(traduit de l’américain par Henry-Luc Planchat)
Sur Anarres, les proscrits d'Urras ont édifié, il y a cent soixante-dix ans, une utopie concrète fondée sur la liberté absolue des personnes et la coopération. Ce n'est pas un paradis, car Anarres est un monde pauvre et dur. Mais cela fonctionne. A l'abri d'un isolationnisme impitoyable qui menace maintenant la société anarchiste d'Anarres de sclérose. Pour le physicien anarresti Shevek, la question est simple et terrible. Parviendra-t-il, en se rendant d'Anarres sur Urras, à renverser le mur symbolique qui isole Anarres du reste du monde ? Pourra-t-il faire partager aux habitants d'Urras la promesse dont il est porteur, celle de la liberté vraie ? Que découvrira-t-il enfin sur ce monde dont sont venus ses ancêtres et que la tradition anarrestie décrit comme un enfer ?
[Retour au présent du roman.]
Il sera ici question des raisons et agents de la présence de Sherek sur Urras.
Qui a souhaité ce voyage et pour quels motifs un descendant des anciens exilés sur la planète Arras a, pour la première fois depuis cet exil, entrepris celui-ci.
Oiie le regarda de ses yeux noirs, opaques et ovales.
— Alors vous êtes venu essentiellement en tant qu’émissaire de votre société ?
Shevek retourna s’asseoir sur le siège de marbre près de l’âtre, qu’il considérait déjà comme son siège, son territoire. Il avait besoin d’un territoire. Il sentait la nécessité de la prudence. Mais il ressentait encore plus fortement le besoin qui lui avait fait traverser l’abysse desséché depuis l’autre planète, le besoin de communication, le désir de détruire des murs.
— Je suis venu, dit-il soigneusement, en tant que syndic du Syndicat d’Initiative, le groupe qui parle par radio avec Urras depuis deux ans. Mais, vous savez, je ne suis pas un ambassadeur envoyé par une quelconque autorité, ou une institution. J’espère que vous ne me l’avez pas demandé en me considérant comme tel.
— Non, répondit Oiie. Nous vous l’avons demandé à vous : Shevek le physicien. Avec l’approbation de notre gouvernement et du Conseil Mondial des Gouvernements, bien sûr. Mais vous êtes ici en tant qu’invité de l’Université de Ieu Eun.
— Bien.
— Mais nous ne savions pas avec certitude si vous veniez ou pas avec l’accord de…
Il hésita.
— De mon gouvernement ? sourit Shevek.
— Nous savons qu’il n’y a pas de gouvernement nominal sur Anarres. Cependant, il est évident que vous avez une administration. Et nous supposons que le groupe qui vous a envoyé, votre Syndicat, est une sorte de faction ; peut-être une faction révolutionnaire.
— Tout le monde est révolutionnaire sur Anarres, Oiie… Le réseau d’administration et de distribution s’appelle la CPD, la Coordination de la Production et de la Distribution. C’est un système de coordination pour tous les syndicats, les fédérations et les individus qui font un travail productif. Ils ne gouvernent personne ; ils administrent la production. Ils n’ont aucune autorité pour me soutenir dans mon action, ni pour m’empêcher d’agir. Ils ne peuvent que nous dire quelle est l’opinion générale à notre égard… où nous nous situons dans la conscience sociale. C’est ce que vous voulez savoir ? Eh bien, on désapprouve largement mes amis et moi-même. La plupart des gens ne veulent rien savoir d’Urras. Ils la craignent et ne veulent rien avoir à faire avec les propriétaires. Je suis désolé d’être brutal ! C’est la même chose ici, pour certaines personnes, n’est-ce pas ? Le mépris, la crainte, le tribalisme. Alors, je suis venu pour commencer à changer cela.
— Entièrement de votre propre initiative, dit Oiie.
[Note] Une communauté qui laisse faire ce qu’une grande majorité parmi elle désapprouve, et cela pour des raisons qui ont un rapport avec la sécurité même de la communauté … il arrive que l’on ne rencontre pas cela uniquement dans un roman. C’est en effet le cas de la suppression de la peine de mort dans un grand nombre de pays où la majorité souhaiterait conserver cette protection préventive contre l’homicide.
« C’est la seule initiative que je reconnaisse » puis le sourire s’embrouille sérieusement pour moi (je ne déchiffre plus après).
Sombre dimanche
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Merci c’est corrigé (j’ai répété une lettre)
bon dimanche à toi
et au soldat Chvéïk (la proximité est trop grande pour un hasard)
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