[Roman culte dans le domaine de la science fiction, la rose explore les rapprochements possibles entre l’art et la science, l’alliance de l’intuition et de la raison. Tout au long de l’oeuvre l’auteur montre (?) que le savoir scientifique est souvent une réduction de ce que l’homme peut percevoir du réel par l’ensemble de ses sens utilisés en toute conscience.]
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(Sans l’image, à cliquer)
Extrait du roman de science fiction (mais pas que) La rose
de Charles L. Harness (son chef-d’oeuvre)
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Parcours de lecture
En clair
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Extrait plus long
Graduellement comme une sorte de Narcisse des régions infernales, elle se mit à sombrer sous l’empire de l’enchantement bizarre qui émanait de cette image contrefaite. Elle ne parvenait pas à garder vraiment la notion que cette créature était elle-même. Ce profil, vu comme à travers des yeux ensorcelés, aurait pu être celui d’un énorme crapaud, et le scintillement de cette métaphore paralysa sa première tentative désespérée d’identification. De façon vague, elle réalisait qu’elle avait découverte ce qu’elle avait entrepris de découvrir. Elle était effectivement affreuse. Et même plus qu’affreuse. La métamorphose avait du être progressive, trop lente pour pouvoir dire un jour quelconque : Hier je n’étais pas encore affreuse. Mais même des yeux qui cherchaient à se leurrer ne pouvaient plus nier l’évidence aux effets cumulatifs. Si lentement… et en même temps si vite. Il lui semblait que c’était seulement la veille qu’elle s’était retrouvée allongée à plat ventre sur la table d’examen de Matthew Bell, mordant sauvagement le petit oreiller pendant qu’il palpait inexorablement, de ses doigts noueux, ses vertèbres dorsales supérieures.
Un livret gratuit
entièrement dédié à l’oeuvre de Jean Giono
(extraits des nouvelles, romans et pièces de théâtre
à redécouvrir en jeu)
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(Janet est à l’agonie autour de lui
pour conjurer le sort
des histoires étranges
naissent sur les lèvres)
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« Le crapaud qui a fait sa maison dans le saule est sorti. « Il a des mains d’homme et des yeux d’homme. « C’est un homme qui a été puni. « Il a fait sa maison dans le saule avec des feuilles et de la boue. « Son ventre est plein de chenilles et c’est un homme. « Il mange des chenilles, mais c’est un homme, n’y a qu’à regarder ses mains. « Il les passe sur son ventre, ses petites mains, pour se tâter : C’est bien moi, c’est bien moi, qu’il se demande dans sa jugeote, et il pleure, quand il est bien sûr que c’est lui. « Je l’ai vu pleurer. Ses yeux sont pareils à des grains de maïs et, à mesure que ses larmes coulent, il fait de la musique avec sa bouche. « Un jour, je me suis dit : “Janet, qui sait ce qu’il a fait comme ça, pour avoir été puni, et qu’on lui ait laissé seulement ses mains et ses yeux ?” « C’est des choses que le saule m’aurait dites si j’avais su parler comme lui. J’ai essayé. Rien à faire. Il est sourd comme un pot. « Nous deux, avec le crapaud, ça est bien allé jusqu’à la Saint-Michel ; il venait au bord des herbes pour me regarder. « Je lui disais : “Oh collègue. Et alors, quoi de neuf ?” Quand j’arrosais, il me suivait. « Une fois, c’était la nuit, je l’ai entendu venir ; il se traînait dans la boue et il faisait clou, clou, avec sa bouche pour faire venir les vers. « Ils sont venus en dansant du ventre et du dos. N’y avait un gros comme un boudin blanc tout pomponné de poils ; un autre qui semblait un mal de doigt. « Le crapaud a mis ses pattes sur mes pieds. « Ses petites mains froides sur mes pieds, j’aime pas ça. Il en avait pris l’habitude, le gaillard. Chaque fois que j’arrivais, j’avais beau me méfier, y posait toujours sa petite patte froide sur mes pieds nus. « À la fin, j’en ai eu assez. Je l’ai eu juste au sortir de sa maison. « Il cloucloutait doucement. Il tenait un ver noir et il le mangeait. Il avait du sang sur les dents ; du sang plein sa bouche et ses yeux de maïs pleuraient. « Je me dis : “Janet, c’est pas de la nourriture de chrétien, ça, tu feras bonne œuvre…” « Et je l’ai partagé d’un coup de bêche. « Il fouillait la terre avec ses mains ; il mordait la terre avec ses dents rouges de sang. Il est resté là avec sa bouche pleine de terre et des larmes dans ses yeux de maïs… »