19 Septembre 1957 …

… naissait un futur membre de l’Académie Française; François Sureau; auteur notamment d’un ouvrage en rapport avec sa qualité d’avocat, relatif à la liberté des humains et questionnant ce qui lui impose des limites, du fait de la lutte pour les protéger.
Ouvrage qui a pour titre :

Pour la liberté, Répondre au terrorisme sans perdre raison

(Extraits, empruntés à l’article de CAIRN.INFO, en rapport avec l’oeuvre)

«Le système des droits n’a pas été fait seulement pour les temps calmes, mais pour tous les temps.
Rien ne justifie de suspendre de manière permanente les droits du citoyen. Cela n’apporte rien à la lutte contre …

… fragiles. Par trois fois, le Conseil constitutionnel a, à l’occasion des lois dont je parlais plus haut, fait sien ce raisonnement. Il n’en reste pas moins inquiétant que de telles mesures aient même été votées, droite et gauche confondues.
Si le Conseil constitutionnel a acquis à ces occasions un prestige nouveau aux yeux des amis de la liberté, ceux-ci ne voient pas sans inquiétude les digues les mieux établies céder l’une après l’autre.
Cette inquiétude devrait amener chacun d’entre nous à mieux défendre ce qui nous constitue. Même une cour suprême ne peut relever un pays qui aurait décidé de se séparer, si c’est possible, de son âme.»


Par la suite, l’auteur évoque un procès dans lequel intervient une loi qui punit l’intention (et non pas l’action, ce qui nous rapproche du futur imaginé dans le film Minority Report, et fait écho à « l’intention de promouvoir une religion » qui réside dans le mot ostentatoire, très utilisé ces derniers temps)

(Extraits) :

Audience du 31 janvier 2017 Pour la liberté de penser Le 20 avril 1794, le Comité de salut public institua à Orange, département du Vaucluse, une commission populaire de trois membres, sorte de tribunal révolutionnaire destiné à juger les ennemis du peuple trouvés dans ces régions.
À peine installé, son président, Fauvety, entreprit de dénoncer à Robespierre, son premier assesseur, un nommé Meilleret. On trouve cette lettre aux Archives et l’on peut y lire : « Meilleret ne vaut rien comme juge, il lui faut des preuves. »
Remplacez le mot de preuves par celui d’intention, au moins dans le sens où le droit criminel l’entend depuis cinq siècles, et vous aurez l’affaire que vous avez à juger aujourd’hui.

Elle n’est pas si compliquée en définitive. L’article 421-2-5-2 du Code pénal crée une incrimination de consultation habituelle de « sites terroristes ». Les conditions de la mise en œuvre de cet article sont à l’évidence si larges qu’elles permettent d’incriminer un très grand nombre de personnes. Y compris, par exemple, votre serviteur, qui, présidant une association d’aide aux réfugiés, consulte régulièrement de tels sites pour s’informer sur les discours, les raisonnements, les modes d’expression qui sont caractéristiques de cette mouvance, afin, le cas échéant, de détecter, chez tel ou tel demandeur d’asile, les indices d’un basculement fâcheux. J’entends bien que l’on m’opposera l’exception de la consultation de bonne foi. Dans le vague même de sa définition, cette exception ne suffit en rien, croyez-le, à assurer ma tranquillité d’esprit, ni celle de milliers de bénévoles, d’associatifs, de chercheurs ou même de citoyens conscients, souhaitant s’informer exactement sur cette face noire de notre monde.
J’ajouterai ici que vous ne pourrez pas être insensibles à ce que le vague de cette « bonne foi » permet en matière de délit de faciès. Si j’ai bon espoir, pour reprendre le même exemple personnel, que mon patronyme regrettablement rochelais me fasse bénéficier d’un préjugé favorable, je sais bien qu’il n’en ira aucunement de même de nos interprètes Rahman, afghan, ou Bilal, syrien, tous deux visiblement musulmans et bénéficiant en France de la protection subsidiaire. Je voudrais brièvement rappeler quelques points de droit avant d’en venir aux éléments de contexte et aux objections.
Les points de droit ne devraient pas nous retenir longtemps.
C’est, à ma connaissance, la première fois en France qu’une démarche purement cognitive fait naître la présomption d’une intention criminelle. Le délit d’éventuelle intention terroriste dont on parle ici repose sur une double supposition. D’une part, la supposition d’un endoctrinement « radical », comme on le dit aujourd’hui ; d’autre part, la supposition que cet endoctrinement est susceptible par nature de déboucher sur un projet terroriste effectif. La notion d’acte préparatoire devient liquide, nébuleuse, subjective, et recule dans le temps.
C’est la fin de l’article de la Déclaration. Je le dis avec gravité : même l’Inquisition de Bernardo Gui n’est pas allée aussi loin.

Elle se fondait aussi sur le for interne, mais celui-ci n’était pas supposé, et sûrement pas d’aussi loin. Il fallait qu’il se soit vu traduit par des prises de position hérétiques explicites. Et d’autre part, il fallait que des manifestations tangibles de l’option hérétique aient pu être relevées par les inquisiteurs. En sens inverse, il pouvait suffire d’abjurer l’opinion émise pour échapper aux poursuites. Nous sommes ici très en deçà des exigences mêmes de l’Inquisition, le Premier ministre parlant de la « première extériorisation d’une participation active à un endoctrinement terroriste » que manifesterait la consultation. Passons sur ce langage étrange, qui cache quelque chose d’assez simple. Aucune opinion n’est demandée pour poursuivre. La simple démarche intellectuelle suffit. La consultation seule. Nous avons à l’évidence passé les bornes du raisonnable.
(suite ici http://excerpts.numilog.com/books/9791021028883.pdf)

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