Le 28 Janvier 1873 …

… est le jour de la naissance d’une grande romancière dont on sait moins qu’elle fut également poétesse.

Sa prose elle-même fut souvent considérée comme de la poésie.
Ici c’est André Maurois qui évoque cette caractéristique du style de Colette, à propos de son roman « La naissance du jour« 

Personne ne m’a mieux donné l’impression de faire corps avec la chose décrite. Elle la saisit et la pique dans sa phrase, comme ses pistaches dans le nougat, et ce qui est vrai de Colette femme l’est aussi de Colette écrivain. Les qualités de son style parlé, cette manière compacte et savoureuse sont ce qui frappe le plus dans son style écrit. 
La naissance du jour, sans doute, c’est un roman, c’est le roman de la femme qui se sent en ce point où le choix lui est offert entre la sérénité de la vieillesse et le dernier triomphe du l’amoureuse, mais c’est avant tout un poème, une suite de poèmes.
Si, parmi les femmes de notre temps, Mme de Noailles demeure le plus grand poète, Colette est le plus grand artiste en prose. Quelquefois sa phrase me fait penser à celle de Valéry par ce côté plein et serré du grain. Relisez la dernière phrase de La naissance du jour. Ne pourrait-elle être de Valéry ?

(J’en donne les trois dernières, elles me semblent indissociables)

Le bleu froid est entré dans ma chambre, traînant une très faible couleur carnée qui le trouble. Ruisselante, contractée, arrachée à la nuit, c’est l’aurore. La même heure demain me verra couper les premiers raisins de la vendange. Après-demain, devançant cette heure, je veux… Pas si vite, pas si vite !

Il n’a pas, en touchant le sol, abdiqué sa forme. Le temps lui a manqué pour se parfaire. Mais que je l’assiste seulement et le voici halliers, embruns, météores, livre sans bornes ouvert, grappe, navire, oasis…

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André Maurois est loin d’être le seul que le style particulier de Colette touche.
Dans la revue destinée aux enseignants « l’Ecole et la vie » (numéro de novembre 1928) on peut lire en conclusion d’un long article reprenant l’ensemble de l’œuvre (et de la vie) de Colette :

Ainsi son œuvre apparaît comme un vrai trésor de la langue française — au sens où l’on entendait autrefois ce mot — il semble, lorsqu’on lit tel conte ou tel roman de Mme Colette, que jamais personne avant elle n’a employé les mots dont elle joue, tant ils surgissent neufs et nuancés entre les pages.

(Fernand Angué)

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