14 Octobre 1894 …

… une « causerie » à propos des courses de taureaux est proposée en première page du « Panthéon de l’industrie » (hebdomadaire illustré)

On pourrait avoir l’impression, de nos jours, que les courses de taureaux font parties depuis toujours, de la culture de certains « pays » de la France du Sud. La lecture de cette causerie, montrera qu’il faut largement nuancer cette croyance.

(extraits)

Il faudra qu’un poète comique chante la guerre des taureaux. Trop d’incidents ridicules se sont produits depuis le commencement de la querelle pour être laissés dans l’oubli.
L’affaire était bien simple : il s’agissait de décider qu’une loi française serait appliquée sur tout le territoire français. Le sens commun ne permettait même pas de discuter une proposition aussi simple ; mais, de part et d’autre, on a trouvé moyen d’embrouiller la question.
A Nîmes, les meetings succèdent aux meetings avec ou sans le concours des représentants socialistes de Paris. Cependant, à Paris, le gouvernement maintient l’interdiction, et l’on peut lire des articles très montés de ton où il n’est question de rien moins que de céder le Languedoc, le Roussillon, l’Armagnac et le Béarn à l’Espagne si, dans ces contrées, on s’obstine à goûter des jeux espagnols !

(…) Où l’on va voir que l’interdiction envisagée n’est pas une nouveauté, et a été pratiquée, notamment appuyée par l’autorité religieuse.

Par bonheur, voici des renforts.
C’est l’histoire qui nous les fournit. Eclair exhume la bulle De salute gregis du pape Pie V que l’Eglise catholique a mis au rang des saints.
Par cette bulle sont « excommuniés et anathématisés ipso facto » tous ceux, empereurs, rois, chefs d’Etat, évêques, etc…., qui permettent sur les territoires soumis à leur juridiction « ce genre de spectacles sanglants

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… autres bêtes sauvages ». 

L’Eglise a donc, par sa plus haute autorité, le pape, condamné l’utilisation faite des taureaux. Dans des pays où la religion est particulièrement présente (Espagne, Sud de la France)
Elle n’a pas été la seule.

« Vu par l’administration le titre VI de la loi du 3 brumaire an II sur l’organisation des fêtes nationales ; «Considérant que, dans plusieurs communes de son ressort, on continue à Zébrer des têtes locales qui étaient en usage avant l’établissement du gouvernement républicain…
« Considérant, d’autre part, que, dans ces fêles locales les habitants de quelques communes se permettent de faire venir des taureaux indomptés qu’on lance dans une arène, qui poursuivent les citoyens ; qu’il est rare que ces sortes de spectacles finissent sans tuer ou blesser quelque individu; que de tels événements, en affligeant tous les citoyens sensibles, leur font désirer qu’un peuple de frères réunis pour s’amuser ne voient pas la joie publique troublée par la mort, la désolation et le deuil d’une ou de plusieurs familles…
« Après avoir ouï le commissaire du pouvoir exécutif,
« L’administration arrête…:
« Art. 2. — Toutes courses ou combats de taureaux sont interdits dans tout le ressort du département, même lors de la célébration des fêtes républicaines ordonnées par la loi. Il est fait défense aux propriétaires ou gardiens desdits taureaux de les prêter pour cet usage. En cas de contravention, il est enjoint aux municipalités de faire tirer sur lesdits taureaux et les tuer dès qu’ils paraîtront dans l’arène, sans que lesdits propriétaires qui les auront fournis puissent réclamer aucune indemnité. »
Il est difficile d’être plus net et plus formel que l’ « administration » de l’an IV.
Ainsi, il y a cent ans, en se fondant sur une loi de la Convention nationale, on interdisait dans le Gard — c‘est-à- dire surtout à Nîmes, qui proteste aujourd’hui — toute espèce de courses de taureaux. Remarquez qu’en 1894 c’est l’autorité centrale, c’est le gouvernement qui est réduit à imposer l’interdiction de la mise à mort, au nom de la loi.
Il y a cent ans, les Nîmois n’avaient pas attendu qu’on leur donnât cette leçon de légalité, d’humanité et de sagesse.
« Sensibles », eux aussi, les grands-pères des Nîmois d’aujourd’hui avaient, d’eux-mêmes, par leurs autorités locales, condamné les courses de taureaux.
Les petits-fils semblent vouloir renier les actes de leurs aïeux.
Il leur sera pourtant bien difficile de soutenir que les administrateurs du Gard, en l’an IV, ne connaissaient pas la question et ne savaient pas ce qu’ils faisaient. Originaires du pays même d’où ils voulaient proscrire une

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ne se sont pas révoltés contre eux. Quel bel exemple à proposer maintenant, pour peu qu’on veuille nous entendre !

(14 Octobre 1894)