L’ART et la PENSÉE – Henri Charlier

Sculpteur et peintre, Henri Charlier évoque dans ce passage de « l’Art et la Pensée » la distance irréductible qui sépare le langage des mots de celui que l’artiste produit à chacune de ses oeuvres.

Le passage mis en grille aurait pu être une déclaration du célèbre amateur de chocolat Lanvin … la plupart des nombreux artistes sont réduits se soumettre à cette contrainte incontournable dans un monde de « concepts en mots« .


« Chez les gens cultivés eux-mêmes, le système de pensée des artistes est rarement compris ; on lui refuse même d’être un système de pensée.
Il y a certes des gens très sensibles aux beaux-arts et dont c’est le moyen normal de penser, même s’ils ne sont pas artistes créateurs. Ils les comprennent directement ; ils n’éprouvent aucun besoin de se les expliquer par des mots, c’est-à-dire de faire une traduction. L’œuvre leur paraît toujours plus riche de sens que les mots. Mais les autres demandent une explication ; ils ne veulent pas croire que mon idée c’est ma statue ; ils veulent qu’elle soit la traduction en pierre d’une de leurs idées verbales

ET SI JE NE LEUR DONNAIS-letex-

Et, suivant qu’ils sont poètes, philosophes, savants, ils demandent une explication poétique, savante ou philosophique. Or, une traduction est impossible ; deux langues différentes appartiennent encore à un même système de pensée, puisque dans l’une et l’autre les concepts se fixent sur des mots qui sont comme les signes du concept [note personnelle : ou paraissent l’être]. Mais dans les beaux-arts, les signes n’ont de sens que par leur place ; ils sont en quelque sorte créés pour chaque cas particulier ; leur généralité vient du rapport qu’ils ont entre eux. »

[pour lire la phrase de la grille, cliquer dessus]


 

Ça sert à quoi tout ça ?

Maxime le Forestier le chantait à propos de la vie.

Assurément
de ce côté là
quand je me suis chauffé 3 minutes au soleil
quand j’ai croisé une demi-seconde un regard chaleureux
quand le rouge-queue prend la peine de répondre à mon sifflement maladroit
quand je reçois dans un espace qui n’existe pas, en provenance d’un lieu dont je ne sais quasiment rien, une nouvelle moisson de cartes postales de la Chine ancienne
quand …
j’ai une foultitude de réponse de ce côté de la question.

Par contre
lorsque je m’interroge (comme bien d’autres) à propos de l’éducation
celle qui se perfectionne autour de nous
je demeure coi.

Fernand Deligny n’a jamais proposé de système
mais la posture qu’il prend
replace la question
en un autre lieu que celui des moyens et des fins qui dépassent l’humain.

« Si tu es instituteur, va te faire refaire. Tu crois à l’efficacité de la morale psalmodiée et, pour toi, l’instruction est chose primordiale.
« Si tu viens travailler avec moi, je te donnerai les diplômés et je me garderai les illettrés.
« Et nous en reparlerons au moment de la moisson.

L INSTRUCTION EST UN OUTIL JE TE L ACCORDE-letex


ne leur apprends pas à chanter si chanter t’ennuie ;
ne te charge pas de leur apprendre à vivre, si tu n’aimes pas la vie.

Il ne faut pas qu’ils regardent les modèles que tu leur proposes, comme un crapaud regarde un papillon.

Ne leur dis pas: est-ce que moi je… Tu es peut-être un adulte modèle; tu n’es certes plus un modèle d’enfant.

Lorsqu’on te parlera de ton dévouement, j’espère que tu en seras bien étonné.
Ou alors change de métier.

Si tu es dégoûté du métier, ne t’embarque pas sur notre bateau, car notre carburant est l’échec quotidien, nos voiles se gonflent de ricanements et nous travaillons fort à ramener au port de tout petits harengs alors que nous partions pour pêcher la baleine.

C’est un métier d’enfant, c’est un métier d’apôtre, un métier d’ajusteur, ou mieux de repasseuse.
Et les plis sont tenaces au corps et à l’esprit des enfants sur lesquels a pesé de toute sa masse inerte une société d’adultes indifférents.»


L’instruction est un outil je te l’accorde, indispensable si tu veux nous,

ce qui nous intéresse, c’est celui qui s’en servira

SATIS – Le plein c’est le vide

Peut-on encore aller 
lorsqu’on est 
« parvenu » ?


ETRE VIVANT C EST ÊTRE INSATISFAIT-letex

En prison ?
[Las Vegas, Palm Island ]
Pour ressentir à nouveau
en son manque
de quoi est faites la vie.

la belle verte - coline Serreau

Image extraite de « La belle Verte« * de Coline Serreau

* en espérant que le lien vert le film complet
tiendra quelques temps

Pour faire un pas de plus …

Il faut céder
le lieu où l’on se tient.

La mort n’est pas le contraire de la vie
elle est détachement, libération,
plus ou moins achevée selon le point de vue où se place
le Un et sa conscience.

IL FAUT BIEN MOURIR UN PEU-letex


renoncer à cela
c’est passer du côté des pierres
que seul le vent
use et met en mouvement.


(Pour déchiffrer la grille cliquer dessus)

La fabrique des imposteurs –

Ces lignes de Diderot, extraites du « Neveu de Rameau » sont comme un écho à l’ouvrage dans lequel Roland Gori dénonce « La fabrique des imposteurs« *, c’est à dire la propension que notre monde contemporain a, de susciter le faux … à cela Diderot ajoute celle de susciter le fou (le passage mis en grille est cité par Michel Foucault dans son « Histoire de la folie à l’âge classique »**)


Il n’y a point de meilleur rôle auprès des grands que celui de fou. Longtemps il y a eu le fou du roi en titre; en aucun, il n’y a eu en titre le sage du roi. Moi je suis le fou de Bertin et de beaucoup d’autres, le vôtre peut-être dans ce moment; ou peut-être vous, le mien. Celui qui serait sage n’aurait point de fou. Celui donc qui a un fou n’est pas sage; s’il n’est pas sage, il est fou, et peut-être, fût-il roi, le fou de son fou. Au reste, souvenez- vous que dans un sujet aussi variable que les moeurs, il n’y a d’absolument, d’essentiellement, de généralement vrai ou faux, sinon qu’il faut être ce que l’intérêt veut qu’on soit; bon ou mauvais; sage ou fou, décent ou ridicule; honnête ou vicieux. Si par hasard la vertu avait conduit à la fortune; ou j’aurais été vertueux, ou j’aurais simulé la vertu comme un autre.

ON M A VOULU RIDICULE-letex

 


 

 


 

« La fabrique des imposteurs » (le livre)


**

« Histoire de la folie à l’âge classique » Michel Foucault

Introduction (à la troisième partie)

J’étais pour eux les Petites-Maisons tout entières.

« Un après-midi, j’étais là, regardant beaucoup, parlant peu, écoutant le moins que je pouvais, lorsque je fus abordé par un des plus bizarres personnages de ce pays où Dieu n’en a pas laissé manquer. C’est un composé de hauteur, de bassesse, de bon sens et de déraison. »

Dans le moment où le doute abordait ses périls majeurs, Descartes prenait conscience qu’il ne pouvait pas être fou — quitte à reconnaître longtemps encore et jusqu’au malin génie que toutes les puissances de la déraison veillaient autour de sa pensée ; mais en tant que philosophe, entreprenant de douter, de propos résolu, il ne pouvait être « l’un de ces insensés ». Le Neveu de Rameau, lui, sait bien — et c’est ce qu’il y a de plus obstiné dans ses fuyantes certitudes — qu’il est fou. « Avant que de commencer, il pousse un profond soupir, et porte ses deux mains à son front ; ensuite, il reprend un air tranquille, et me dit : vous savez que je suis un ignorant, un fou, un impertinent et un paresseux »

Cette conscience d’être fou, elle est bien fragile encore. Ce n’est pas la conscience close, secrète et souveraine, de communiquer avec les profonds pouvoirs de la déraison ; le Neveu de Rameau est une conscience serve, ouverte à tous les vents et transparente au regard des autres. Il est fou parce qu’on le lui a dit et qu’on l’a traité comme tel :

« On m’a voulu ridicule et je me le suis fait. » La déraison en lui est toute de surface, sans autre profondeur que celle de l’opinion, soumise à ce qu’il y a de moins libre, et dénoncée par ce qu’il y a de plus précaire dans la raison. La déraison est tout entière au niveau de la futile folie des hommes. Elle n’est rien d’autre peut-être que ce mirage.

*

Une autre manière de le dire – Jean Rochefort

Hello don Quichotte !

J’ai beaucoup aimé,
dans les entretiens que rediffuse actuellement France Culture
suite à ton changement de domicile
,
ta manière directe et concise de dire ce que Tristan Félix  évoque à sa façon dans son
 CHANTIER INTERDIT AU CONCEPT
affiché à l’entrée de son site.

NOTRE CORTEX NOUS EMMERDE-letex

Vive le cerveau limbique aidé du reptilien !


Notre cortex nous emmerde !

 

Le roman du Mont Saint Michel – Madame Stanislas Meunier

MAIS NON LE TEMPS HÉLAS-image

 

 

 

 

[En mettant en caisse le contenu de ses bibliothèques, alors même qu’il s’en trouve dix fois davantage en un grenier de Lorraine, la brève allusion à cette accumulation « folle » de livres … pour la vieillesse, ne peut qu’interroger.]


COMMENT LE JUIF ABRAHAM PARLA DE FRÈRE JEAN A MONSEIGNEUR LE DAUPHIN, ET DE QUELLE FAÇON FRÈRE JEAN VIT MONSEIGNEUR CHARLES DE BLOIS

Appelé le lendemain près du Dauphin, le médecin trouva ce prince non pas réellement malade, mais triste et déprimé par trop de préoccupations. Jean le Bon, qui s’était trouvé à Avignon en même temps que le roi de Chypre, avait reçu la « vermeille croix des mains d’Urbain V, et partait pour l’Angleterre avec l’intention d’y prêcher la croisade. Pour la seconde fois, le Dauphin se trouvait Régent.

– Maître Abraham, j’ai mal à la tête.
– Dormez, monseigneur.
– Je ne puis.
– Alors, distrayez-vous. Vous avez des livres.

MAIS NON LE TEMPS HÉLAS-letex
– Eh bien, je vous tirerai de vos idées noires par une belle histoire dont les héros sont un brave chevalier breton, Bertrand Du Guesclin, et un jeune moine du Mont Saint-Michel.
– Oh les bonnes gens, comme je les aime Les Anglais n’ont pas de plus terrible ennemi que ce Du Guesclin qui descend, m’a-t-on dit, d’un roi maure. Quant à l’abbaye, c’est une fière citadelle.

( Image « La Nef des Fous » – Sébastien Brant –  folie des livres ) *

(cliquer sur l’image pour la lecture de la grille)


– Mais non le temps, hélas ! J’ai commencé à les amasser pour ma vieillesse, lorsque je serai venu à bout de toutes mes besognes.

 


 

La crise – Joachim SÉNÉ

Aux éditions Publie.net  :  « la crise » de  Joachim Séné  (suivi de « Je ne me souviens pas« )

Une phrase dans laquelle le son, intégré au sens le renforce.

 

LA CRISE C EST CRIE SANS CESSE-letex-

(cliquer sur l’image)

 


« La crise » c’est crie sans cesse.

LES ANARCHISTES [vus par un scientifique du XIXème]

ILS ONT BIEN SOUVENT CES CARACTÈRES-photos

 

 

Il est encore des textes contemporains ici ou là, ou des discours d’hommes politiques, qui entendent catégoriser le type « homme criminel » en puissance, c’est à dire, comme le présente le film « minority report« .
Pour César Lombroso il n’y avait aucun doute à propos de la nature criminelle de l’anarchiste d’après la morphologie de son « faciès »


LA PHYSIONOMIE DES ANARCHISTES – Césare Lombroso

 

Une des applications les plus curieuses et peut-être les plus pratiques de l’anthropologie criminelle, cette science nouvelle qui s’est assise entre la sociologie, la psychiatrie et le droit pénal, est celle qui dérive de l’étude de la physionomie du criminel politique. Elle fournit, en effet, à l’étude du crime politique certaines bases qui semblaient jusqu’ici se dérober à toutes les recherches, à tous les efforts des juristes. Elle semble aussi nous donner le moyen de différencier la vraie révolution, toujours féconde et utile, de l’émeute, de la rébellion qui demeurent toujours stériles.

 

Il est un fait pour moi tout à fait établi, et dont j’ai donné les preuves dans mon Delitto Politico, que les vrais révolutionnaires, c’est-à dire les initiateurs des grandes révolutions scientifiques ou politiques, qui provoquent un vrai progrès dans l’humanité, sont presque tous des génies ou des saints, et ils ont tous une physionomie merveilleusement harmonique il suffit de regarder les planches du Crime politique. Quelles nobles physionomies n’ont-ils pas les Paoli, Fabrizi, Dandolo, Moro, Mazzini, Garibaldi, Gambetta, Marx, Lassalle et les martyrs chrétiens ? En général, on voit chez eux un front très ample, chez les hommes une barbe très touffue, un œil très doux et très grand; quelquefois on y rencontre la mâchoire très développée, mais jamais hypertrophique; quelquefois enfin la pâleur du visage (Mazzini, Bruto, Cassio); mais, presque jamais, ces caractères ne s’accumulent dans le même sujet jusqu’à constituer ce que j’appelle le type du criminel.

 

Dans une étude que j’ai faite sur 321 de nos révolutionnaires italiens (révoltes contre l’Autriche, etc.) presque tous mâles (il y avait 27 femmes sur 100 hommes), la proportion du type criminel a été de 0,57 p. 100, c’est-à-dire bien moindre que chez les hommes normaux où elle est de 2 p. 100.

 

Sur 30 nihilistes célèbres, 18 ont une physionomie très belle, 12 présentent quelques anomalies isolées, 2 seulement ont le type criminel (Rogagiew et Oklasdky), c’est-à-dire le 6,8 p. 400. Eh bien si des martyrs d’une grande idée politique ou religieuse, tels que les martyrs chrétiens  nous passons aux régicides, aux présidenticides, tel que Fieschi, Guiteau, Nobiling et aux fauteurs des carnages politiques de 1789, tels que Carrier, Jourdan, Marat, on trouve immédiatement chez tous, ou presque tous, le type criminel (TAINE). Et le type se répète avec fréquence chez les communards et les anarchistes. Sur des photographies de communards, j’ai trouvé le type criminel dans la proportion de 12 p. 100 le type des fous chez 10 p. 100. Sur 41 anarchistes de Paris, que j’ai étudiés à l’office de la police de Paris, chez Bertillon, la proportion du type criminel était de 31 p. 100.

 

Dans la récente affaire du 1er mai, j’ai pu étudier 100 anarchistes de Turin. J’ai retrouvé chez eux le type criminel dans la proportion de 34 p. 100, tandis que chez 280 criminels ordinaires, de la prison de Turin, le type était de 13 p. 100.

 

Parmi ces 100 individus arrêtés le 1er mai, 30 p. 100 étaient récidivistes pour crimes communs chez les autres, la récidive s’élevait à 50 p. 100. De vrais habitués de la prison, il y en avait 8 parmi les premiers, 20 parmi les derniers.

Grâce à l’aide du Dr Carus et de la direction de l’Open Court qui m’a envoyé bien des documents curieux, grâce aussi à l’ouvrage très spécial, mais riche de faits, de Shaak, Anarchie and Anarchistes (Chicago, 1889), j’ai pu étudier les photographies de 43 anarchistes de Chicago et j’y ai trouvé presque la même proportion 40 p. 100 du type criminel; c’étaient, parmi ceux-ci, Dieneks, Potosuki, Cloba, Seveski, Stimak, Sugar, Micoland, Nina van Zands, Lieskre, Lingg, Oppenheim, Engel et sa femme, Fielden, G. Lehm, Thiele, Most, qui présentaient ce type. Je signale surtout chez Potosuki, Sugar et Micoland, l’asymétrie faciale, mâchoire énorme, sinus frontaux, les oreilles en anse; les mêmes caractères (sauf l’asymétrie) se retrouvent chez Seveski, Novak. Fielden a le nez retroussé, la mâchoire énorme; Most a l’acrocéphalie et l’asymétrie faciale.

 

Une physionomie au contraire très belle est celle de Marx, avec le front très ample, les cheveux et la barbe touffus, les yeux doux; ainsi sont Lassalle, Hermann, Schwabe, Neebe, Schnaubelt, Waller, Seeger.

 

En étudiant à part ces chefs anarchistes de Chicago, on trouve pourtant dans tous une anomalie, du reste très fréquente dans les hommes normaux, c’est-à-dire les oreilles sessiles, sans lobule, et plus développées que chez les sujets normaux (hormis dans Spies). Elles sont aussi à anse dans Lingg, Fischer, Engel; la mâchoire est très développée dans Lingg, Spies, Fischer, Engel; tous ont toutefois le ‘front beau et ample des grandes intelligences. Lorsque je dis que les anarchistes de Turin et de Chicago ont avec fréquence le type criminel, je n’entends pas dire que les criminels politiques, même les anarchistes les plus violents, soient de vrais criminels mais …

ILS ONT BIEN SOUVENT CES CARACTÈRES-letex

…en effet, le père de Booth s’appelait de lui-même Junius Brutus, et on lui avait donné le nom d’un révolutionnaire, Wilkes (voir REGIS, les Régicides, Lyon, 1790). Les pères de Guiteau et de Nobiling, et la mère de Staps étaient des fous religieux, et Staps lui-même, comme Ravaillac ou Clément, a eu des hallucinations.

 

Dans les autobiographies du Vorboten, je trouve que Pearson avait une mère méthodiste, très fanatique, et que son père joua un grand rôle dans le mouvement de tempérance de la Louisiane. Et toute la famille Pearson, depuis un siècle, prit part à tous les mouvements révolutionnaires. Un Tompkin, parent de sa mère, avait pris part à la bataille de Brandiron et de Monmouth; un général Pearson servait pendant la Révolution de 1776 un capitaine Pearson assistait à la bataille de Bunhers Hill. Le père de Lingg a souffert d’une commotion cérébrale. Le père de Fielden, ouvrier, mais aussi grand orateur, était un des agitateurs dans la question des ouvriers en Angleterre; il a été un des fondateurs de la « Consumers Cooperation Society» » et de la Société des Old-Fellows. Le père, les frères et le grand-père de Podelewski ont pris part aux émeutes polonaises, et presque tous furent fusillés ou moururent dans des prisons d’Etat.

 

Cette influence héréditaire, on la voit aussi dans le grand nombre des frères co-imputés de Chicago les deux Spies, les deux Lehm.

Je le répète, parmi les anarchistes de Chicago, il n’y a pas de vrais criminels; et même Shaack, cet historien policier, ne peut en citer que deux criminels, et il ne les aurait pas épargnés s’il y en avait eu davantage.

Leur mort même, héroïque, où ils professèrent si haut leur idéal, démontre qu’ils n’étaient pas criminels communs toutefois, leur psychologie, comme celle des chefs de la Commune de Paris, nous montre en eux une véritable insensibilité morale, quelquefois une cruauté innée, qui trouvait dans la politique un prétexte et un essor, et qui s’accorde trop bien avec leurs physionomies criminelles. Marat demande 210000 têtes Vallès parle de sa famille avec une vraie haine; Carrier écrivait « Nous ferons un cimetière de la France » Ferré souriait pendant qu’on tuait par ses ordres Veisset. Les dernières paroles de Spies sont d’une haine féroce contre les riches. Et le projet des anarchistes de Chicago (s’il est véridique), de faire sauter une partie de la ville avec des bombes, atteste une absence de sens moral, de même que l’ordre donné par Pearson d’étrangler un espion et de le jeter par la fenêtre.

On sait que parmi les anarchistes il est des brigands et des voleurs (tels que Pini, Kammerer, Gasparine). Booth avait pour complice Payne, un vrai meurtrier de profession, et Orsini eut pour complices deux voleurs.

Mais il faut noter que l’anomalie héréditaire, si elle provoque une anomalie dans le sens moral, supprime aussi le misonéisme, cette horreur du nouveau, qui est presque la règle générale de l’humanité; elle en ferait ainsi des novateurs, des apôtres du progrès, si l’éducation trop grossière et la lutte avec la misère, dont tous les anarchistes de Chicago, hormis Pearson, ont été les victimes, n’en faisaient des ratés et des rebelles, les empêchant de comprendre que l’humanité, comme un morceau de la nature, qu’elle est, ne peut pas progresser au galop.

 

Spies, seulement à sa dernière heure, s’aperçoit que l’humanité est misonéique, esclave de l’habitude, et il le dit en citant les vers allemands: «A mon grand émerveillement, j’ai dû comprendre que la grande masse des hommes est coutumière, et appelle l’usage sa nourrice. »

Évidemment, s’il avait compris cela tout d’abord, il n’aurait pas été anarchiste. Celui qui étudie comme moi les travaux des fous, comprend qu’un de leurs caractères est l’originalité, tout à fait comme pour les génies seulement, l’originalité des fous, et des fous moraux aussi, c’est-à-dire des criminels-nés, est presque toujours absurde, inutile, et même dangereuse. Et telle est bien souvent l’œuvre des anarchistes.

Mais c’est pour cela aussi que moi, qui pourtant suis partisan à outrance de la peine de mort, je ne puis approuver la fusillade des communards et la pendaison des chefs de l’anarchie de Chicago. Je trouve très nécessaire de supprimer les criminels nés, lorsqu’on voit que, nés pour le mal, ils ne peuvent faire autre chose que du mal, et que leur mort, ainsi, épargne beaucoup de vies d’honnêtes gens. Mais c’est bien différent ici, où le type criminel est du reste moins fréquent que chez ces criminels nés (voir ci-dessus).

Ici, il faut considérer aussi l’état très jeune de presque tous (Lingg, 20 ans Schwab, 23 ans Neebe, 37 ans), car, à cet âge, on a le maximum d’audace et de misonéisme, et je me souviens d’un grand nihiliste russe, qui me disait que celui qui n’est pas, en Russie, nihiliste à 20 ans et ultra modéré à 10 ans, n’est qu’un sot.

Ici, si le penchant au mal existe dans une proportion plus grande que chez les honnêtes gens, il prend toutefois une route altruistique, et tout à fait à l’opposé de celle des criminels-nés. Il exige l’indulgence et la pitié.

Ce penchant, en s’associant au besoin du nouveau, qui est aussi anormal dans l’humanité, s’il était bien canalisé et point dérouté par la misère, pourrait devenir d’un grand avantage pour l’humanité. Il pourrait lui tracer des routes nouvelles, et, dans tous les cas, lui être utile pratiquement. Un criminel-né, dans une prison perpétuelle, tuera quelque geôlier; dans une colonie, s’alliera avec les sauvages, ne travaillera jamais, tandis que les criminels politiques, dans une colonie, deviendront des pionniers, plus utiles souvent même que les honnêtes gens médiocres en tout, même dans le bien.

Louise Michel (cet unique exemple que je connaisse de mattoïde* femme) avait reçu le surnom d’ « Ange rouge en Calédonie, tant elle s’y montrait charitable infirmière.

A mon avis, on ne doit pas appliquer la peine de mort au crime politique. Une idée ne s’étouffe pas avec la mort de ses fauteurs elle gagne, au contraire, à leur martyre, si elle est bonne, comme c’est le cas dans les grandes conspirations ou révolutions. Si l’idée est mauvaise, elle reste stérile, comme chez les anarchistes. Comme on ne peut porter un jugement définitif sur un grand homme pendant sa vie, de même une génération ne peut pas, dans sa vie éphémère, juger avec certitude de la fausseté d’une idée (quelle qu’elle soit), et, par conséquent, elle n’est pas en droit d’infliger une peine aussi radicale que la peine de mort à ses fauteurs.


 

Du même auteur l’ouvrage plus conséquent « L’homme criminel – (criminel né – fou moral – épileptique)

* Mattoïde : une invention lexicale de César Lombroso, pour désigner l’humain dans un degré intermédiaire entre le fou et l’homme « normal » ( de Mat qui signifie « fou » et oïde « en forme de« . Terme traduit parfois par « criminaloïde ». Car pour Lombroso le criminel est un fou.)


(Pour la solution de la partie du texte en grille, cliquer sur l’image – ou ici)


ils ont bien souvent ces caractères dégénératifs communs aux criminels et aux fous, parce qu’ils sont des anormaux

« LE QUATRIÈME ÉTAT FRANçAIS » – marquis de Castellane

Il y a eu en France des nobles qui ont proposé ce que des hommes de gauches n’oseraient plus envisager à notre époque.

Le marquis de Castellane fut de ceux-ci. Pour peu que vous ayez le temps de lire un passage de sa proposition de « Quatrième état français » (en écho au « tiers état » ?) l’audace de son projet vous fera regretter les temps qui courent (Nous sommes en 1891 !).


[extrait]

Le but est de faire de l’ouvrier un participant aux bénéfices de son travail, de distribuer l’argent gagné entre beaucoup de mains Lire la suite