nous sommes de tout ça les derniers vivants, Vidon et moi. J’aimerais qu’il lise ces lignes et qu’il trouve son nom. Il doit faire comme moi le soir : essayer d’oublier. Il doit s’asseoir au bord de sa terrasse, et lui, il doit regarder l’Isère verte et grasse qui coule en se balançant dans des bosquets de peupliers…
« Mais il y a encore les jeunes, il y a aussi ces gamins (qu’ils me pardonnent le mot) dont le sang bouillonne, dont l’âme exulte, dont l’esprit est transporté; qui rêvent de combat, de gloire, qui s’aperçoivent victorieux, et se voient revenant acclamés, couverts de lauriers, le ruban rouge sur la poitrine.
Ceux-là, ils ne veulent pas attendre qu’ils soient appelés, et désirent rejoindre leurs aînés.
L’engagement s’impose alors, nous en donnons les moyens légaux.
«
[Pour nos soldats : GUIDE DU POILU – Charles Charton]
« S’il suffisait de donner sa vie pour sauver sa patrie
mais dans leurs guerres
avant cela
il faut d’abord prendre la vie des autres
ceux de là-bas
ces autres pauvres bougres déguisés comme nous »
Lélio Lacaille