« Le chant du monde » – Jean Giono – page 3

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Évoquant des prétendants, selon lui, au Goncourt 1935, Henri Bidou écrivait à propos du roman de Giono

« Le Chant du Monde est moins un roman qu’une épopée. Sans qu’on puisse préciser de ressemblance, on est à chaque moment frappé par une parenté entre le livre et les aventures d’un folklore très ancien. Pas trace de mythe si l’on entend par là une fable à transposition obligée. … Mais quelque chose comme l’écho d’un chant de l’Odyssée. C’est un voyage et un retour. Au bout du voyage, il y a la reconquête d’une femme. L’itinéraire remonte un fleuve, puissant et fantasque comme un dieu, et la lutte des hommes. »


Troisième page …

Matelot veut voir Antonio pour un motif grave
qui nécessite un temps de silence
et une transition par un autre lieu que la parole,
par un partage.

De ce qui sera dit là naît tout le fil de l’action future.

 


« Ils restèrent un moment sans parler.
Tu as du tabac sec, dit le Matelot ?
Oui, dit Antonio.
Il se fouilla.
– Ma main est là, dit-il.
– Où?
– Devant toi.
Matelot prit le tabac.
– Qu’est-ce que c’est cette histoire? dit Antonio …»

 

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… – J’ai plus de nouvelles de mon besson* aux cheveux rouges, dit Matelot.
– Depuis quand?
– Jamais. »


*Besson se dit d’un (qui a un frère) jumeau

Les dialogues de Giono sont ici très resserrés.
Il y a économie des mots, comme du reste, chez Antonio et Matelot, peu habitués à la dépense large, si ce n’est dans l’action.
Dans ce peu de paroles, la tension n’en est que plus présente.
L’inquiétude de Matelot qui ne faiblira pas, est toute dans ce « jamais« .

« Le chant du monde » – Jean Giono – page 2

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« Il y a bien longtemps que je désire écrire un roman dans lequel on entendrait chanter le monde (et ferait) percevoir le halètement des beaux habitants de l’univers.  »

Disait Jean Giono à propos de ce livre, en germe bien avant qu’il en ait écrit les pages. (Puis en nombreux brouillons hésitants)


Deuxième page …

Le second héro de ce roman, dont on ne connaîtra que le surnom : Matelot
apparaît dans ce pays* d’arbres et d’eau.
Pas de salutation entre ces deux-là
comme dans les véritables amitiés
entre ceux qui ne songent même pas qu’ils ont pu être l’un
sans un peu de la présence de l’autre.

 


« Cet automne dès son début sentait la vieille mousse.
De l’autre côté du fleuve on appela :
– Antonio !
Antonio écouta.
– C’est toi Matelot ?
– Oui, je veux te voir.
– Le gué a changé de place, cria Antonio.
– Je viens à cheval, dit le Matelot.
Et on l’entendit pousser l’eau un gros tronc d’arbre.
…»

 

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… Il doit arriver à peu près aux osiers, pensa Antonio,avec ce nouveau détour du gué le courant doit se balancer par là.»


*Un de ces pays où l’on met l’article devant le nom de la personne.
Et comme on y est avare de mots, c’est que cela a vraiment un sens !