19 Novembre 1908 …

La revue « L’épatant » (mot désuet de nos jours… car trouvant difficilement un emploi) donne suite à son feuilleton  » écrit par Albert Pajol : « Les aventures d’un enfant perdu« 

L’occasion de retrouver le plaisir des illustrations dessinées à la main (qui n’ont lorsqu’elle se font sous une main habile, ni le sans relief d’une photo, ni l’aride du « assisté par ordinateur« )

L’enfant, tombé effectivement sur l’herbe du remblai, avait roulé et descendu la pente jusqu’au sol du champ qui bordait la ligne de chemin de fer. Etourdi sur le coup, cela se conçoit, mais sans toutefois qu’il se fût blessé ni même meurtri dans sa chute, le pauvre gosse resta là un bon moment avant de savoir où il en était et ce qui lui arrivait. Mais bientôt, les rumeurs, les cris, les plaintes, les appels et ce train qui flambait derrière lui sur le flanc de ce talus, cette vision de l’horrible lui causa, tout à coup une frayeur si exorbitante et si naturelle que se redressant sur ses petites jambes, il se mit à se sauver à travers la campagne en criant : « papa ! papa ! » Pendant combien de temps courut-il ainsi? Sans doute jusqu’à ce que la fatigue le prit et qu’il ne vil plus, n’entendit plus rien du spectacle abominable qui l’avait affolé. Se laissant tomber enfin, le fils de Richardson, désormais orphelin, fut terrassé par le sommeil. Grande, fût la stupéfaction du chemineau en voyant…

?
Quels parents assez négligents pouvaient l’avoir égaré? Quels parents assez coupables pouvaient l’avoir abandonné ? Le chemineau s’agenouilla et regarda l’enfant de plus près. C’était un mignon garçonnet de quatre à cinq ans, coiffé d’une petite casquelle en drap, dite « jockey », comme les transatlantiques en affectionnent pour voyager, et revêtu d’une sorte de courte robe-manteau en étoffe de laine grisaille souillée de terre et lacérée d’un certain nombre d’accrocs faits aux ronces au cours de la chute que nous connaissons.

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Ce même jour (58 ans plus tard) décède le poète (qui fut) surréaliste belge Marcel Lecomte qui s’est donné au début de sa carrière de poète, une discipline d’écriture durant une année entière :

Je me décidai à écrire chaque jour ce que j’appelai bientôt ma « quotidienne » : dix à vingt lignes, ou moins, sur un sujet quelconque, paysage, figure, pensée abstraite, etc. Mon intention n’allait qu’à définir l’objet de la façon la plus courte, la plus poétique. Car j’entendais

… possible de l’image ; de l’équilibre de l’ensemble et du rythme intérieur plutôt que des formes séparées. Je me jurai d’obéir à cette discipline durant une année entière.

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Poème en prose de Marcel Lecomte (Le chien noir)

Après minuit sans clair de lune, quand presque tous les réverbères sont noirs, on marche entre le regret des lumières et le désir du sommeil. On n’entend que son pas dans la rue et quelque chose qui frotte le pavé, tout près de soi, tout à côté, qui marche aussi, qu’on ne voit pas et qui s’arrête quand on s’arrête. C’est le chien noir.

18 Novembre 1952 …

… la plume de Paul Eluard se tait définitivement.

Les Cahier du Sud consacrent la première partie de leur numéro 315 à celui qui écrit, au lendemain de la première guerre mondiale « les poèmes pour la paix« 

POÈMES POUR LA PAIX  (1918)

Monde ébloui, 
Monde étourdi.

I

Toutes les femmes heureuses ont
Retrouvé leur mari – il revient du soleil
Tant il apporte de chaleur.
Il rit et dit bonjour tout doucement
Avant d’embrasser sa merveille.

II

Splendide, la poitrine cambrée légèrement,
Sainte ma femme, tu es à moi bien mieux qu’au temps
Où avec lui, et lui, et lui, et lui, et lui,
Je tenais un fusil, un bidon – notre vie!

III

Tous les camarades du monde, 
O! Mes amis!
Ne valent pas à ma table ronde
Ma femme et mes enfants assis, 
O! Mes amis!

IV

Après le combat dans la foule, 
Tu t’endormais dans la foule.
Maintenant, tu n’auras qu’un souffle près de toi, 
Et ta femme partageant ta couche
T’inquiétera bien plus que les mille autres bouches.

V

Mon enfant est capricieux –
Tous ces caprices sont faits.
J’ai un bel enfant coquet
Qui me fait rire et rire.

VI

Travaille.
Travail de mes dix doigts et travail de ma tête, 
Travail de Dieu, travail de bête,
Ma vie et notre espoir de tous les jours,
La nourriture et notre amour.
Travaille.

(…)

X

Je rêve de toutes les belles
Qui se promènent dans la nuit, 
Très calmes, 
Avec la lune qui voyage.

XI

Toute la fleur des fruits éclaire

en feu sombre sur mes mains.

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Dans les toutes premières pages de ce numéro, le directeur de publication, Jean Ballard, évoque la présence particulière de l’auteur de « Capitale de la douleur »

Je suis sûr que Paul Eluard, s’il pouvait prêter l’oreille à nos adieux, serait surtout sensible à la voix la plus simple, aux accents les plus directement venus du cœur. Et qu’il écouterait avec sympathie celle qui lui parlerait sans recherche son langage habituel, qui lui dirait les mêmes mots usés, pourtant si purs, si pleins de sens, comme confiance ou fidélité.
C’était pour les entendre et surtout pour les voir vivre qu’il venait de temps à autre au milieu de nous. Il se délassait de ses travaux et peut-être de lui-même en s’accordant la trêve d’un repos où l’âme avait plus de part que le corps. Notre maison, c’était sa jeunesse, des amitiés disparues mais réchauffées avec une ferveur qui ne tenait plus compte de la mort.
A Marseille, il avait vu André Gaillard; c’était en 1929, au temps de notre connaissance. Tous deux étaient partis à la découverte de Joe Bousquet, à Carcassonne, et cette rencontre avait étoilé leur vie à tous les trois.
(…)
Je me souviens qu’un soir, sur le Vieux-Port, à l’heure où les bruits se calment, je le devinai plutôt que je ne le vis. Il allait devant lui comme dans un songe, à quelques pas de l’eau noire qui clapotait doucement.
Sa haute stature semblait glisser dans un mouvement qui n’était pas la marche.
Je le rejoignis; nullement surpris de me voir il me parla sans préambule d’André Gaillard comme s’il continuait un entretien avec lui-même.
J’eus alors une impression d’étrangeté.
Bien que je fusse dans mon cadre habituel j’avais changé de monde, j’étais dans le sien, tout aussi réel, aussi proche, mais enrichi d’une autre présence.
Sa voix restait la même mais s’orientait vers un auditeur invisible. Elle parlait du merveilleux qui n’a pas de frontières et s’insinue dans nos pensées les plus humbles; elle évoquait la mort avec indifférence comme une chose absurde et sans réalité, pour la nier.
Puis il s’éloigna brusquement, sans adieu, comme s’il allait revenir, et continua sa promenade nocturne.
Mais il n’était plus seul.
Des vers de « Capitale de la Douleur » me revinrent en mémoire en le voyant disparaître :

« Je suis au bras des ombres
« Je suis au bas des ombres
« Et des ombres m’attendent… »

C’est ce léger glissement qu’il imprimait aux choses, cette dimension inusitée que prenait le temps à son approche, tout cet insolite que j’aimais en lui. A tout instant il semblait …

… épis. C’était la revanche de la vie sur l’ombre, celle aussi de la fidélité sur la mort.

JEAN BALLARD.

____

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LE DROIT LE DEVOIR DE VIVRE

Il n’y aurait rien

Pas un insecte bourdonnant

Pas une feuille frissonnante

Pas un animal léchant ou hurlant

Rien de chaud rien de fleuri

Rien de givré rien de brillant rien d’odorant
Pas une ombre léchée par la fleur de l’été
Pas un arbre portant des fourrures de neige
Pas une joue fardée par un baiser joyeux
Pas une aile prudente ou hardie dans le vent
Pas un coin de chair fine pas un bras chantant
Rien de libre ni de gagner ni de gâcher
Ni de s’éparpiller ni de se réunir
Pour le bien pour le mal
Pas une nuit armée d’amour ou de repos
Pas une voix d’aplomb pas une bouche émue
Pas un sein dévoilé pas une main ouverte
Pas de misère et pas de satiété
Rien d’opaque rien de visible
Rien de lourd rien de léger
Rien de mortel rien d’éternel

Il y aurait un homme
N’importe quel homme
Moi ou un autre
Sinon il n’y aurait rien.

17 Novembre 1941 …

est le jour du décès de Edmond Haraucourt, poète (et )

Ici, un court extrait des poèmes publiés sous le pseudonyme de Sire de Chambley et dont le titre est

Légende des sexes

Sous titré « poèmes hystériques et profanes« *

Sur la gamme des baisers nus
L’amour va chanter sa …

… recommence;
Sur la gamme des baisers nus
L’amour va chanter sa romance.

_____

*

16 Novembre 1855 …

… nait Maurice Bouchor
Il deviendra le poète de la conservation de, parmi les chants et poèmes du peuple, ceux que les Nombreux ont gardés dans leur mémoire et leur quotidien.

Parallèlement à cette mission que s’est donnée Maurice Bouchor et qui a encore des traces dans les manuels scolaires de l’époque, il développe une œuvre propre récompensée par un prix de l’Académie Française.

Un de ces textes extrait des « Poèmes de l’amour et de la mer »
recueil dont le titre (« Ayant appareillé pour le pays du rêve.« ) est une manière de dédicace à Raoul Ponchon.

Nous nous aimerons au bord d’un sentier
Où l’herbe soit haute, et fraîche, et bien douce,
Ou dans les grands bois, sur un lit de mousse…
Nous nous aimerons dans le monde entier !

Nous nous en irons

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a point de grève.

Nous n’aborderons nulle part : toujours
Un bonheur tranquille, ineffable, immense ;
Et le vent des cieux, plus doux qu’un silence,
Nous murmurera des chansons d’amour.


Maurice Bouchor a également œuvré à créer le mouvement des Universités Populaires. Il en est remercié dans cet extrait d’un éloge prononcé quelques jours après sa mort.

Pour accompagner celui qui bientôt n’allait plus être qu’un petit tas de cendres, une innombrable foule était venue : hommage des grands el des humble» à la bonté et au talent de l’homme qui disparaissait. Son oeuvre méritait ce souvenir

A dix-huit ans, il voulut déjà glaner quelques fleurs au beau jardin de la vie. Les Chansons joyeuses laissèrent éclater son profond amour de la vie et des hommes.

Sur le tard, au crépuscule, il composa plusieurs volumes « La vie profonde* » dans lesquels il recueillit toute la beauté et la grandeur de la poésie antique qu’il ne voulut pas séparer de la poésie moderne. Mais si grande que soit l’œuvre, l’homme la domine. Vers 1893, à une époque difficile, Use voua à une noble tâche. D’école en école, de classe en classe, il alla à ses frais, chanter ces chants qu’il composait sur de vieux airs d’autrefois, à la manière des trouvères du moyen-âge qui allaient aussi, chez les âmes frustes semer un peu de beauté et d’amour. Cet amour des hommes, du peuple, il Peut au plus haut point.
Ce fut lui qui eut Vidée avec une petite équipe d’animateurs, de réunir dans les écoles, le soir et le samedi surtout, les familles des enfants pour interpréter avec une admirable foi les pièces classiques de nos grands écrivains.
De son effort patient et tenace naquirent les Universités populaires dont l’essor fut si rapide et bienfaisant.

Les temps étaient troubles. Des trublions déchaînés livraient à la République de dures batailles. On n’osait encore trop compter sur le peuple. Son ignorance politique et sociale, voire intellectuelle, effrayait. Il fallait sous peine d’événements catastrophiques éduquer cette masse l’amener à un clair idéal, lui faire sentir toute la poésie du travail, la grandeur de la tâche qui allait lui incomber.
Tâche ingrate, délicate. Intellectuels et prolétaires allaient-ils se comprendre, fraterniser ?
Maurice Bouchor fut le véritable animateur de ce mouvement. Il était là entouré de disciples aussi enthousiastes que lui, prêchant la bonne parole, ramenant les égarés, guidant les timides, éclairant les faibles, exaltant la beauté, donnant au peuple une conscience, un idéal, une volonté.

Cette bonté qu’il voulut inculquer aux hommes, lui-même la pratiqua magnifiquement.
La guerre l’atteignit en plein coeur. Il perdit des êtres chers. Il ne se plaignit pas. A l’heure où l’homme fatigué aspire au repos, fièrement il reprit les outils et poursuivit sa tâche.
Le fardeau des jours ne l’écrasa pas. Il sut dominer, rester lui-même.
La mort est venue, pour lui, doucement. Son corps n’est plus que poussière. Mais l’oeuvre vit. Et à son exemple, ceux qui lui survivent et qui l’aimèrent, chanteront longtemps après lui :
Sur la terre et non dans la lune
Sou par sou, pierre à pierre, au jour le jour
Bâtissons la Maison commune
La Cité de joie et d’amour.

René BONISSEL


*Un extrait de la préface

Victor Hugo a dit : « La littérature sécrète de ta civilisation, la poésie sécrète de l’idéal. C’est pourquoi la littérature est un besoin des sociétés. C’est pourquoi la poésie est une avidité de l’âme.
C’est pourquoi les poètes sont les premiers éducateurs du peuple.
C’est pourquoi il faut, en France, traduire Shakespeare, C’est pourquoi il faut, en Angleterre, traduire Molière.
C’est pourquoi il faut les commenter.
« 

Je me permets d’ajouter que chacun ne peut commenter avec fruit que les œuvres dont il a vécu.
Pour qu’il sache faire mieux sentir à la jeunesse approchant de l’âge adulte, ou même à des esprits plus mûrs, le prix de certaines œuvres, de …

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… et qu’elles lui aient été bienfaisantes.

15 Novembre 1746 …

… naissance de Joseph Quesnel, qui fut négrier, mais aussi musicien, compositeur et poète.

La plus grande partie de sa vie se déroula dans son pays d’accueil, après un épisode mouvementé de collaboration avec la révolution qui allait voir l’Amérique se détacher du Royaume Unis.
C’est au Canada qu’il écrivit le poème qui suit .

Poème que l’on ne se risquerait plus à publier de nos jours, ailleurs que dans une « revue d’amis » mais que dont on pourrait bien trouver des cousins, voir des frères et des soeurs, sur la toile. Poèmes qui reposent et apaisent l’œil qui les parcourt, de leur innocence et de leurs maladresses, … l’instant de leur lecture.

STANCES SUR MON JARDIN.

Petit Jardin que j’ai planté,
Que ton enceinte sait me plaire !
Je vois en ta simplicité
L’image de mon caractère.

Pour rêver qu’on s’y trouve bien !
Ton agrément c’est ta verdure,
À l’art tu ne dois presque rien,
Tu dois beaucoup à la nature.

D’un fleuve rapide en son cours,
Tes murs viennent baiser la rive ;
Et je vois s’écouler mes jours,
Comme une onde fugitive.

Lorsque pour goûter le repos,
Chaque soir je quitte l’ouvrage,
Que j’aime, jeunes arbrisseaux,
À reposer sous votre ombrage !

Votre feuillage tout le jour,
Au doux rossignol sert d’asile,
C’est là qu’il chante son amour,
Et la nuit il y dort tranquille.

Ô ! toi, …

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… .

Vous croissez, arbrisseaux charmants,
Dans l’air votre tige s’élance.
Hélas ! j’eus aussi mon printemps,
Mais déjà mon hiver commence !

Mais à quoi sert de regretter
Les jours en notre court passage ?
La mort ne doit point attrister,
Ce n’est que la fin du voyage.

14 Novembre 1923 …

… Le quotidien comoedia relate les obsèques du poète () Ricciotto Canudo.

Voici un extrait de l’éloge de Adolphe Boschot, vice-président de la Société des Gens de Lettres :

Vous étiez de ceux qui pensent que tout ce que nous voyons des choses et même des hommes n’est qu’une apparence, ou plus exactement, comme le disent les Philosophes idéalistes, un phénomène.
Au delà, existe la réalité vraie, mystérieuse, inexprimable, inaccessible.
Du moins doit-on tâcher d’en avoir l’intuition et de communiquer aux autres hommes cette intuition fuyante, instable, mais plus précieuse que toute connaissance précise, c’est-à-dire limitée.
Et voilà la conviction

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… votre héroïsme de soldat.


Deux jours auparavant le rédacteur en chef du journal, Gabriel Boissy, disait à son tour son sentiment face à la disparition de celui qui fut à la fois poète, philosophe, critique de tous les arts, musicologue, scénariste, mais aussi soldat blessé et décoré pour sa bravoure.

(fin de cette intervention)

Canudo ! mon vieux, te voilà parti.

Comme vous partez – vite mes amis !

A mesure que s’effeuille l’arbre de nos amitiés, nous sentons se rapprocher le jour où, sur ses ramures dépouillées, il n’y aura plus qu’une seule feuille: soi ! – et qui, bientôt, se détachera pour s’engloutir dans le néant.

Mais non ! Canudo ! tu meurs le jour anniversaire de l’Armistice des Chimères, le jour où s’allume cette Flamme perpétuelle, que dans notre dernière

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éternellement 

13 Novembre 1946 …

… le journal « Les Lettres françaises » (Front national des écrivains de France), dirigé par Jean Paulhan donne le texte d’un discours, qui peut avoir de profond échos à l’époque actuelle.

C’est la comédienne et actrice Katharine Hepburn qui, quelques années avant la chasse aux sorcières de McCarthy, exprima sa crainte et son indignation à l’encontre de ce qu’elle sentait monter autour d’elle de réaction et d’oppression.

(cité en extrait au-dessus de l’article)

Dans l’Amérique d’aujourd’hui l’assaut contre le progrès est déclenché sur tous les fronts. Pendant qu’on

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…qui voudraient nous entraîner à la guerre.

Katharine Hepburn évoque notamment les journalistes mis à l’écart parce que le contenu de leur travail se trouvait en désaccord avec les versions officielles ou les directions souhaitées par les pouvoirs en place (politiques et économiques)
Il semble que la leçon ait été apprise par la majorité des journalistes de l’époque actuelle, lorsqu’on constate que le geste indispensable, face à toute déclaration conforme est quasiment uniformément pratiqué. Geste qui consiste à (tel ces chiens que l’on trouvait autrefois sur les plages arrière des véhicules) balancer la tête de haut en bas en signe d’assentiment, comme unique réaction.


Je veux vous entretenir de l’assaut contre la culture. Je n’en parle pas parce que je travaille dans le domaine culturel, mais parce que je suis Américaine, et qu’en tant qu’Américaine je m’opposerai toujours à toute tentative de restriction de la liberté.

L’assaut contre le savant, contre le représentant d’une minorité, contre l’artiste, c’est toujours le même assaut, mais camouflé, afin de semer la confusion, de provoquer la désunion et la défaite.

Nous autres, écrivains, comédiens, savants, éducateurs, avons été choisis comme premier objectif par les Rankin, les Tenney et consorts. Il y a une bonne raison pour cela. Depuis le commencement de l’histoire, l’artiste a toujours exprimé les aspirations et les rêves du peuple. Imposez le silence à l’artiste, et vous aurez privé le peuple de son meilleur porte-parole.
Détruisez la culture, et vous aurez détruit une des plus puissantes sources d’inspiration où le peuple vient puiser des forces afin de lutter pour une vie meilleure.

Il va de soi que l’assaut est déclenché sur tous les fronts. Pendant qu’on calomnie l’écrivain et l’éducateur, le mécanicien est privé du droit, chèrement acquis, de s’organiser et de revendiquer, et l’employé se voit imposer un niveau de vie plus bas par le biais de l’inflation et du chômage grandissant.

Tel est le plan de ceux qui voudraient nous dissocier et nous entraîner sur le chemin de la guerre. Voyons donc comment ils s’y prennent dans le domaine culturel. Je ne citerai que quelques exemples qui, à mon avis, constituent un acte d’accusation. Vous pourrez en tirer Vos propres; conclusions.

D’abord, la radio; Vous; connaissez tous Norman Corwin. L’an dernier, la Fondation Wendell Wilkie, lui avait décerné son prix. Mais il y a, dans ce pays, des hommes qui considèrent qu’il est subversif de croire que le monde est un. Le Comité des activités non-américaines s’est fait communiquer le texte des émissions de Norman Corwin dans le but évident de réduire au silence par la peur une forte voix libérale.

La radio, encore. William L. Shirer et Frank Kingdon, ont été attaqués par le même Comité, et — c’est là ce qui compte — leurs contrats n’ont pas été renouvelés. Auraient-ils commis le péché de réfléchir et de parler d’une façon non agréée par les tenants de la pensée contrôlée ?

La radio, toujours. A Los Angeles, un speaker commercial qui avait fait des enregistrements pour des organisations ouvrières, a été averti par la direction du poste qua sa voix devenue identifiable, il perdrait toute valeur pour son employeur, et, par conséquent, perdrait son emploi. Et pourtant, les enregistrements, il les avait faits d’une façon anonyme.

Je passe au théâtre. Le texte d’un drame célèbre a fait l’objet d’une enquête du Comité Thomas-Rankin. Pourquoi ?
Ce drame traitait de la question noire dans les Etats du Sud. Son titre ? « La, Profondeur des racines ». Allez donc étudier des problèmes réels, intéressant le peuple, et vous serez récompensé d’une enquête.
 Dans deux villes américaines : à Peoria, dans l’Illinois, et en Albany, dans l’Etat de New-York, Paul Robeson, citoyen américain, s’est vu refusé le droit de prendre la parole à des réunions publiques. Grand artiste, porte-parole qualifié des noirs, M. Robeson était une victime toute indiquée pour ceux qui veulent ignorer le sens de La Déclaration des Droits. Il parlait de paix et s’efforçait de mettre son art au service du bien général. Aussi l’a-t-on privé du droit de parole.

La littérature, elle non plus, n’a pas été oubliée. Beaucoup d’entre vous ont dû lire «Le Citoyen Tom Paine», par Howard Fast. Ce livre a été interdit dans les lycées de New-York et de Detroit. Il offre une conception dynamique de la démocratie, chose que certaines gens semblent trouver hautement indésirable.

L’interdiction de ce roman touche de près le domaine de l’enseignement, où les mêmes personnes déploient une grande activité.
Je mentionnerai le sénateur Tenney qui, naguère, a attaqué des dizaines de professeurs, depuis Dykstra, recteur de l’Université de Californie, à Los Angeles, jusqu’aux étudiants ayant sympathisé avec les grévistes de l’industrie cinématographique. M. Tenney vient de déposer, sur le bureau du Sénat californien, onze projets de lois qui, s’ils étaient votés, feraient régresser l’enseignement d’un demi-siècle. Des hommes ont appris que la main qui pousse le berceau bouleverse le monde. Ils sont bien décidés à contrôler les pensées de chacun, du berceau à la tombe. Et le contrôle de la pensée a pour synonyme : l’ignorance des masses.

Les exemples, hélas, abondent ; je n’en citerai qu’un encore. Il y a deux ans, le Département d’Etat acheta soixante-dix-neuf toiles représentatives d’artistes américains. Ces tableaux furent expédiés à travers le monde pour y faire connaître la culture et l’art de notre pays. Puis, subitement, ils furent renvoyés aux Etats-Unis pour y être vendus aux enchères. L’explication ? Le Département d’Etat a déclaré : « Nous levons fait dans l’intérêt du Département, en raison des controverses suscitées par cette manifestation. » Et la presse de Hearst a parlé «de portraits dégénérés peints par des artistes de gauche». Vous vous souvenez, sans doute, qu’en Allemagne hitlérienne, toutes les œuvres d’art qui déplaisaient aux autorités .. étaient baptisées décadentes et d’inspiration bolcheviste !

J’ai mentionné plus d’une fois le Comité des activités non-américaines. En vérité, si ce Comité se souciait réellement de menées non-américaines, il n’aurait qu’à laver son linge sale. On ne saurait trouver d’exemple plus flagrant de non-américanisme que celui fourni par le président de ce Comité lorsqu’il porte des accusations aussi basses que gratuites contre un homme dont le seul crime est d’avoir parlé en faveur de la paix : Henry Wallace.

Je suis loin d’avoir dressé un tableau complet de la situation. Dans ces Etats-Unis démocratiques, en l’an 1947, il se trouve de soi-disant fonctionnaires responsables du gouvernement pour prêcher l’interdiction de partis politiques minoritaires et pour passer outre aux conséquences destructrices de la liberté de leurs appels hystériques, Le président des Etats-Unis préconise un examen de loyauté comparable uniquement à la police idéologique de l’empire japonais à l’époque où ce pays s’engageait dans la voie fasciste vers la destruction et la guerre.


Dans une édition de l’Humanité qui évoque les suites de l’activité
des Comité des activités non-américaines
une petite leçon que PIF le chien ((il y a presque 80 ans) a fortuitement apprise.

… il faut parfois penser à remercier son ennemi.

9 Novembre 1912 …

… Mon journal (recueil hebdomadaire illustré pour les enfants de 8 à 12 ans) publie une petite fable de Pierre Courtois

fable destinée à encourager les jeunes lecteurs à développer leur volonté de manière à atteindre, sans trop de crainte, les objectifs qu’ils se donnent et à parvenir à… manger la poire.

(extraits)

Maître Couart, le lièvre, avait, un jour, quitté
Le gîte qu’il occupe au bord du. bois
L’été Rayonnait sur les champs tranquilles,
Les toits étincelaient, leurs tuiles
Avaient la couleur des coquelicots.
Tout chantait : hommes et feuillage
Et les coqs lançaient leurs cocoricos.
C’est un plaisir de partir en voyage
Par un jour comme, celui-là !
Et Maître Couart s’en alla,
Plein de bravoure à l’aventure,
Tel un touriste heureux, sans presser son allure.
(…)
Il ne négligeait pas cependant d’écouter,
Les oreilles au vent, le moindre bruit qui passe,
Puis il repartait d’un élan,
L’arrière-train- en l’air, sautant, dansant, roulant,
Jusqu’à ce que, l’allure lasse,
Il s’en vint se blottir à l’ombre d’un poirier.
(…)
Un mulot qui sortait de terre
Le voit et se sauve…
Un lézard dormant
Se réveille ; il a peur, cherche de la poussière
Pour s’y réfugier et file en zigzaguant…
Maître Couart d’abord s’agite :
Il est prêt à prendre la fuite,
Puis, s’étant rassuré, dit d’un ton arrogant : « On me craint, c’est notoire,
(…)
Vit-on jamais des poltronnes pareilles ?
Être poltron, ça n’est pas mon défaut. »

…il aperçoit un fruit
Que porte une branche qui penche. « Ce fruit me conviendrait ; je l’ai bien mérité
Pour avoir aussi bien trotté. 
Ah ! si le vent pouvait secouer cette branche ! »
Pensa maître Couart. 
Or le vent qui passait
Comprit ce qu’il pensait.

Il ébranla la branche et fît tomber la poire
Sur le nez de maître Couart.
Aussitôt le poltron vantard
Bondit, plein d’épouvante et, jusqu’à la nuit noire,
Il court comme un lièvre affolé, 
Les oreilles contre l’échine.
La peur aux reins, il court et le ressort musclé
De ses pattes d’acier active sa machine : 
Il voudrait s’arrêter, mais toujours le …

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…encor

8 Novembre 1941 …

… le film « Pension Jonas »

dont on la sortie a eu lieu le 5 mars 1942, bénéficie d’un genre de « teasing » .
L’hebdomadaire Comoedia donne, ce jour, une photo de la seule scène que les critiques d’hier et d’aujourd’hui n’ont pas « assassinée ».
La part la plus importante du cliché est occupée par Sosthène (Gédéon de son « vrai » nom), l’hippopotame que Larquey promenait dans la rue et qui s’est échappé.

Tableau surréaliste, cubiste ?
Simplement une image extraite du film « Pension Jonas ».
Larquey, clochard au grand cœur, a « recueilli » un hippopotame qui s’est échappé du Muséum et qui a semé la panique dans les rues de Paris.
Dans un luxueux appartement orné …

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… de fines porcelaines.

7 Novembre 1895 …

… « La Chronique amusante » évoque une hypothétique invention destinée aux députés trop souvent assoupis à la « Chambre ».

Plus de cent cinquante années ont passé, cette invention actualisée au moyen des Nouvelles Technologies pourrait changer l’ambiance terne de certaines séances de l’Assemblée Nationale.


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