Le 25 Janvier 1984 …

S’éteignait Lucien Becker poète, de la tristesse et de la solitude, qui ne publiera plus rien les vingt dernières années de sa vie.

Un extrait d’un article de René Ménard publié dans les Cahiers du Sud (mars 1952)

Le lecteur approche la poésie de Lucien Becker comme un être humain, un inconnu brusquement présent, inséré dans la nature des choses, à la fois insolite et simple, et qui prendrait aussi bien la transparence immédiate de nos propres pensées que l’opacité d’une pierre ou d’un tronc d’arbre.
J’essaie ainsi d’exprimer l’impression de rencontre physique que cette poésie me donne. De là, sans doute, son pouvoir d’existence prolongée dans la mémoire de la vie bien plus que dans le souvenir littéraire. Elle adhère parfois si parfaitement au réel, qu’elle finit par s’y substituer, par entrer dans l’expérience même de notre comportement. Et ceci d’autant plus qu’elle a pour unique sujet un des éléments les plus fondamentaux du destin humain : l’amour, et singulièrement l’amour charnel. Mais, alors que celui-ci n’est, la plupart du temps, figuré qu’avec un masque (
et l’obscénité la plus crue en est un, aussi bien que la bleuâtre idéalisation), Becker le montre, cet amour des corps, avec une telle mystique sincérité, qu’il est aussitôt dépouillé de tous les attributs ordinaires de l’imagination, qu’il participe à l’élan tellurique.

(Pour lire la grille plus VITE, cliquer ici)

Ainsi est retrouvée d’un coup l’antique sacralisation de la Femme. Quatre mots très simples « trop grand pour l’espace » suffisent pour transcender jusque dans les moelles de l’âme, le compte rendu tout uni d’une émotion que l’on peut bien dire du domaine public… Un tel trait, et il en est de nombreux dans ce livre, ressortit à l’art le plus pur, le plus indiscutablement poétique. Je citerai encore ces deux vers si bellement fluides

Ton regard, lourd de cils, est si mince et si long
qu’il est facile à ma vie d’en faire son horizon.