Évoquant des prétendants, selon lui, au Goncourt 1935, Henri Bidou écrivait à propos du roman de Giono
« Le Chant du Monde est moins un roman qu’une épopée. Sans qu’on puisse préciser de ressemblance, on est à chaque moment frappé par une parenté entre le livre et les aventures d’un folklore très ancien. Pas trace de mythe si l’on entend par là une fable à transposition obligée. … Mais quelque chose comme l’écho d’un chant de l’Odyssée. C’est un voyage et un retour. Au bout du voyage, il y a la reconquête d’une femme. L’itinéraire remonte un fleuve, puissant et fantasque comme un dieu, et la lutte des hommes. »
…
Troisième page …
Matelot veut voir Antonio pour un motif grave
qui nécessite un temps de silence
et une transition par un autre lieu que la parole,
par un partage.
…
De ce qui sera dit là naît tout le fil de l’action future.
« Ils restèrent un moment sans parler.
Tu as du tabac sec, dit le Matelot ?
Oui, dit Antonio.
Il se fouilla.
– Ma main est là, dit-il.
– Où?
– Devant toi.
Matelot prit le tabac.
– Qu’est-ce que c’est cette histoire? dit Antonio …»
… – J’ai plus de nouvelles de mon besson* aux cheveux rouges, dit Matelot.
– Depuis quand?
– Jamais. »
*Besson se dit d’un (qui a un frère) jumeau
Les dialogues de Giono sont ici très resserrés.
Il y a économie des mots, comme du reste, chez Antonio et Matelot, peu habitués à la dépense large, si ce n’est dans l’action.
Dans ce peu de paroles, la tension n’en est que plus présente.
L’inquiétude de Matelot qui ne faiblira pas, est toute dans ce « jamais« .