5 Aout 1794 …

Pierre-André Coffinhal, responsable de l’exécution du père de la chimie moderne, (Antoine Laurent) Lavoisier, est présenté à son tour au bourreau et à sa compagne « la machine à Guillotin* »

*Conçue par le docteur Antoine Louis


Extrait de « Lavoisier » par Lucien et Désiré Leroux

Le Tribunal révolutionnaire siégeait dans l’ancienne Grande Chambre du Palais de Justice qui avait reçu ‘le nom de Salle de la Liberté. C’était une pièce très vaste, bien éclairée ; sur les murs, un papier moucheté, deux tableaux encadrés d’emblèmes au pochoir : sur l’un était imprimée la nouvelle Constitution, sur -l’autre la Déclaration des Droits de l’homme. Des consoles de plâtre soutenaient trois bustes bien en vue : Marat, Lepelletier, Brutus.

Au-dessous du Brutus, devant une table, le président : Pierre-André Coffinhal.

« C’était un homme de trente et un ans, robuste et grand comme un Hercule, avec des yeux noirs, d’épais sourcils, un teint jaune et une voix retentissante… Il avait été médecin, avocat, saute-ruisseau, orateur de clubs, commissaire du district de Saint-Louis-en-Ile, puis commissaire national près le tribunal du deuxième arrondissement : c’est là que la Convention avait été le chercher… »

A l’ouverture de l’audience, Coffinhal procéda à l’interrogatoire qui dura une heure et demie. Puis la séance fut suspendue quelques instants… A la reprise, le greffier donna lecture de l’acte d’accusation qui n’apportait rien de nouveau.

Lieudon posa une question qui ne fut pas comprise des accusés. Puis le président interpella Sanlot, Delaage et Saint-Amand, et comme le malentendu persistait toujours, il interrompit violemment ce dernier et signifia aux accusés de répondre par oui et par non. Le tribunal, décidé à « juger » sans désemparer, ne permit pas à ceux-ci d’entrer dans des détails qui leur feraient gagner du temps. Toute défense personnelle ou collective étant interdite, les financiers comprenaient qu’aucun d’entre eux n’échapperait à la mort.  :

 Lieudon prononça son réquisitoire. Utilisant la phraséologie pompeuse et vide de l’époque, il rappela et  démontra les différents genres d’exaction et de concussion et conclut « que la mesure des crimes de ces vampires était au comble, qu’ils réclamaient vengeance, que l’immoralité de ces êtres était gravée dans l’opinion publique, et qu’ils étaient les auteurs de tous les maux qui. pendant quelque temps, avaient affligé la France. »

Quand les avocats eurent terminé, le médecin Hallé, du Bureau de consultation des Arts et Métiers, fit passer sous les yeux du tribunal un rapport qu’il avait rédigé au nom du Bureau, et où il énumérait les services que Lavoisier avait rendus à la patrie et à la science. C’est à peine si on en prit connaissance,

et c’est peut-être même à ce moment que Coffinhal intervint, … 

05-08-1794-IL PRONONÇA CES PAROLES TRISTEMENT CÉLÈBRES . LA RÉPUBLIQUE N’ A PAS BESOIN DE SAVANTS . LA JUSTICE DOIT SUIVRE SON COURS--TXT

(Solution)

La condamnation n’était pas douteuse. Le président, en résumant les débats, essaya de lui donner une apparence de légalité. Le Tribunal révolutionnaire ne pouvait pas condamner pour des crimes de concussions commis avant la Révolution. Il fallait trouver autre chose. Mais Coffinhal n’était pas embarrassé. L’ancien clerc d’un procureur au Châtelet donna aux questions posées au jury la forme suivante :

« A-t-il existé un complot contre le peuple français, … pillant et volant par tous les moyens possibles le peuple et le Trésor national, pour enlever à la nation des sommes immenses et nécessaires à la guerre contre les despotes soulevés contre la République et les fournir à ces derniers? »

Le jury, à l’unanimité, déclara  les accusés coupables…

Coffinhal prononçait alors le jugement :

« La déclaration du jury portant qu’il est constant qu’il a existé un complot contre le peuple français* tendant à favoriser, de tous les moyens possibles, le succès des ennemis de la France…

« Que Clément Delaage, Danger-Bàgneux, Paùlze, Lavoisier (suivent les noms des autres fermiers généraux) sont tous convaincus d’être auteurs ou complices de ce complot.

« Le tribunal, après avoir entendu l’accusateur public sur l’application de la loi, condamne les susnommés à la peine de mort, conformément à l’article 4

Note. — Des élèves ou des confrères de Lavoisier étaient au pouvoir, et pendant cinq mois, de frimaire à floréal, aucun d’eux n’était intervenu en faveur du grand chimiste. Monge, l’ami de Robespierre, Hassenfratz, un des membres les plus actifs du club des Jacobins, Guyton de Morveau, Fourcroy étaient restés silencieux…


Pierre-André Coffinhal sera guillotiné à son tour trois mois seulement après Lavoisier.