12 Aout 1754 …

Louis de Boissy entre à l’Académie Française, récompense d’un auteur à la plume facile – trop pour certains – qui a eu, entre autres torts, celui de débuter dans la carrière des lettres, par la satire. Genre où il excellait.

Extrait d’une pièce, plus sage que celles de ses débuts, et qui a connu un certain succès :

« Dehors trompeurs«  ou « l’Homme du jour« 

La Comtesse.

Je dois à présent
Vous parler sur un point tout à fait important.
Il court de vous un bruit qui m’étonne et m’afflige.

Le Baron.

C’est donc un bruit fâcheux ?

La Comtesse.

Des plus fâcheux, vous dis-je ;
Il m’alarme pour vous.

Le Baron.

Vraiment vous m’effrayez :
Expliquez-vous.

La Comtesse.

On dit que vous vous mariez.

… [La marquise développe les raisons qui lui font craindre, pour le Marquis, le mariage]

Le Baron.

De vos craintes pour moi, comment, c’est là la cause ?

La Comtesse.

Oui. Dit-on vrai ?

Le Baron.

Mais…

La Comtesse.

Mais… ?

Le Baron.

Il en est quelque chose.

La Comtesse.

Tant pis.

Le Marquis.

L’hymen est donc bien terrible à vos yeux ?

La Comtesse.

Tout des plus.

Le Baron.

Il faut prendre un parti sérieux.

La Comtesse.

Jamais.

Le Baron.

Je suis l’exemple, et je cède à l’usage :
C’est un joug établi que subit le plus sage.

La Comtesse.

Je vous connais, baron, il n’est pas fait pour vous :
Vos amis à ce nœud doivent s’opposer tous.
L’hymen en vous va faire un changement extrême ;
Le monde y perdra trop, vous y perdrez vous-même
La moitié tout au moins du prix que vous valez.
Être couru, fêté partout où vous allez,
Être aimable, amusant, et ne songer qu’à plaire,
Voilà votre état propre, et votre unique affaire.
L’homme du monde est né pour ne tenir à rien ;
L’agrément est sa loi, le plaisir son lien :
S’il s’unit, c’est toujours d’une chaîne légère,
Qu’un moment voit former, qu’un instant voit défaire :
Il fuit jusques au nœud d’une forte amitié ;
Il est toujours liant, et n’est jamais lié.

Le Baron.

Le ciel pour tous les rangs m’a formé sociable.

La Comtesse.

Non ; je lis dans vos yeux que l’hymen redoutable
Doit aigrir la douceur dont vous êtes pétri,
Et d’un garçon charmant faire un triste mari.

[La baron donne les raisons qui motivent cette décision, à savoir La Raison]

Le Baron.

Mon cœur a pris, sur-tout, conseil de la raison.

La Comtesse.

Conseil de la raison ! Juste ciel ! Quel langage !

Le Baron.

On doit la consulter en fait de mariage.

La Comtesse.

Je pardonne au marquis d’oser me la citer ;
Mais vous et moi, monsieur, devons-nous l’écouter ?
Nous sommes trop instruits qu’elle est une chimère.

Le Marquis.

La raison, chimère !

La Comtesse.

Oui !

Le Marquis.

L’idée est singulière.

La Comtesse.

C’est un vieux préjugé qui porte à tort son nom.

Le Marquis.

Pour moi, je reconnais une saine raison.
Loin d’être un préjugé, Madame, elle s’occupe
À détruire l’erreur dont le monde est la dupe ;
Nous aide à démêler le vrai d’avec le faux,
Épure les vertus, corrige les défauts ;
Est de tous les états comme de tous les âges,
Et nous rend à la fois sociables et sages.

La Comtesse.

Moi, je soutiens qu’elle est elle-même un abus,
Qu’elle accroît les défauts, et gâte les vertus ;
Étouffe l’enjouement, forme les sots scrupules,
Et donne la naissance aux plus grands ridicules ;
De l’âme qui s’élève arrête les progrès ;

Fait les hommes

bêtise.

(phrase en clair)


La pièce

Quelques unes de ses oeuvres

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ou (Poésie.net)