3 Octobre 1901 …

… Saint Nicolas, publication hebdomadaire destinée aux enfants, évoquait, dans une petite histoire signée Pierre Du Chateau, la vie d’un facteur russe, à travers une journée…ordinaire.

Au cours de ce récit, le narrateur glissera quelques spécialités culinaires et en particulier une boisson faiblement alcoolisée (Russe et Ukrainienne, qui aurait existé chez les grecs), le kvas (ou kvass)

(Extrait)

L’aube paraît à peine, toute pâle, comme à regret, dans la plaine immense, jetant un œil surpris sur l’homme intrépide qui, aujourd’hui encore, l’a devancée, en dépit du froid glacial.
A le regarder glisser sur la neige ; à l’aide de ses longs patins ou raquettes, et franchir, comme à tire-d’aile, collines et vallons, on croirait voir un oiseau gigantesque qui rase le sol pour s’en aller donner l’éveil au lointain village dont il est le facteur…
Toutes les izbas s’ouvriront à sa vue.
– Entre donc ici pour te réchauffer
Et il entrera, …

… Ah! le meilleur est celui d’Ivan Fédorovitch l’intendant du domaine de Montrepos.
Justement voici une lettre à son adresse; et le facteur se réjouit de penser qu’il savourera l’eau-de-vie de choix, à côté d’un bon poêle de faïence, en répondant aux questions de Sacha, la servante, si curieuse de détails sur les magasins de Moscou…
Déjà il l’entend lui dire, avec un sourire de toutes ses dents blanches
– Je voudrais bien être dans ton sac, Ivan, pour visiter tout cela

…Soudain, un souffle chaud lui arrive sur le cou tandis qu’un grognement sourd lui fait un haut-le-corps.
– Holà ! …
Et se trouve face à face avec un ours gigantesque, sorti du tronc creux de l’arbre, sa tanière, où, depuis trois mois, il se lèche les pattes en attendant le soleil. Sans doute que l’incident égaie ses jours monotones, car on dirait qu’il rit sa lèvre est retroussée et son petit œil brille il est dressé de toute sa hauteur
Dmitri va recevoir un mortel baiser. Mais, prompt comme la foudre, celui-ci a saisi son revolver et ajusté l’ennemi. Le coup part. L’ours, étonné, hésite et cette hésitation permet au facteur de s’échapper. L’animal, dont l’oreille saigne, s’élance sur ses traces mais lui n’a pas de raquettes, heureusement; et voici le grand oiseau qui reprend son vol, souriant des menaces que lui transmet le vent.
A mi-chemin du village, les grelots d’un traineau tintent et se rapprochent.
De loin déjà on lui sourit
– Salut Ivan !
– Salut, Dmitri Fédorovitch Justement, j’ai une lettre pour vous.
Donne mais tu entreras quand même !
Sacha te versera le kvass habituel.
Et la femme de l’intendant ajoute
– La route est-elle libre, Ivan Mikhaïlovitch ?
Il montre l’horizon, et, baissant la voix
– L’homme à la pelisse fourrée m’a fait un bout de conduite Tirez à gauche, c’est plus prudent.
– Oh, …

… , facteur !
– Dieu est haut, le tsar est loin. Que Saint Georges nous protège !


Le KVAS