28 Septembre 1895 …

… « La Jeune Garde » évoque une activité de l’Assemblée Nationale et des mouvements tout autour qui jettent le doute sur l’efficacité du régime parlementaire.

Les reproches faits il y a près de 130 ans, font échos à ceux, qui nous arrivent, en plus grand flux et avec une plus grande vélocité, depuis que le journal d’opinion a été largement remplacé par des « véhicules » plus modernes.

(Quelques extraits de l’article)

Si rassurant que puisse paraître le dernier câble gramme du général Duchesne (daté du 20 septembre), qui répond par la négative aux propositions du gouvernement le pressentant au sujet d’un nouvel envoi de matériel, de munitions et d’approvisionnements, notre patriotisme si chatouilleux est, depuis quelque temps, affecté d’une façon aiguë par la série ininterrompue de nouvelles fâcheuses que le télégraphe officiel, ou les correspondances privées apportaient en pâture à sa légitime curiosité.

Il s’agit ici des difficultés que rencontre la France pour établir un « protectorat » fiable avec Madagascar et en particulier de celles du « corps expéditionnaire français » du général Duschene (25 hommes décèdes au combat, 5 756 meurent de maladie)

Les siècles passent, les pratiques changent peu.

Au surplus, à quoi bon revenir sur ces honteux marchandages, compliqués bientôt, il est vrai, par les compétitions entre la « Marine » et la «Guerre»; par le manque d’organisation qui faisait affréter, pour le transport du matériel, des navires, anglais alors que nos compagnies de navigation françaises étaient prêtes à suppléer à toutes les insuffisances (pourquoi?) de la marine de l’Etat? Et tant d’autres griefs que le pays aurait le droit d’invoquer !…
Mais il n’est plus temps de récriminer ; la lie est tirée, il faut la boire. Ce qu’il faut, après avoir mis dans leurs ordures le nez des coupables, c’est d’empêcher, à tout prix, qu’ils en…évacuent de nouvelles.
Malheureusement, en ce qui concerne le Parlement, il n’y a pas grand chose à faire. Le régime est pourri ; il ne reste qu’à en hâter l’effondrement. Mais les Bureaux !, ces repaires d’ambitions, d’incapacités, de pré tentions grotesques où régnent en souveraines maîtresses, la routine, la paresse, l’incurie ; gras fromages de Hollande où se donnent rendez-vous tous les Brid’Oisons en chambre, tous les parasites, tous les insectes suceurs par qui s’anémie l’antique robustesse ne notre France, qui en aura raison ?

Quand surgira…

…eaux d’épuration dont l’irrésistible courant emportera, roulant pêle-mêle : cancrelas, punaises, m…ions, microbes de toutes races et de toutes infections, néfastes pourvoyeurs du virus qui empoissonne le plus généreux sang de nos enfants.

L’appel à un régime fort est très sensible ici dans un journal « dont la ligne éditoriale est explicitement bonapartiste« 

Nos ministres — éphémères, hélas ! — ont, devant eux, une belle page blanche de l’histoire à remplir.
Secouons leur énergie, ravivons leur courage, relevons-les de leurs défaillances. Et ne cessons de leur corner aux oreilles, sur l’air justicier des « lampions » : Les Bureaux! les Bureaux !! les Bureaux !!!

[parenthèse précisions (?) : histoire de se mettre la tête à l’envers

Le rôle des Bureaux
Comme le rappelle Christian Buniet, dans sa thèse « Les règlements des assemblées parlementaires en France depuis 1871 », l’institution des « Bureaux » – qui n’a pas survécu à la IIIe République -, au nombre de neuf, est « antérieure à la Révolution puisqu’on les rencontre déjà sous la monarchie de l’Ancien Régime dans les états généraux et les assemblées de notables ». Sous la IIIe République, leur composition est le résultat d’un tirage au sort, à l’aide d’un appareil constitué d’une planche percée d’autant de trous qu’il y a de Bureaux et sur laquelle des boules portant les noms des sénateurs sont versées. Celles-ci se placent dans les cases de manière aléatoire (voir le Traité de droit politique de E. Pierre, page 862).

Les Bureaux ont deux fonctions essentielles : « la première était leur participation à la procédure législative qui leur faisait jouer le rôle d’agents de nomination des membres des différentes commissions ; la seconde, plus épisodique, les conduisait à préparer les décisions de l’assemblée en matière de vérification des pouvoirs ». (Christian Buniet, « Les règlements des assemblées parlementaires en France depuis 1871 »).

Traduisant la réticence des assemblées à voir se constituer en leur sein des groupes politiques permanents, les Bureaux permettaient la création de majorités ponctuelles sur un sujet donné. Mais dès 1921, après la Chambre des députés en 1910, le Sénat adopte un nouveau mode de désignation des commissions.

La fonction des Bureaux se réduit alors à celle de juge du contentieux électoral à l’occasion des élections parlementaires. En effet, en application de l’article 10 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, « chacune des chambres est juge de l’éligibilité de ses membres et de la régularité de leur élection ». Sous la Ve République, c’est au Conseil constitutionnel que reviendra ce rôle.

… 49,3 ?


Ce qui est évoqué ici à propos de Madagascar, se terminera mal pour beaucoup de Malgaches,
notamment pour le prince Ratsimamanga* et le ministre de l’Intérieur Rainandriamampandry* qui seront tous les deux exécutés le 15 Octobre 1896, et tous ceux qui seront victimes de la répression féroce du général Gallieni.
Lui même, qui, dans son livre « La pacification de Madagascar (opérations d’octobre 1896 à mars 1899) » ne dit pas un mot du sort qu’il a réservé à ceux* qu’il fit fusiller.
Peut-être y a-t-il une allusion à (l’insignifiance? de) ces faits dans ce passage de l’œuvre :

Il serait …

…n’eurent, d’ailleurs, et ne pouvaient avoir grand résultat pratique parce que les postes étaient trop éloignés les uns des autres, et que, d’autre part, ils n’étaient pas suffisamment loin dans l’ouest.

27 Septembre 1936

… le journal « Les jeunes » (courrier de quinzaine du journal « Le Patronage » Fédération sportive et culturelle de France.) consacre un article à une pratique nouvelle pour l’époque : « La marche« , sous le titre « route et routiers« 

(C’est l’année des JO de Berlin, organisés par Hitler. Dans aucun des numéros on ne verra le nom de « Hitler », ni d’ailleurs celui qui devint à 12 ans le plus jeune médaillé olympique : le français Noël Vandernotte.)

(extrait de l’article)

Plus que jamais, par cette saison de vacances, même pluvieuses, toutes les routes, goudronnées ou non, de la France et du monde sont sillonnées de part en part de tous les moyens de locomotion imaginables, à double superposition pourrait-on dire; les avions de toute structure rivalisant avec les véhicules terrestres et faisant ombre aussi bien que nombre sur ceux-ci.
Il semblerait qu’il ne reste plus sur les routes de place, même étroite, de bande côtière rétrécie, pour les piétons; ceux-ci apparaissant pour le grand nombre comme des spécimens sous-développées de l’espèce, à mettre au rang des vieilles lunes, (…)
Des gens qui vont encore à pied… quels phénomènes arriérés ! Comme si, avec le progrès moderne, les jambes étaient encore faites pour appuyer sur autre chose que la pédale ou le frein? Aller à pied, quel terre-à-terre et quel prosaïsme que l’on dirait bourgeois, si les bourgeois eux-mêmes n’avaient pas abandonné la « routine » de faire la « route »
Et pourtant, voyez comme tout est paradoxe en ce bas monde, et comme il est peu philosophique de croire à un progrès stabilisé, si les deux mots ne juraient d’ailleurs d’être monstrueusement associés !
Voilà qu’après avoir chassé de la route les « rouliers » ancestraux, claquant du fouet les lourds chevaux en calèche, les recordmen de la bécane, de la moto, du tacot, de l’auto, aux chevaux invisibles, voient réapparaître d’autres chemineaux qui s’obstinent à ne prendre ni monture ni voiture, des équipes de plus en plus fréquentes et nombreuses de plus en plus, de « marcheurs » au vocable nouveau, ou tout au moins rajeuni de « Routiers ».

Petits colons, scouts de tous foulards et de tous fanions, amateurs de footing à l’anglaise, quickborns d’au-delà du Rhin, médiévaux compagnons du Poverello d’Assise, tous en colonne et d’un pas délibéré, souliers constellés de clous et bâton à la main, tous ces contempteurs des moyens de transport rapides et luxueux, tous ces fronts suants et tous ces pieds poussiéreux, ont si bien la prétention de reprendre la route qu’ils, en ont pris tout d’abord le nom et fraternisent tous, de quelque bord qu’ils viennent, en se disant plus ou moins tous, Routiers.

La route que survolait l’avion et qu’ « arrachait » le « Michelin », la route, dont certains techniciens méticuleux avaient cru pouvoir rédiger et imposer le code en multiples articles, ce n’est plus aux automobilistes, ce n’est plus au « Tour de France » qu’elle appartient; la route, c’est à eux seuls que les Routiers prétendent qu’elle appartient. C’est eux qui en ont vraiment la science et l’amour, et qui la connaissent et la possèdent. Eux seuls en ont saisi la mystique, et seuls ils la goûtent et ils en vivent. Eux seuls, ils ont l’esprit de la route et pour eux seuls la route existe, se fait sentir et apprécier; pour eux seuls, elle vit.
Il n’y a pas à y contredire, car, au fond, c’est vrai!
Pour qui donc, en effet, la route a-t-elle cette réalité, j’allais dire cette personnalité?
Pour qui le mot même de route sonne-t-il aussi cristallin et joyeux? Sinon pour tous ces pérégrinateurs, et tous ces pèlerins, des naturistes les plus osés aux ascètes les plus rigoureux? Sinon pour tous ces modernes chercheurs et amateurs désintéressés d’aventures qui s’en vont sans souci …

… au compte- goutte? Sinon pour ces réactionnaires aux modes et aux conventions et ces révolutionnaires du « ce qui se fait et de ce qui se porte ».
En voilà qui renversent avec sérénité les dictatures et pour qui vraiment, comme chante le Noël d’Adam : « La terre est libre et le ciel est ouvert !»

A d’autres, le baptême de l’air; ils ont, eux, le baptême de la route, avec l’ondée tiède qui tombe des nuages, ou l’eau transparente de la source qui chante.

Aussi bien pour le routier, la route, qui est une mystique, c’est-à-dire quelque chose qui vous prend tout entier, la route est aussi un symbole.
La route, c’est …

… réconforts. Les deux syllabes de ce mot lui-même renferment, nous dit Joseph Folliet, un routier poète et théologien tout ensemble, enferment un symbolisme: « Il n’est que de le rompre comme une coque et il s’épanouit ainsi que ce parfum des Roseraies, emprisonné par les artisans tunisiens à l’intérieur d’œufs en porcelaine. »

Après tout, nous aussi nous sommes une route, et mieux encore que les fleuves de Pascal, une route qui marche, et comme une route escarpée chacun monte à son propre sommet.

Et voici que bientôt je m’identifie avec cette route terrestre que je suis; elle m’exerce et je m’y exerce, elle constitue pour moi un entraînement de l’âme et du cœur, tout autant que des muscles et des jambes; elle raidit ma volonté tout autant que mes jarrets, et elle abaisse mon orgueil en abaissant mon front. Elle est pour moi, gymnastique idéale, « drill moral », exercice de double assouplissement. Je dois écouter ses caprices et passer moi-même par où elle passe : c’est en lui obéissant que j’en viendrai à bout.

Mais combien la route sait …

… en vitesse. Il n’y a qu’à comparer aux vacances du Routier les vacances de beaucoup d’autres, pour qui la Route n’a été qu’un moyen. C’est encore Joseph Folliet qui nous le dit avec une verve étincelante et une exactitude de psychologue : « On traîne son désœuvrement sur les pages, parmi les semi- nudités qui se négrifient savamment en face d’une mer que le spectacle fait baver de rage ; on grimpe lourdement au sommet d’une montagne parce que c’est bien porté et qu’il faut — d’un impératif catégorique — avoir accompli telle ascension et contemplé tel « panorama féérique ». On s’aventure dans un casino pour jouir de la tête qu’exhibent les joueurs malchanceux. On lit des romans insipides. On envoie des cartes postales à des gens dont on se soucie comme de son premier alpenstock. On engage un petit flirt pas méchant, bien sentimental, bien benêt. Enfin, on rentre chez soi, avec la pensée consolante ,que, pendant le reste de l’année, on saura quoi faire ! »

(…)

Mais c’est (Joseph Folliet) lui aussi, encore dans cette Spiritualité de la Route, à laquelle j’ai emprunté quelques perles qui ne sont pas fausses, qui sait décrire, ou plutôt présenter en poète, un de ces « feux de camp » qui ressuscitent, en plein xxe siècle, les antiques feux de la Saint-Jean, autour de Jumièges, au temps du Loup Vert. « C’est si beau, dans les ténèbres, un feu qui, sur la pointe d’un rocher, semble un phare; un feu qui sabre d’or et de rouge l’eau sombre et morte d’un étang: un volcan de flammes convulsives surmonté de fumerolles blanches; une petite flambée, drapeau rouge, qui se tord au milieu de la sombre profondeur nocturne. Le bois craque et pétille dans les ondulations tour à tour bleuet, mousse, marguerite et coquelicot; des arômes goudronnés s’exhalent; des escarbilles volent il la rencontre des étoiles filantes… Et les spectateurs contemplent bouche bée, yeux ronds. L’homme est un animal qui aime le feu… »