Premier décembre 1947…

… jour de la naissance du poète et romancier Tahar Ben Jelloun.

Davantage connu pour le roman, « La nuit sacrée » qui lui valu le Goncourt en 1987 ou pour son best seller « L’enfant de sable » qui est pour partie, de la poésie en prose.

(…) un ruban large et multicolore se déploie  ; gonflé par le vent, il se fait oiseau transparent ; il danse sur la pointe ultime de l’horizon (…) Quand le vent n’est qu’une brise d’été, le ruban flotte au rythme régulier d’un cheval qui va à l’infini ; sur le cheval un cavalier avec un grand chapeau sur lequel une main a déposé des épis, des branches de laurier et des fleurs sauvages. Lorsqu’il s’arrête là-bas, là où l’on ne distingue plus le jour de la nuit, sur ces terres où les pierres ont été peintes par les enfants, où les murs servent de lit aux statues, là, dans l’immobilité et le silence, sous le seul regard des jeunes filles aimantes, il devient arbre qui veille la nuit. Le matin, les premiers

d’une statue aux bras chargés de feuillage et de fruits. Tout autour, un espace blanc et nu où toute chose venue d’ailleurs fond, devient sable, cristaux, petites pierres ciselées. En face de la statue du matin, un grand miroir déjà ancien  ; il ne renvoie pas l’image de la statue mais celle de l’arbre, car c’est un objet qui se souvient. Le temps est celui de cette nudité embrasée par la lumière. L’horloge est une mécanique sans âme  ; elle est arrêtée, altérée par la rouille et l’usure, par le temps, respiration des hommes.

La vocation de poète lui est née de l’expérience douloureuse du « tyranisme » et de ce qu’il est capable de produire pour étouffer la soif de liberté de la jeunesse (lire ici l’article de la revue des deux mondes)

Ce poème y fait écho

Il quitta sa famille
laissa pousser la barbe
et remplit sa solitude de pierres et de brume
Il arriva au désert
la tête enroulée dans un linceul
le sang versé
en terre occupée
Il n’était
ni héros ni martyr
il était
citoyen de la blessure

30 novembre 1900 …

… en ce seuil du vingtième siècle, comme s’il se refusait d’entrer dans cette centaine d’année qui verra les deux premières guerres mondiales, Oscar Wilde, le poète de la nuit, de la liberté, de la vie et de la mort, a quitté ce monde, après s’être exilé volontairement de son pays à Paris.

La « morale aux lèvres pincées* », avait coupé ses ailes à l’un des jeunes auteurs les plus talentueux de sa génération. Puni pour avoir offensé la morale de l’époque qui a jugé ses écrits et ses mœurs scandaleux, il a vu ses œuvres proscrites et ses proches s’en détourner,  » la seule mention de son nom provoquant, dans la « bonne société », une réprobation unanime contre l’imprudent qui se serait hasardé à un pareil blasphème. »*
Il est dit que tout comme les pierres finissent par sortir de terre, les œuvres denses émergent avec le temps. Ainsi Oscar Wilde à retrouvé dans le monde des lettres et au-delà la place qui est la sienne.**

Faisons parler quelques uns de ses « Aphorismes »
Dont celui qu’il n’a jamais trahi et qui lui a couté si cher.

« Il y a des moments où il faut choisir entre vivre sa propre vie pleinement, entièrement, complètement, ou traîner l’existence dégradante, creuse et fausse que le monde, dans son hypocrisie, nous impose. »

Celui-ci nous parle de son pessimisme …

Dans ce monde il n’existe que deux tragédies : ne pas obtenir ce que l’on veut, et obtenir ce que l’on veut. La dernière est de loin la pire – la dernière est un vrai drame.

Un dernier qui pourrait résumer son projet de vie.

Aux yeux de quiconque a lu l’…

… et la rébellion.

(Pour lire la grille plus facilement, cliquer ici)

Même si Oscar Wilde se préférait auteur de théâtre (et excellait dans ce type de production littéraire)
il était avant tout un poète.

Ce poème dit toute la détresse et la désolation d’Oscar Wilde avec une grande lucidité concernant les motifs de sont naufrage final.

HÉLAS

Être entraîné à la dérive de toute passion jusqu’à
ce que mon âme devienne un luth aux cordes
tendues dont peuvent jouer tous les vents, c’est pour
cela que j’ai renoncé à mon antique sagesse, à l’austère
maîtrise de moi-même.

A ce qu’il me semble, ma vie est un parchemin
sur lequel on aurait écrit deux fois, où en quelque
jour de vacances, une main enfantine aurait griffonné
de vaines chansons pour la flûte ou le virelai,
sans autre effet que de profaner tout le mystère.

Sûrement il fut un temps où j’aurais pu fouler
les hauteurs ensoleillées, où parmi les dissonances
de la vie, j’aurais pu faire vibrer une corde assez
sonore pour monter jusqu’à l’oreille de Dieu!

Ce temps-là

… le patrimoine dû
à une âme.

_
* Henry Durand-Davray dans « Le Mercure de France – 1 février 1901 »

** Cette émergence qui lui était due a eu récemment un épisode haut en couleurs lors de l’exposition au petit palais qui a eu pour titre « Oscar Wilde, l’impertinent absolu »

Extrait d’un article de la revue Des Deux Mondes évoquant cet évènement.

L’exposition « Oscar Wilde, l’impertinent absolu » du Petit Palais a bien fait les choses, en replaçant le phénomène Wilde dans son contexte biographique, littéraire, théâtral et pictural, pour mieux le faire apparaître dans toutes ses contradictions, dans toute sa singularité : un météore dans le ciel victorien.

Celui qui affirme que « Dire des choses belles et fausses est le véritable but de l’art » devient vite introduit, à la fin des années 1880, et au début des années 1890, dans les salons littéraires de Paris. Il y ren- contre le vieux Victor Hugo, Henri de Régnier (peint par Jacques-Émile Blanche) ou Stéphane Mallarmé : une lettre à Régnier (lequel dira de lui : «C’est le premier Anglais intelligent que je rencontre») évoque un dîner suivi d’une visite à « notre cher maître Mallarmé ». L’auteur de la pièce Salomé , d’abord écrite en français, et montée pour la première fois par Lugné-Poë le 11 février 1896, ne pouvait qu’être attiré par les symbolistes. L’exposition tisse remarquablement ces liens étroits de Wilde avec la France – avec André Gide, notamment, qui lui consacra des essais, Jacques-Émile Blanche, lui aussi figure de dandy, ou bien Henri de Toulouse- Lautrec, qui le représente assistant à un spectacle de la Goulue (1895). Wilde mourra à Paris, le 30 novembre 1900, à l’Hôtel des Beaux-Arts : fin somme toute logique, si on a en tête sa déclaration « La France, mère de tous les artistes, m’a donné la vie. »

Lire ici l’article complet qui donne un éclairage nouveau sur la personnalité trouble de Oscar Wilde chez qui l’homosexualité, interdite à son époque mais tolérée dans une certaine mesure, ne serait pas la raison majeure de la réaction vive à son encontre de la société britannique.