24 Octobre 1914 …

… un soldat du premier Régiment de Marche de Zouaves de l’armée française écrit à ses parents.

Nous sommes au tous premiers mois de la Grande Guerre et celui qui écrit cette lettre est d’un optimiste qui est cohérent avec l’état d’esprit qui règne dans les Etats-Majors des différents camps.

(extrait)

Chers Parents, En lisant l’en-tête de ma lettre, vous allez sans doute vous demander si cette ville se trouve en France, ou même en Europe. Eh bien ! je ne vais pas vous faire chercher plus longtemps; je vais simplement vous dire que c’est en Belgique, à une vingtaine de kilomètres de Hazebrouck. C’est un très beau pays. Nous sommes reçus à bras ouverts par les gens du Nord et par nos amis les Belges dont nous venons débarrasser le territoire de cette horde barbare qu’on appelle les Alboches.

(…)

Partout nous voyons des Anglais et des Belges.
Des Anglais, il y en a sûrement des masses, car les trains et les convois de ravitaillement sont énormes. Malheureusement, les trains de blessés sont énormes aussi, mais les blessures paraissent légères.
Chose bien agréable pour nous, nos alliés repoussent …

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vite de ce côté.
Et puis, je vous assure que c’est agréable d’être mêlé à toute sorte de troupes comme cela : Français, Anglais, Irlandais, Hindous, Algériens, Marocains, Sénégalais et le reste. Si vous voyiez quel contraste ! C’est tout à fait amusant. Seulement, ce qu’il y a d’ennuyeux, c’est que nous ne pouvons pas nous faire comprendre d’eux. Ça ne fait rien, ça nous désennuie quand même. Il est vrai que bientôt nous aurons peut-être encore les Allemands en plus. Eux, ne nous désennuieront pas de la même façon : ce sera avec leurs balles et leurs obus. C’est égal, ils ne pourront jamais résister désormais, à moins de rentrer chez eux. C’est ce que nous désirons tous, pour le bien de la France, notre chère patrie, et de l’héroïque Belgique qui nous seconde si bien en résistant toujours.

En ce début de guerre, nous sommes bien loi du climat des écrits d’Henri Barbusse concernant ce « conflit »

« On a la notion que beaucoup perdent pied et s’affaissent à terre. Je fais un saut de côté pour éviter la baïonnette brusquement érigée d’un fusil qui dégringole. Tout près de moi, Farfadet, la figure en sang, se dresse, me bouscule, se jette sur Volpatte qui est à côté de moi et se cramponne à lui ; Volpatte plie et, continuant son élan, le traîne quelques pas avec lui, puis il le secoue et s’en débarrasse, sans le regarder, sans savoir qui il est, en lui jetant d’une

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… T’en fais pas.« 

La ville de Belgique dont parle le soldat qui écrit la lettre plus haut a pour nom Poperinghe et la compagnie de zouave à laquelle appartient ce combattant est tristement célèbre, car en cette même ville, quelques mois plus tard se fit, après un jugement très sommaire (26-12-1914) où l’instruction bâclée se fit uniquement à charge, la première exécution (27-12-1914) pour cause de désertion d’un soldat avec (mutilation volontaire).
Ce soldat était « Abel Garçault« , dont on prouvera après la guerre, l’innocence (il a en fait été fusillé pour impressionner d’éventuels refus de monter au front)

(Extrait de André Mornet, procureur de la mort)

Le 26 décembre, Abel Garçault est traduit en conseil de guerre…
Il est défendu par un jeune lieutenant qu’il n’a jamais rencontré avant l’audience et qui se borne, pour toute plaidoirie, à prononcer une seule phrase lapidaire d’un ton indifférent « je demande l’indulgence du conseil »
On n’a pas le temps de discuter … La séance ne dure que quelques minutes. Abel Garçault est condamné à mort.
Le lendemain, à dix heures du matin, il est fusillé, à genoux, attaché à un poteau, dans une position qui souligne sa supposée lâcheté.
Lâcheté ? Abel Garçault, qui avait toujours effectué son devoir de manière exemplaire,

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criant « Vive la France! « 
Une dizaine d’années après la guerre, le prêtre qui s’était entretenu avec Abel, parvient à faire réexaminer le procès.
Le juge qui s’occupe de se travail est André Mornet, dont la carrière passe par un procès tout aussi expéditif, celui de Mata Hari, et plus tard une collaboration avec Vichy au cours de laquelle il « révisa les naturalisations » (pour annulation …) et participa à l’élaboration du « statu des juifs », rejoignit tardivement la résistance apparue dans l’instruction judiciaire, puis participa à la condamnation à mort de Pierre Laval et du maréchal Pétain (commuée en réclusion à perpétuité)
Malgré la réticence du Juge Mornet, Abel Garçault et réhabilité et son nom gravé au côté d’autres soldats morts au combat.