« Le chant du monde » – Jean Giono – page 5

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J’ai déjà évoqué le fait que certains critiques ou auteurs voyaient « Le chant du monde »* comme un possible prix Goncourt, après sa parution en 1934 en trois parties, dans la Revue de Paris.
Mais Giono aurait-il voté pour lui (sourire)² s’il avait fait partie du jury ?
Lui qui confessait à son ami Lucien Jacques** qu’il trouvait que la fin avait « Un petit côté imbécile et couillon« 

* La Nouvelle Revue Française évoque le titre « Le Besson rouge » pour ce qui n’aurait été que la première partie d’un ensemble de 4 romans, dont la suite n’a jamais été écrite par Giono.

** Lucien Jacques est celui qui a fait découvrir Jean Giono. En publiant dans Les Cahiers de l’artisan ses poèmes et en frappant sans relâche à la porte de la maison Grasset, notamment pour lui faire publier « Colline« 


Cinquième page …

La rivière, que Giono nomme fleuve
est un personnage important de cette première partie du roman.
Peut-être même le meilleur ami d’Antonio.
Lequel affectionne d’elle
jusqu’à ses traîtrises.

 


Je pense à Junie, dit Antonio.
C’est d’elle qu’est venue l’inquiétude, dit Matelot. Moi, le temps me passait. Un matin elle m’a touché le genou.
– Et l’enfant? elle a dit.
– L’enfant, j’ai dit, quoi?
– Il devrait être ici.
– Le temps de faire, j’ai dit
– Le temps a passé, elle a dit. Elle s’est levée, elle a ouvert la porte, c’était le petit jour.
– Qu’est-ce que tu crois? dit Antonio.
– Je cherche pas à croire, dit Matelot, ce que je sais, c’est qu’il a coupé les arbres, fait le radeau et qu’il a dû le flotter.
– Alors?
– Peut-être noyé, je pensais.
…»

 

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… Le gué galopait toujours sur place et on entendait ses grosses pattes blanches qui pataugeaient entre les rochers. »


 

Junie, la femme de Matelot, est toute entière peinte dans ce
« …elle m’a touché le genou.  »

Quand à
« Elle s’est levée, elle a ouvert la porte, c’était le petit jour. »
Les trois temps de la phrase portent le lourd silence qui suit ses quelques mots.

 

 


 

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Le cahier comporte comporte
– Des évocations courtes des 24 premières pages du roman
avec extrait en clair et en jeu (et illustrations)
– Ainsi qu’une page de la fin (qui ne dévoile rien)
– Les solution en fin de cahier (parcours et citation en clair).

 

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« Le chant du monde » – Jean Giono – page 4

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À l’époque où il travaillait sur « Le chant du monde« *, Jean Giono disait clairement son désir de s’éloigner du réel, et cela, autant en ce qui concerne les lieux (dans ce roman il mélange, sans fausse note, paysage de plaine et de montagne) qu’en ses personnages (eux aussi, si vrais et pourtant si peu vraisemblables)

« Les temps présents me dégoûtent même pour les décrire. C’est bien assez de les subir. […] des hommes existent aussi qui ne connaissent rien de l’horrible médiocrité dans laquelle la civilisation, les philosophes, les discuteurs et les bavards ont abaissé la vie humaine. »

Troisième mouture, les deux premiers manuscrits ayant pour l’un été volé, pour l’autre, disparu mystérieusement.


Quatrième page …

Matelot évoque un autre personnage du roman :
sa femme, Junie,
dont la présence, bientôt à distance,
sera comme un écho de ce qui se joue déjà
dans cette contrée où Antonio et Matelot
vont aller chercher le Besson.

 


– Qu’est-ce que tu penses?
– Je pense à Junie.
C’est elle qui m’a fait descendre vers toi, dit Matelot.
Si tu es prêt, on allume.
– Allume.
Matelot se mit à battre le briquet. Il souffla sur l’amadou.
…»

 

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… Il avait, au fond de sa barbe blanche, une bouche épaisse aux grosses lèvres, un peu luisantes, bien gonflées de sang. »


 

Il est possible de se pencher longtemps sur une question que suscite ici la prose de Giono
lorsqu’il fait dire à Antonio « Qu’est-ce-que tu penses ? » (au lieu de à quoi penses-tu ?)
et que Matelot lui répond « à Junie« .

 

 


 

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« Le chant du monde » – Jean Giono – page 3

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Évoquant des prétendants, selon lui, au Goncourt 1935, Henri Bidou écrivait à propos du roman de Giono

« Le Chant du Monde est moins un roman qu’une épopée. Sans qu’on puisse préciser de ressemblance, on est à chaque moment frappé par une parenté entre le livre et les aventures d’un folklore très ancien. Pas trace de mythe si l’on entend par là une fable à transposition obligée. … Mais quelque chose comme l’écho d’un chant de l’Odyssée. C’est un voyage et un retour. Au bout du voyage, il y a la reconquête d’une femme. L’itinéraire remonte un fleuve, puissant et fantasque comme un dieu, et la lutte des hommes. »


Troisième page …

Matelot veut voir Antonio pour un motif grave
qui nécessite un temps de silence
et une transition par un autre lieu que la parole,
par un partage.

De ce qui sera dit là naît tout le fil de l’action future.

 


« Ils restèrent un moment sans parler.
Tu as du tabac sec, dit le Matelot ?
Oui, dit Antonio.
Il se fouilla.
– Ma main est là, dit-il.
– Où?
– Devant toi.
Matelot prit le tabac.
– Qu’est-ce que c’est cette histoire? dit Antonio …»

 

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… – J’ai plus de nouvelles de mon besson* aux cheveux rouges, dit Matelot.
– Depuis quand?
– Jamais. »


*Besson se dit d’un (qui a un frère) jumeau

Les dialogues de Giono sont ici très resserrés.
Il y a économie des mots, comme du reste, chez Antonio et Matelot, peu habitués à la dépense large, si ce n’est dans l’action.
Dans ce peu de paroles, la tension n’en est que plus présente.
L’inquiétude de Matelot qui ne faiblira pas, est toute dans ce « jamais« .

« Le chant du monde » – Jean Giono – page 2

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« Il y a bien longtemps que je désire écrire un roman dans lequel on entendrait chanter le monde (et ferait) percevoir le halètement des beaux habitants de l’univers.  »

Disait Jean Giono à propos de ce livre, en germe bien avant qu’il en ait écrit les pages. (Puis en nombreux brouillons hésitants)


Deuxième page …

Le second héro de ce roman, dont on ne connaîtra que le surnom : Matelot
apparaît dans ce pays* d’arbres et d’eau.
Pas de salutation entre ces deux-là
comme dans les véritables amitiés
entre ceux qui ne songent même pas qu’ils ont pu être l’un
sans un peu de la présence de l’autre.

 


« Cet automne dès son début sentait la vieille mousse.
De l’autre côté du fleuve on appela :
– Antonio !
Antonio écouta.
– C’est toi Matelot ?
– Oui, je veux te voir.
– Le gué a changé de place, cria Antonio.
– Je viens à cheval, dit le Matelot.
Et on l’entendit pousser l’eau un gros tronc d’arbre.
…»

 

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P02-IL DOIT ARRIVER-imaC

… Il doit arriver à peu près aux osiers, pensa Antonio,avec ce nouveau détour du gué le courant doit se balancer par là.»


*Un de ces pays où l’on met l’article devant le nom de la personne.
Et comme on y est avare de mots, c’est que cela a vraiment un sens !

[Almanach] Jean Giono …

[Pour beaucoup de ses lecteurs, un des plus beaux romans de « la première période »]

Vendredi 1 Juin 1934
La Nouvelle Revue Française en son n°249
donnait en Marcel Arland une critique du roman de Jean Giono
« Le chant du monde »
Paru un mois plus tôt chez Gallimard
LOIN LÀ BAS DANS LES COMBES -letcr1-exp

                               

(à cliquer pour obtenir le parcours de lecture)

Le passage en son entier

Proposition de lecture


Loin, là-bas, dans les combes des collines, les oiseaux ne pouvaient pas dormir. Ils venaient écouter le fleuve. Ils le passaient en silence, à peine comme de la neige qui glisse. Dès qu’ils avaient senti l’odeur étrangère des mousses de l’autre côté, ils revenaient en claquant éperdument des ailes. Ils s’abattaient dans les frênes tous ensemble, comme un filet qu’on jette à l’eau. Cet automne dès son début sentait la vieille mousse. De l’autre côté du fleuve on appela : –Antonio !
Antonio écouta.
– C’est toi, Matelot ?
– Oui, je veux te voir.
– Le gué a changé de place, cria Antonio.
– Je viens à cheval, dit le Matelot.
Et on l’entendit pousser à l’eau un gros tronc d’arbre.
– Il doit arriver à peu près aux osiers, pensa Antonio, avec ce nouveau détour du gué le courant doit se balancer par là.
– Oh ! cria Matelot.
Il était déjà arrivé.