6 Décembre 1878 …

… est né ce jour, le poète Léo Larguier que certains (voir la suite) disent, sur le ton d’un compliment, « lamartinien« .

Dans « La revue politique et littéraire » (24 juin 1905) Jean Ernest-Charles nous donne sa perception du poète et de son œuvre.

... ne confondons pas Léo Larguier dans la foule
des autres poètes.

Sans doute Léo Larguier est essentiellement lamartinien. Il l’était déjà dans son premier livre « La Maison du Poêle« . Il ne l’est ni plus ni moins dans « Les Isolements« .
Le sera-t-il donc toujours ? Léo Larguier vit dans la nature et dans les livres. Les livres, comme la nature, l’inspirent. Mais Léo Larguier ressemble parfois à Lamartine, je ne veux point dire qu’il l’imite. Il y a dans tous ses vers des résonances lamartiniennes, mais il y a l’âme de Léo Larguier.
Léo Larguier est un pur lyrique qui ne sait que son âme. Tel Lamartine encore. Mais son âme est l’âme impétueuse, l’âme conquérante d’un poète qui impose à toutes choses les formes de sa sensibilité et de son-imagination. Il le dit dans sa préface :

« Tous les paysages sont sonores de mon pas et vers les lointains noyés de crépuscule et de brume, vous m’apercevrez sûrement, à la lisière d’un bois d’automne, marchant à côté d’une longue forme blanche qui a reculé pour moi les frontières de la sensibilité poétique et de l’émotion. »

N’employons pas de trop grands mots, mais, franchement, dans « Les Isolements« , on trouve plus que Léo Larguier; une race s’y exprime. Barrés serait content de Léo Larguier. Léo Larguier, en effet, a une terre et des morts.
Il est latin. Il est le Latin. Il porte en lui toutes les hérédités païennes qui, depuis Virgile et Horace, en passant par Ronsard jusqu’à Chénier et Lamartine,
— je cite ces poètes entre tous parce que Léo Larguier me paraît les connaître intimement —
ont donné au génie français, son éloquente élégante, sa clarté, sa grâce, son harmonie, cette sensibilité qui n’est pas frénétique, mais reste sereine jusque dans la passion, cette imagination qui n’est pas colorée et brûlante comme l’imagination orientale, par exemple, mais demeure toujours pure et presque apaisée jusque dans ses inspirations les plus véhémentes… Léo Larguier, facile et nombreux, est un jeune poète représentatif.

Le poème* qui suit semble avoir été écrit postérieurement à cette description du « génie » de Léo Larguier, tant dans son motif que dans son expression.

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* poème découvert ici (merci)


RÊVERIE

En soupant lentement sous une treille brune
Dont les beaux muscats blancs luisaient au clair de lune,
Tandis que pour moi seul, dans la nuit, un oiseau
Chantait vers le tilleul, je pensais à Rousseau…
Un soir divin et frais venant après l’orage.
Devant le banc de bois du rustique Ermitage,
Une jeune servante avait mis le couvert.
Quelques gouttes tombaient du feuillage plus vert.
Un vase sur la nappe était plein de pervenche,
Madame d’Épinay portait — c’était Dimanche,
Son chapeau de bergère et son corsage ouvert.
Pure fraîcheur du soir ! On apportait la lampe,
Et Jean-Jacques songeait, un doigt contre sa tempe.
La serveuse heurtait les plats dans la maison,
L’étoile du berger montait à l’horizon,
Et

… grillon perdu.
Madame d’Épinay caressait son bras nu,
Rose et rond sur la table, et parfois son haleine
Dans son corsage creux enflait sa gorge pleine
Qu’une tremblante et tiède ligne séparait.
Un léger vent coulis qui passait murmurait
Dans les arbres du parc une plainte endormie,
Et Rousseau, souriant, regardait son amie,
En feuilletant, distrait, un petit livre gris,
À côté d’un panier plein de cerises blanches,
Un petit livre simple et sans ors sur les tranches
Que Denis Diderot envoyait de Paris.

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Un second texte permet de définir un peu plus l’habitat de Léo Larguier

Mets ta main sur mon cœur, mon amie, et dis-moi
S’il est vrai que toujours, sans trouble et sans émoi,
Je sois dans ma maison le même solitaire
Attentif aux rumeurs qu’ici-bas peuvent faire
La gloire et le renom qui des vers assemblés
S’élèvent dans le ciel comme montent des blés
Les passereaux légers et les lourdes colombes,
Qu’attirent les cyprès et les pierres des tombes,
Je ne sais pas répondre, ô mon amour, dis-leur :
….Ce n’est plus un poète. Il est un peu rêveur.
Mais c’est à moi qu’il pense,
Et s’il n’écrit jamais, ce sera de son cœur
Que viendra la cadence.
La muse qu’il aimait parfois guette là-bas,
Aux lisières des branches,
Je la vis quand je vins, mais elle n’avait pas
Mes belles formes blanches.
pas de livre et ne sais point de vers,
Mais je sais une chose,
Moi je n’ai
C’est que sur l’eau d’argent et sous les arceaux verts
Quand s’incline une rose,
Le cristal du bassin peut bien la réfléchir,
Exacte et colorée,
Ce n’est qu’une apparence et le vent peut ternir
Cette rose mirée.
Ainsi l’onde d’un vers où tremble avec amour
La plus parfaite image
Ne vaut pas le rayon de cette fin de jour
Sur mon jeune visage.

5 Décembre 1830 …

Nait Christina Rossetti, anglaise d’origine italienne,

Elle fut considérée à son époque comme la plus grande poétesse de langue anglaise.
Passionnée, certains la disent très belle (elle fut le modèle préféré de son frère, pour des scènes religieuses) d’autres (voir ici) plutôt laide.
On la déclare souvent passionnée, engagée en faveur de plusieurs causes (contre l’esclavage) pour la liberté des femmes, et de même (adresse identique) elle est jugé a contrario, en retrait de la vie, peu cultivée, vieille fille atone.

On ne peut donc faire confiance qu’à ses vers et à la renommée qu’ils ont connus.

The Rose

The lily has a smooth stalk
Will never hurt your hand
But the rose upon her brier
Is lady on the land

There’s sweetness in an appel tree
And profit in the corn
But lady of all beauty
Is a rose upon a thorn

Il y a de la suavité dans un pommier
Du bienfait dans le blé
Mais la reine de toutes les beautés
Est la rose sur ses épines

When with moss and honey
She tips her bending brier
And half unfolds her glowing hearts
She sets the world on fire

Quand, dans la mousse et le miel
Elle tend sa tige
Et déploie ses pétales lumineuses
Elle embrase le monde.

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