22 Aout 1949…

… Edmond Jaloux (de l’Académie Française) qui était né à Marseille, est mort à Lausanne, ville qui l’avait séduit à l’âge de 40 ans.

Il fut un des lauréats du prix Femina (1909) pour son roman « Le reste est silence » (voir critique sur babelio et une citation qui a un écho puissant un siècle plus tard.)

Extrait :

… Un jour viendra, je le sais, tout proche, hélas! un jour où la terre, épuisant sa chaleur, éteignant son foyer central, accueillera dans son sein les glaces définitives. L’humanité, pétrifiée par le froid, harcelée par le vent, ira chercher son calorique et sa force dans les entrailles du globe et, au fond de la nuit, oublier la nuit même. Alors la lumière diminuera comme une lampe qui manque d’huile, et ces êtres orgueilleux, qui ont cru progresser sans fin sous le ciel sans limites, remonteront à pas lents le chemin déjà parcouru. Venus de la bête, ils retourneront morne-ment vers leur source. Toutes leurs acquisitions, ils les perdront, une à une. Ils n’auront plus que deux ennemis, comme à l’aube des temps : le froid et la faim ; et le jour viendra, le jour, tout proche, hélas ! où le dernier homme disparaîtra de l’univers, ne laissant aucune trace de son passage. Comme sa sœur, la Lune, la vieille Terre roulera à jamais son cadavre inutile dans le gigantesque cimetière de l’Infini. Il n’y aura plus en elle que l’effroyable solitude et le formidable silence de ses déserts glacés et de ses grèves arides où ne battra plus que la Mort.

Alors rien ne demeurera de tout ce que nous avons connu, aimé ou admiré, de tout ce qui, souvent, nous a paru plus précieux que notre vie même; ni œuvres d’art, ni monuments, ne seront plus visibles dans cet abominable pulvéroir, dans ce monstrueux ossuaire. Que restera-t-il de nos désirs, de nos passions, de nos rêves, de notre éternité si provisoire ?
A quoi cela …

… ?
Rien ne fondra l’amas des glaces accumulées. A l’évolution succédera l’immobilité, au mouvement la stupeur. Qu’importera, alors, que j’aie existé ou non, souffert ou non, oublié quelques années plus tôt ou quelques années plus tard et à quoi sert, par conséquent, que j’écrive, ce soir si pénétrant et si voilé, ce que j’ai connu de la dure vie au temps de ma lointaine enfance ?