Le 21 Décembre 1912 …

René Bichet, qui, sur les même bancs du lycée Lakanal que Jacques Rivière et Alain Fournier, était leur ami…

…meurt des suite d’une «  »overdose ».

Des trois amis il est le seul à réussir le concours de l’École normale supérieure d’où il sortira reçu premier au concours de l’agrégation de Lettres. Ce qui le conduira à un poste prestigieux dans la ville de Budapest.
C’est lui, le petit B. d’Alain Fournier (Lettres au petit B.) le poète et ami, trop réservé auquel l’auteur du « Grand Meaulnes » écrit avec beaucoup de condescendance en parlant peu de René et beaucoup de lui et de Jacques Rivière et de leurs projets littéraires.

René Bichet était poète et ce qu’il laisse de vers donne à penser qu’il aurait pu lui aussi avoir une carrière littéraire.
Un an avant sa mort, paraissait dans la Nouvelle Revue Française un long texte en prose « Le livre de l’Amour ». René Bichet avait alors 24 ans.
(extrait)

Et maintenant, voici que l’allégresse est en moi
tout entière ! Oh, il y a maintenant des choses qui me font rire ! je me lèverai, je rirai des yeux du chat qui s’ouvrent comme des bourgeons; j’écarterai des deux mains les rideaux, je rirai du soleil quand il entrera chez moi comme on pousse le poing jusqu’au fond d’un coffre plein d’or. Je veux danser comme un roi nègre. Venez ! entre les buissons de phlox et les hémérocalles, nous bondirons par-dessus les allées qui …

… au centre d’un tourbillon, lorsque parmi tout le silence seul notre cœur bougera, plongé dans le sang comme un homme nu au milieu d’un fleuve, nous nous arrêterons, nous regarderons vers la barrière… regardez-la, la voici ! son visage luit derrière les feuilles comme une prune mûre ; elle va pousser la porte, mais d’abord elle glisse une main entre les lattes pour cueillir le plus beau dahlia.

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Une année après sa mort, grâce à André Gide (auquel Alain Fournier avait déconseillé son ami de lui faire un envoi … il lui fallait attendre d’avoir une production suffisante) quelques poèmes de René Bichet sont publiés dans la NRF




(Transcription du livre de l’amour – De René Bichet)

Nous sommes loin du « paysan » de Rivière. Mais déjà on pressant la crise de confiance qui s’empare de l’auteur et l’aurait probablement conduit à une pause, à une réflexion sur la voie à prendre.
René Bichet était enseignant tout comme d’autres (on peut penser à Louis Guillaume) il aurait pu se consacrer davantage à cette mission, notamment la partie prestigieuse à l’étranger professeur de français au Collège József Eötvös de Budapest) et revenir plus tard à la poésie.
Echappant au petit cercle Alain-Fournier, Rivière, dont on a pu apprécié les appréciations, d’autres soutiens auraient pu lui venir, à lui qui avait publié ce très beau texte, cette poésie en prose sur l’amour, à peine âgé de 24 ans.

Un autre de ses poèmes, un des derniers, publié après sa mort dans la NRF :

Pourquoi pleurer dans ton coin
Hier matin tu chantais tout seul.
Je t’ai entendu.
Je passais, entraîné d’éteule en éteule
Par un vol de perdreaux dans le vent rabattus,
Quand je t’ai entendu,
Presque à mes pieds, comme un chant de rainette.
Hé bien, pourquoi rougir ? C’est un joli refrain :
Il tremble et coule comme le grain,
Comme la pluie sur les noisettes,
Comme la rosée du matin
Sous les prunelliers bleus.
Il m’a rappelé l’âge heureux
Où je longeais le port en sortant de l’école,
Les barques tirées à sec
Qui étaient des coquilles de soleil,
Et les larges filets vermeils
Egouttés sur la grève molle.
Allons, allons,
C’était une jolie chanson,
Bonne aux vieux sans courage
Comme un pain tendre à qui n’a plus de dents.
Sois sage
Vous avez tous la même rage
De ne plus chanter dès qu’on vous entend