31 Juillet 1914…

Jean Jaurès était assassiné

(Ce texte était publié sur le site http://www-peda.ac-martinique.fr/histgeo, il concerne la grève de février 1900 en Martinique)

« Malgré tout, parce que nous savons que les prolétaires auront plus de garantie, si ce sont les municipalités élues par eux, vivant au milieu d’eux qui gardent la police, …*

31-07-2023-JAURES-71

« Durant la grève, un certain nombre de patrons multiplient les informations alarmistes en direction de l’administration locale et centrale.
La grève est présentée comme une insurrection. Il est question à un certain moment d’une mystérieuse bande de 300 hommes au Morne-des-Esses. Le gouverneur répond avec zèle aux demandes de protection. Des magistrats sont envoyés en mission. Des détachements d’infanterie de marine (c’est la troupe des expéditions coloniales) sont envoyés un peu partout. En principe, ils ne doivent pas stationner dans les usines.
Le 7 février à 7 heures du soir un détachement d’infanterie est envoyé au Lamentin. A 7 heures 45 Liottier le directeur de l’usine du François téléphone au gouverneur Gabrié et demande des renforts pour barrer une bande armée. A 8 heures 30 on demande à un officier de la troupe du Lamentin d’envoyer 25 hommes au François. Le lieutenant du détachement demande où il doit aller, le secrétaire du gouverneur lui aurait dit à l’usine, ordre du gouverneur.
Deux thèses s’affrontent au sujet de la fusillade qui a eu lieu le 8 février. Celle du lieutenant Kahn. Une bande armée de coutelas s’est avancée sur la troupe qui tire sur les émeutiers qui avaient saisi leur baïonnette. Ce rapport reconnaît cependant que le maire du François, le docteur Clément a tenté d’apaiser la foule.
 
La version du docteur Clément est différente. Il aurait convaincu les grévistes de reculer. C’est alors qu’un premier coup de feu part suivi d’une salve de mousqueterie. Lui-même a failli être tué. Le commissaire de police qui est avec lui confirme le fait. La troupe a fait feu sans sommation alors que des pourparlers étaient en cours. Le procureur remarque que la première tâche de sang se trouve à 7 mètres de la bande de grévistes. Il apparaît nettement qu’on a tiré à distance sur les grévistes. Dans une correspondance du 22 février le docteur Clément parle « de l’exécution du 8 février ».
Le gouverneur et le procureur général furent présents aux obsèques des victimes pour lesquelles un crédit de 7000 francs fut voté.
La question des incendies a souvent été majorée : 43 hectares en tout furent incendiés (et éteints avec l’aide des travailleurs) dans la seconde partie de février. Jamais un gréviste arrêté ne le fut pour incendie. Ces incendies furent minimes. Pas une maison de maître, pas un équipement n’ont brûlé.
 
Au niveau du pouvoir central se fait sentir la pression d’un lobby répercutant les vœux du patronat (les chambres de commerce des ports par exemple). Celle de Bordeaux réclame l’envoi de troupes pour « éviter le massacre des blancs ». Le gouvernement envoie 30 gendarmes et 2 navires de guerre qui restent jusqu’en mai 1900. Le gouvernement était sensible aux pressions du lobby sucrier dans une certaine mesure car la loi du 13 avril 1900 réduit les attributions du conseil général qui perd son autonomie pour délibérer et statuer sur les taxes (comme l’octroi de mer, taxe perçue sur toutes les marchandises importées et sur les sorties de sucre). Il y a donc une tentative de recentralisation. Le gouverneur Gabrié est rappelé car jugé trop mou.
 
A la Chambre des députés, les socialistes indignés s’expriment par la voix de Jaurès qui stigmatise le massacre. Ils posent à nouveau le problème de leur participation au gouvernement (le ministre des Colonies en effet était un socialiste).

*Extrait de « Les deux Méthodes » intervention de Jean Jaurès

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Dans cet échange avec Jean Jaurès, Jules Guesde rappelait l’ignominieuse déclaration de « galonnés supérieurs », ultimatum fait à la Justice lors du procès de Zola, concernant l’affaire Dreyfus : ce chantage pour obtenir la condamnation de Zola :

« Nous ne resterons pas une minute de plus à notre poste, nous abandonnerons, nous livrerons la défense nationale, dont nous avons la charge, si les jurés se refusent au verdict que nous leurs réclamons. »