13 Octobre 1975 …

… un rapport a été adressé au Ministre du Travail par diverses associations de la région marseillaise.

Le « Monde Gitan » publie un extrait de ce rapport dans son numéro trimestriel. Celui-ci s’interroge sur les propositions issue d’un rapport dont les conclusions n’ont jamais été rendues publiques.
L’auteur de ce rapport, Jean Servier, est un ethnologue, franc-maçon, qui a milité pour l’Algérie française, a dirigé l’écriture du « Dictionnaire critique de l’ésotérisme« , et qui est reconnu comme le meilleur spécialiste de la civilisation berbère.
Les propos de Jean Servier montrent qu’il n’a pas la même perception du nomadisme dans la culture gitane. Car pour lui :

les problèmes des Gitans ne diffèrent en rien de ceux de tous …

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… solutions adéquates, de lui accorder une quelconque spécificité.

Dans ce même rapport est évoqué un sujet devenu plus brulant encore à notre époque, à savoir celui de l’intégration. Question soulevée indirectement par Nicole Lafay, chargée de mission au ministère du Travail, rédactrice de l’article, qui s’appuie sur les travaux, non publiés, de Jean Servier (article paru dans le n° 16 du Bulletin GIP) auquel répond ce texte.
(extrait)

ADAPTATION OU INTEGRATION ?

Si Mlle Lafay se défend de prôner l’assimilation, elle affirme que l’adaptation «est la condition indispensable à la survie des minorités».
Bien que l’Histoire le démente, nous pourrions y souscrire si, dans le cours de son exposé, Mlle Lafay ne substituait au premier vocable celui d’intégration :
«cette attitude compréhensive d’accueil sans laquelle aucune intégration n’est possible» ; «il y a des Tsiganes heureux qui ont su s’intégrer dans notre société»). Or, si les mots ont un sens, l’intégration est «un processus par lequel un individu, ou un groupe d’individus, fait peu à peu siennes les normes culturelles prévalant dans la société ambiante, tout en conservant consciemment ou inconsciemment une partie de sa culture d’origine». Que devient, dans cette perspective, le droit des minorités, le droit à la différence ?

Il semble que le débat a été tranché ces derniers temps en France et que la seule issue possible est, bien au-delà de l’adaptation « de conserver consciemment ou non une partie de sa culture d’origine.« 

Il est vrai que, selon un article cité par l’auteur
« le vœu …

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… Français moyen» ! Il est évident qu’en partant de prémices aussi aventurées, on a peu de chances d’aboutir à des solutions réalistes.

CITES DE TRANSIT ET INTERNAT !

Puisque «il importe de mener une politique d’encouragement et d’aide à la sédentarisation», Mlle Lafay se refuse à laisser les familles habiter dans leurs caravanes plus ou moins définitivement immobilisées. Il faut les convaincre d’émigrer vers un logement «plus normal».
Lequel ? Les cités de transit, par exemple… Or, chacun sait – ou devrait savoir – que ces cités sont loin de mériter leur nom.
En réalité, la plupart des familles qu’on y parque y restent définitivement, dans de véritables ghettos. Celles de Marseille, de Toulon, d’Avignon, de Montpellier, sont de véritables « pourrissoirs », foyers privilégiés de toutes les délinquances

50 années plus tard …

On ne luttera pas contre une prétendue marginalisation des Gitans en faisant d’eux des marginaux définitifs.
L’irréalisme des positions officielles éclate à propos de l’analphabétisme. Puisque le nomadisme rend difficile une scolarisation régulière, la solution est toute simple : supprimons le nomadisme !
Lisez : « Seule une sédentarisation pendant toute l’année scolaire ou, à défaut, l’internat, constitue la garantie d’une scolarisation efficace ».
Que la famille ne puisse trouver à gagner son pain pendant neuf mois d’immobilisation, qu’importe ! Qu’un jeune Gitan, même adolescent, ne puisse être séparé des siens sans être profondément traumatisé, qu’importe ! On voit où tout cela nous mène…

ETRE NOMADE, PECHE MORTEL.

Le nomadisme, voilà l’ennemi. Mlle Lafay a, au moins, la franchise d’écrire clairement ce que les pouvoirs publics pensaient depuis longtemps sans le dire. Lisons : « Ce nomadisme rend singulièrement difficile toute action en vue d’une promotion sociale… Il rend d’ailleurs également difficiles les conditions de vie des intéressés eux-mêmes ».
Et voilà pourquoi votre fille est muette ! Au fond, s’ils sont pauvres, rejetés, méprisés, c’est leur faute. Ils n’ont qu’à vivre « comme tout le monde » ! Que le nomadisme soit un élément essentiel de la vie et de la culture tsigane, quelle importance ? Il faut les sédentariser ; ainsi disparaîtront les problèmes. Ajoutons, il faut qu’ils deviennent « comme tout le monde », ainsi disparaîtront les Gitans. Et, par une conséquence heureusement calculée, les problèmes qu’ils posent aux pouvoirs publics… !
Or, le nomadisme est un droit fondamental, d’ailleurs reconnu par la loi. « On ne peut condamner à priori

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familles concernées puissent donner leur avis sur la question. La sédentarisation ne peut être qu’un choix » .
Parler d’alphabétisation et suggérer de placer les petits Gitans en internat, parler de sédentarisation en vantant les cités de transit, c’est prendre le problème à l’envers et s’interdire toute solution réaliste.


Au-delà de cet article : Rejets éternels : les collectivités locales face aux Tsiganes et aux nomades