Le mont analogue – René Daumal (simpliste) – 26

(traduit du bulgare par le traducteur du « Coeur Cerf »)

Le Mont Analogue fut commencé par René Daumal en juillet 1939 lors de son séjour à Pelvoux dans les Alpes et à un moment particulièrement tragique de son existence. Il venait d'apprendre – à trente et un ans – qu'il était perdu : tuberculeux depuis une dizaine d'années, sa maladie ne pouvait avoir qu'une issue fatale. Trois chapitres étaient achevés en juin 1940 quand Daumal quitta Paris à cause de l'occupation allemande, sa femme, Vera Milanova, étant israélite. Après trois ans passés entre les Pyrénées (Gavarnie), les environs de Marseille (Allauch) et les Alpes (Passy, Pelvoux), dans des conditions très difficiles sur tous les plans, Daumal connut enfin, au cours de l'été 1943, un moment de répit et espéra pouvoir finir son « roman ». Il se remit au travail, mais une dramatique aggravation de sa maladie l'empêcha de terminer la relation de son voyage « symboliquement authentique ». Il mourut à Paris le 21 mai 1944. ? 
(extrait le avant-propos de l'éditeur)

26-Le mont analogue-DÉSAGRÉGATION ET-IMA

Loins d’être seuls donc, nos aventuriers découvrent d’autres navires que les leurs, bien différents parfois.

Derrière la maison, un pic neigeux nous regardait par-dessus son épaule boisée. Devant s’ouvrait le port où se reposait notre bateau, dernier venu de la plus étrange marine qu’on pût voir. Dans les baies du rivage, des navires de tous temps et de tous pays s’alignaient en files serrées, les plus vieux encroûtés de sel, d’algues et de coquillages à ne plus être reconnaissables. Il y avait là des barques phéniciennes, des trirèmes, des galères, des caravelles, des goélettes ; deux bateaux à roues aussi, et même un vieil aviso mixte du siècle dernier, mais ces navires des époques récentes étaient très peu nombreux. Sur les plus anciens, nous pouvions rarement mettre des noms de type ou de pays.

Et tous ces bâtiments abandonnés attendaient tranquillement
la pétrification ou la digestion par la flore et la faune marine, la
26-Le mont analogue-DÉSAGRÉGATION ET-LET
aux plus grands desseins.


[Note] Il semblerait, d’après le narrateur, qu’à l’époque moderne (la sienne, c’est-à-dire les années 40) les arrivées sur l’île se soient fait plus rares. Sur la base de l’évolution de nos civilisation et de ses priorités, on peut se demander si depuis, d’autres navires ont touché ces côtes.


AVENTURIER = ENVIERA RUT

Le mont analogue – René Daumal (simpliste) – 25

(traduit du bulgare par le traducteur du « Coeur Cerf »)

Le Mont Analogue fut commencé par René Daumal en juillet 1939 lors de son séjour à Pelvoux dans les Alpes et à un moment particulièrement tragique de son existence. Il venait d'apprendre – à trente et un ans – qu'il était perdu : tuberculeux depuis une dizaine d'années, sa maladie ne pouvait avoir qu'une issue fatale. Trois chapitres étaient achevés en juin 1940 quand Daumal quitta Paris à cause de l'occupation allemande, sa femme, Vera Milanova, étant israélite. Après trois ans passés entre les Pyrénées (Gavarnie), les environs de Marseille (Allauch) et les Alpes (Passy, Pelvoux), dans des conditions très difficiles sur tous les plans, Daumal connut enfin, au cours de l'été 1943, un moment de répit et espéra pouvoir finir son « roman ». Il se remit au travail, mais une dramatique aggravation de sa maladie l'empêcha de terminer la relation de son voyage « symboliquement authentique ». Il mourut à Paris le 21 mai 1944. ? 
(extrait le avant-propos de l'éditeur)

25-Le mont analogue-RESSURGIR EN MOI-IMA

Les découvreurs du Mont Analogue, ne sont pas seuls. Une ville les attendaient, a autorisé et facilité leur passage. Son nom donne à réfléchir.

L’homme qui nous accueillait était bien un guide. Toute autorité est en ce pays exercée par les guides de montagne, qui forment une classe distincte, et, en dehors de leur métier propre de guides, assument à tour de rôle les fonctions administratives indispensables dans les villages de la côte et de la basse montagne. Celui-ci nous donna les indications nécessaires sur le pays et sur ce que nous devions faire. Nous avions abordé dans une petite ville du littoral peuplée d’Européens, Français pour la plupart. Il n’y a pas ici d’indigènes. Tous les habitants sont venus d’ailleurs, des quatre coins du monde, comme nous, et chaque nation a sur la côte sa petite colonie. Comment se faisait-il que nous fussions tombés précisément sur cette ville, appelée Port-des-Singes, peuplée d’Européens occidentaux comme nous ? Nous devions comprendre plus tard que ce n’était pas par hasard, et que le vent qui nous avait aspirés et conduits là n’était pas un vent naturel et fortuit, mais qu’il avait soufflé selon une volonté. Et pourquoi ce nom de Port-des-Singes, alors qu’il n’y avait pas un seul quadrumane dans la région ?

Je ne sais pas trop, mais cette appellation faisait
25-Le mont analogue-RESSURGIR EN MOI-LET
Notre port d’arrivée ne pouvait être que Port-des-Singes.

Nous devrions, de là, gagner par nos propres moyens les chalets de la Base, à deux jours de marche dans les hauts pâturages, où nous rencontrerions le guide qui pourrait nous conduire plus haut. Il nous fallait donc rester quelques jours à Port-des-Singes pour préparer nos bagages et réunir une caravane de porteurs, car nous devions emporter à la Base assez de provisions pour un très long séjour. Nous fûmes conduits à une petite maison très propre et très sommairement aménagée, où chacun de nous avait une sorte de cellule qu’il arrangea à son gré, et pourvue d’une salle commune, avec un âtre, où nous nous réunissions pour les repas et le soir pour tenir conseil.


[Note] Les réflexions de René Daumal concernant notre nation sont-elles encore d’actualité ? (sourire)²


LE PORT DES SINGES = PLONGE TES DÉSIR

Le mont analogue – René Daumal (simpliste) – 24

(traduit du bulgare par le traducteur du « Coeur Cerf »)

Le Mont Analogue fut commencé par René Daumal en juillet 1939 lors de son séjour à Pelvoux dans les Alpes et à un moment particulièrement tragique de son existence. Il venait d'apprendre – à trente et un ans – qu'il était perdu : tuberculeux depuis une dizaine d'années, sa maladie ne pouvait avoir qu'une issue fatale. Trois chapitres étaient achevés en juin 1940 quand Daumal quitta Paris à cause de l'occupation allemande, sa femme, Vera Milanova, étant israélite. Après trois ans passés entre les Pyrénées (Gavarnie), les environs de Marseille (Allauch) et les Alpes (Passy, Pelvoux), dans des conditions très difficiles sur tous les plans, Daumal connut enfin, au cours de l'été 1943, un moment de répit et espéra pouvoir finir son « roman ». Il se remit au travail, mais une dramatique aggravation de sa maladie l'empêcha de terminer la relation de son voyage « symboliquement authentique ». Il mourut à Paris le 21 mai 1944. ? 
(extrait le avant-propos de l'éditeur)

24-Le mont analogue-MOTS QUE NOUS-IMA

Retour à nos aventuriers … Réflexion de l’auteur à propos de leur découverte, après un certain temps d’attente infructueuse, du passage vers l’objet de leur quête.

Il y a donc trois jours de cela, comme le soleil allait encore une fois disparaître à l’horizon et que nous lui tournions le dos, tendus à l’avant du bateau, un vent sans préliminaires se leva, ou plutôt une puissante aspiration soudain nous tira en avant, l’espace se creusa devant nous, un vide sans fond, un gouffre horizontal d’air et d’eau impossiblement enlacés en cercles ; le bateau craquait dans ses membrures et filait lancé infailliblement le long d’une pente ascendante jusqu’au centre de l’abîme et tout à coup il se trouva, doucement balancé, dans une vaste et calme baie, devant la terre ! Le rivage était assez près pour que nous puissions distinguer les arbres et les maisons ; au-dessus, des cultures, des forêts, des prairies, des rochers, et au-dessus encore des plans et des arrière-plans indéfinis de hauts pics et de glaciers flambant rouges dans le crépuscule. Une flottille de barques à dix rameurs – des Européens, certainement, le torse nu et bronzé – vint nous haler jusqu’à notre mouillage. Il semblait bien que nous étions attendus. Cela ressemblait fort à quelque village de pêcheurs méditerranéen. Nous n’étions pas dépaysés. Le chef de la flottille nous conduisit en silence à une maison blanche, dans une pièce nue, carrelée de rouge, où un homme en tenue montagnarde nous reçut sur un tapis. Il parlait français parfaitement, mais avec parfois le sourire intérieur de quelqu’un qui trouve fort étranges les expressions qu’il doit employer pour se faire entendre. Il traduisait certainement, – sans hésitation et sans incorrection, mais il traduisait visiblement. Il nous interrogea l’un après l’autre. Chacune de ses questions, – pourtant toutes simples : qui étions-nous ? pourquoi venions-nous ? – nous prenait au dépourvu, nous perçait jusqu’aux entrailles. Qui êtes-vous ? Qui suis-je ? Nous ne pouvions pas lui répondre comme à un agent consulaire ou à un employé des douanes. Dire son nom, sa profession ? – qu’est-ce que cela signifie ?

Mais qui es-tu ? Et qu’est-ce que tu es ?
24-Le mont analogue-MOTS QUE NOUS-LET
répugnants ou ridicules comme des cadavres.

Nous savions que désormais, devant les guides du Mont Analogue, nous ne pourrions plus nous payer de mots. Sogol, courageusement, prit sur lui de raconter brièvement notre voyage.


[Note] Ne surtout pas se souvenir de ces paroles.
Comment continuer ensuite à converser avec les mots sans saveur et sans odeurs, si ce n’est répugnantes, dont nous usons constamment, feignant d’être conscient que « emmerder » signifie recouvrir d’excréments … dont la provenance ne peut-être que … nous-même.


MANDRAGORE  CULTIVÉ = VULGARITÉ DE ……

Le mont analogue – René Daumal (simpliste) – 23

(traduit du bulgare par le traducteur du « Coeur Cerf »)

Le Mont Analogue fut commencé par René Daumal en juillet 1939 lors de son séjour à Pelvoux dans les Alpes et à un moment particulièrement tragique de son existence. Il venait d'apprendre – à trente et un ans – qu'il était perdu : tuberculeux depuis une dizaine d'années, sa maladie ne pouvait avoir qu'une issue fatale. Trois chapitres étaient achevés en juin 1940 quand Daumal quitta Paris à cause de l'occupation allemande, sa femme, Vera Milanova, étant israélite. Après trois ans passés entre les Pyrénées (Gavarnie), les environs de Marseille (Allauch) et les Alpes (Passy, Pelvoux), dans des conditions très difficiles sur tous les plans, Daumal connut enfin, au cours de l'été 1943, un moment de répit et espéra pouvoir finir son « roman ». Il se remit au travail, mais une dramatique aggravation de sa maladie l'empêcha de terminer la relation de son voyage « symboliquement authentique ». Il mourut à Paris le 21 mai 1944. ? 
(extrait le avant-propos de l'éditeur)

23-Le mont analogue-JE N’ ARRIVE PAS-IMA

Retour à nos aventuriers … Réflexion de l’auteur à propos de leur découverte, après un certain temps d’attente infructueuse, du passage vers l’objet de leur quête.

Nous voici installés depuis trois jours seulement dans notre petite maison provisoire de Port-des-Singes, sur les rives du Mont Analogue, et tout nous est déjà familier. De ma fenêtre, je vois l’Impossible au mouillage dans une crique, et baie qui s’ouvre sur un horizon pareil à tous les horizons marins, sauf qu’avec le cours du soleil il s’élève sensiblement du matin à midi puis s’abaisse de midi jusqu’au soir, par un phénomène d’optique que Sogol, dans la chambre voisine, se casse la tête à étudier.

Comme j’ai été chargé de tenir le journal de l’expédition,
j’essaie depuis l’aube de raconter sur le papier notre arrivée sur le Continent.
23-Le mont analogue-JE N’ ARRIVE PAS-LET
cette vitesse ahurissante de déjà-vu…

J’ai essayé d’utiliser les notes personnelles de mes compagnons, et elles m’aideront certainement. Je comptais aussi un peu sur les photographies et les films que Hans et Karl s’étaient proposé de prendre ; mais au développement, aucune image n’apparaissait sur la couche sensible ; il était impossible, avec le matériel ordinaire, de rien photographier ici : autre problème d’optique pour casser la tête de Sogol.


[Note] Cet « extraordinaire » « évident », René Daumal l’a développé, dans « l’Evidence Absurde » Il y évoque les premiers instants où ce sentiment l’a traversé et les conséquences qu’il a eu sur son évolution personnelle et celle de ceux qui l’ont partagé avec lui … les autres simplistes.


L’ÉVIDENCE ABSURDE = RU ! DEVIENS DÉBACLE !

Le mont analogue – René Daumal (simpliste) – 22

(traduit du bulgare par le traducteur du « Coeur Cerf »)

Le Mont Analogue fut commencé par René Daumal en juillet 1939 lors de son séjour à Pelvoux dans les Alpes et à un moment particulièrement tragique de son existence. Il venait d'apprendre – à trente et un ans – qu'il était perdu : tuberculeux depuis une dizaine d'années, sa maladie ne pouvait avoir qu'une issue fatale. Trois chapitres étaient achevés en juin 1940 quand Daumal quitta Paris à cause de l'occupation allemande, sa femme, Vera Milanova, étant israélite. Après trois ans passés entre les Pyrénées (Gavarnie), les environs de Marseille (Allauch) et les Alpes (Passy, Pelvoux), dans des conditions très difficiles sur tous les plans, Daumal connut enfin, au cours de l'été 1943, un moment de répit et espéra pouvoir finir son « roman ». Il se remit au travail, mais une dramatique aggravation de sa maladie l'empêcha de terminer la relation de son voyage « symboliquement authentique ». Il mourut à Paris le 21 mai 1944. ? 
(extrait le avant-propos de l'éditeur)

22-Le mont analogue-UNE LONGUE ATTENTE-IMA

Retour à nos aventuriers … Réflexion de l’auteur à propos de leur découverte, après un certain temps d’attente infructueuse, du passage vers l’objet de leur quête.

22-Le mont analogue-UNE LONGUE ATTENTE-LET


[Note] C’est aussi un aphorisme valable pour les visiteurs de ce lieu …
(
un voyage, associant douleur et amitié, m’éloigne pour quelques jours)


ATTENTE HABITUDE = DÉBUT ETAIT HANTÉ

Le mont analogue – René Daumal (simpliste) – 21

(traduit du bulgare par le traducteur du « Coeur Cerf »)

Le Mont Analogue fut commencé par René Daumal en juillet 1939 lors de son séjour à Pelvoux dans les Alpes et à un moment particulièrement tragique de son existence. Il venait d'apprendre – à trente et un ans – qu'il était perdu : tuberculeux depuis une dizaine d'années, sa maladie ne pouvait avoir qu'une issue fatale. Trois chapitres étaient achevés en juin 1940 quand Daumal quitta Paris à cause de l'occupation allemande, sa femme, Vera Milanova, étant israélite. Après trois ans passés entre les Pyrénées (Gavarnie), les environs de Marseille (Allauch) et les Alpes (Passy, Pelvoux), dans des conditions très difficiles sur tous les plans, Daumal connut enfin, au cours de l'été 1943, un moment de répit et espéra pouvoir finir son « roman ». Il se remit au travail, mais une dramatique aggravation de sa maladie l'empêcha de terminer la relation de son voyage « symboliquement authentique ». Il mourut à Paris le 21 mai 1944. ? 
(extrait le avant-propos de l'éditeur)

21-Le mont analogue-ATTEINDRE LA ROSE-IMA

Suite du conte …

Histoire des hommes-creux

et de la Rose-amère
(Seconde partie )

Dans la glace bleue du Glacier limpide, Ho regarde de tous ses yeux. Est-ce la lumière qui joue, ou bien ses yeux qui se troublent, ou voit-il bien ce qu’il voit ? Il voit des formes argentées, comme des plongeurs huilés dans l’eau, avec des jambes et des bras. Et voici son frère Mo, sa forme creuse qui s’enfuit, et mille hommes-creux le poursuivent, mais ils ont peur de la lumière. La forme de Mo fuit vers la lumière, elle monte dans un grand sérac bleu, et tourne sur elle-même comme pour chercher une porte.

Ho s’élance malgré son sang qui se caille et malgré son cœur qui se fend, – il dit à son sang, il dit à son cœur : « n’aie pas peur de tuer un mort », – il frappe à la tête en crevant la glace. La forme de Mo devient immobile, Ho fend la glace du sérac, et entre dans la forme de son frère, comme une épée dans son fourreau, comme un pied dans son empreinte. Il joue des coudes et se secoue, et tire ses jambes du moule de glace. Et il s’entend dire des paroles dans une langue qu’il n’a jamais parlée. Il sent qu’il est Ho, et qu’il est Mo en même temps. Tous les souvenirs de Mo sont entrés dans sa mémoire : avec le chemin du pic Troue-les-nues, et la demeure de la Rose-amère.

Avec au cou le cercle et la croix, il vient près de Hulé-hulé : « Mère, tu n’auras plus de peine à nous reconnaître, Mo et Ho sont dans le même corps, je suis ton seul fils Moho. »

Le vieux Kissé pleura deux larmes, son visage se déplia. Mais un doute encore il voulait trancher. Il dit à Moho : « Tu es mon seul fils, Ho et Mo n’ont plus à se distinguer. »

Mais Moho lui dit avec certitude :
21-Le mont analogue-ATTEINDRE LA ROSE-LET
Il cueillit la fleur, il eut le savoir, et le vieux Kissé put quitter ce monde.

Ce soir-là encore, le soleil se coucha sans nous ouvrir la porte d’un autre monde.


[Note]  La réponse à la question posée précédemment
« Qui sont ces hommes creux ? HO et MO ne font-ils qu’un ? »
est ici, pour qui sait la cueillir sans crainte (sourire)²

La dernière phrase du vieux Kissé … conflit intérieur … notre unité d’Homo.


L’HOMME EST IL DOUBLE = BODHI, MUSE … MOLLET

Le mont analogue – René Daumal (simpliste) – 20

(traduit du bulgare par le traducteur du « Coeur Cerf »)

Le Mont Analogue fut commencé par René Daumal en juillet 1939 lors de son séjour à Pelvoux dans les Alpes et à un moment particulièrement tragique de son existence. Il venait d'apprendre – à trente et un ans – qu'il était perdu : tuberculeux depuis une dizaine d'années, sa maladie ne pouvait avoir qu'une issue fatale. Trois chapitres étaient achevés en juin 1940 quand Daumal quitta Paris à cause de l'occupation allemande, sa femme, Vera Milanova, étant israélite. Après trois ans passés entre les Pyrénées (Gavarnie), les environs de Marseille (Allauch) et les Alpes (Passy, Pelvoux), dans des conditions très difficiles sur tous les plans, Daumal connut enfin, au cours de l'été 1943, un moment de répit et espéra pouvoir finir son « roman ». Il se remit au travail, mais une dramatique aggravation de sa maladie l'empêcha de terminer la relation de son voyage « symboliquement authentique ». Il mourut à Paris le 21 mai 1944. ? 
(extrait le avant-propos de l'éditeur)

20-Le mont analogue-D’ UN HOMME UN TORSE-IMA

Les huit explorateurs (chercheurs de vérités aurait dit GIG jeune) sont à l’affut de l’endroit où l’on peut pénétrer dans cet espace invisible qu’occupe le Mont Analogue. SOGOL les a prévenus que cela peut leur prendre plus d’un mois.
Ils passent alors le temps en longues discussions scientifiques … . L’une d’elle conduit Beaver à partager un conte (il entend montrer qu’il existe aussi des légendes des montagnes) :

Histoire des hommes-creux

et de la Rose-amère
(Première partie )

Les hommes-creux habitent dans là pierre, ils y circulent comme des cavernes voyageuses. Dans la glace ils se promènent comme des bulles en forme d’hommes. Mais dans l’air ils ne s’aventurent, car le vent les emporterait.

Ils ont des maisons dans la pierre, dont les murs sont faits de trous, et des tentes dans la glace, dont la toile est faite de bulles. Le jour ils restent dans la pierre, et la nuit errent dans la glace, où ils dansent à la pleine lune. Mais ne voient jamais le soleil, autrement ils éclateraient.

Ils ne mangent que du vide, ils mangent la forme des cadavres, ils s’enivrent de mots vides, de toutes les paroles vides que nous autres nous prononçons.

Certaines gens disent qu’ils furent toujours et seront toujours. D’autres disent qu’ils sont des morts. Et d’autres disent que chaque homme vivant a dans la montagne son homme-creux, comme l’épée a son fourreau, comme le pied a son empreinte, et qu’à la mort ils se rejoignent.

Au village des Cent-maisons vivait le vieux prêtre-magicien Kissé et sa femme Hulé-hulé. Ils avaient deux fils, deux jumeaux que rien ne distinguait, qui s’appelaient Mo et Ho. La mère elle-même les confondait. Pour les reconnaître, au jour de l’imposition des noms, on avait mis à Mo un collier portant une petite croix, à Ho un collier portant un petit anneau.

Le vieux Kissé avait un grand souci silencieux. Selon la coutume, son fils aîné devait lui succéder. Mais qui était son fils aîné ? Avait-il même un fils aîné ?

A l’âge d’adolescence, Mo et Ho étaient de finis montagnards. On les appelait les deux Passe-partout. Un jour leur père leur dit : « Celui de vous deux qui me rapportera la Rose-amère, à celui-là je transmettrai le grand savoir. »

La Rose-amère se tient au sommet des plus hauts pics. Celui qui en a mangé, dès qu’il s’apprête à dire un mensonge, tout haut ou tout bas, la langue lui brûle. Il peut encore dire des mensonges, mais alors il est prévenu. Quelques personnes ont aperçu la Rose-amère : cela ressemble, à ce qu’elles racontent, à une sorte de gros lichen multicolore, ou à un essaim de papillons. Mais personne ne l’a pu prendre, car le moindre frémissement de peur auprès d’elle l’effarouche, et elle rentre dans le rocher. Or, si même on la désire, on a toujours un peu peur de la posséder, et aussitôt elle disparaît.

Pour parler d’une action impossible, ou d’une entreprise absurde, on dit : « c’est chercher à voir la nuit en plein jour », ou : « c’est vouloir éclairer le soleil pour mieux le voir », ou encore : « c’est essayer d’attraper la Rose-amère ».

Mo a pris ses cordes et son marteau et sa hache et des crochets de fer. Le soleil l’a surpris aux flancs du pic Troue-les-nues. Comme un lézard parfois, et parfois comme une araignée, il s’élève le long de hautes parois rouges, entre le blanc des neiges et le bleu-noir du ciel. Les petits nuages rapides de temps en temps l’enveloppent, puis le rendent soudain à la lumière. Et voici qu’un peu au-dessus de lui il voit la Rose-amère, brillante de couleurs qui ne sont pas des sept couleurs. Il se répète sans arrêt le charme que son père lui a enseigné, et qui protège de la peur.

Il faudrait un piton ici, avec un étrier de corde, pour enfourcher ce cheval de pierre cabré. Il frappe du marteau, et sa main s’enfonce dans un trou. Il y a un creux sous la pierre.

Il brise la croûte de rocher,
et voit que ce creux a la forme
20-Le mont analogue-D’ UN HOMME UN TORSE-LET
a crevée d’un coup de marteau.

Un vent glacé passe sur la pierre. Mo a tué un homme-creux. Il a frémi, et la Rose-amère est rentrée dans le rocher.

Mo redescend au village, et il va dire à son père : « J’ai tué un homme-creux. Mais j’ai vu la Rose-amère, et demain j’irai la chercher. »

Le vieux Kissé devenait sombre. Il voyait au loin les malheurs s’avancer en procession. Il dit : « Prends garde aux hommes-creux. Ils voudront venger leur mort. Dans notre monde ils ne peuvent entrer. Mais jusqu’à la surface des choses ils peuvent venir. Méfie-toi de la surface des choses. »

A l’aube du lendemain, Hulé-hulé la mère poussa un grand cri et se leva et courut vers la montagne. Au pied de la grande muraille rouge, les vêtements de Mo reposaient, et ses cordes et son marteau, et sa médaille avec la croix. Et son corps n’était plus là.

« Ho, mon fils ! » vint-elle crier, « mon fils, ils ont tué ton frère ! »

Ho se dresse, les dents serrées, la peau de son crâne se rétrécissait. Il prend sa hache et veut partir. Le père lui dit : « Ecoute d’abord. Voici ce qu’il faut faire. Les hommes-creux ont pris ton frère. Ils l’ont changé en homme-creux. Il voudra leur échapper. Aux séracs du Glacier limpide il ira chercher la lumière. Mets à ton cou sa médaille avec la tienne. Va vers lui et frappe à la tête. Entre dans la forme de son corps. Et Mo revivra parmi nous. N’aie pas peur de tuer un mort. »


[Note]  Qui sont ces hommes creux ? HO et MO ne font-ils qu’un ? 


CHERCHEUR DE VÉRITÉ = REVE CRI HEURT … DÈCHE

Le mont analogue – René Daumal (simpliste) – 19

(traduit du bulgare par le traducteur du « Coeur Cerf »)

Le Mont Analogue fut commencé par René Daumal en juillet 1939 lors de son séjour à Pelvoux dans les Alpes et à un moment particulièrement tragique de son existence. Il venait d'apprendre – à trente et un ans – qu'il était perdu : tuberculeux depuis une dizaine d'années, sa maladie ne pouvait avoir qu'une issue fatale. Trois chapitres étaient achevés en juin 1940 quand Daumal quitta Paris à cause de l'occupation allemande, sa femme, Vera Milanova, étant israélite. Après trois ans passés entre les Pyrénées (Gavarnie), les environs de Marseille (Allauch) et les Alpes (Passy, Pelvoux), dans des conditions très difficiles sur tous les plans, Daumal connut enfin, au cours de l'été 1943, un moment de répit et espéra pouvoir finir son « roman ». Il se remit au travail, mais une dramatique aggravation de sa maladie l'empêcha de terminer la relation de son voyage « symboliquement authentique ». Il mourut à Paris le 21 mai 1944. ? 
(extrait le avant-propos de l'éditeur)

19-Le mont analogue-L’ EFFET POUR LA CAUSE-IMA

Intermède, L’auteur, par l’entremise de SOGOL nous invite à tester les limites de notre capacité à penser.
Limite qu’il fixe d’autorité à 4 item simultanés pour les plus puissants esprits humains.

… chiche ? …

Il est nécessaire, pour comprendre ce qui suit, de refaire en toute bonne foi les expériences proposées. Cela exige une certaine attention, de la patience et de la tranquillité.

Il poursuivait donc :

» 1) Je m’habille pour sortir ; 2) je sors pour aller prendre le train ; 3) je vais prendre le train pour aller à mon travail ; 4) je vais travailler pour gagner ma vie… ; essayez d’ajouter un cinquième chaînon, et je suis sûr que l’un des trois premiers, au moins, s’évanouira de votre pensée.

Nous fîmes l’expérience : c’était exact – et même un peu trop généreux.

– Prenez un autre type d’enchaînement : 1) le bouledogue est un chien ; 2) les chiens sont des mammifères ; 3) les mammifères sont des vertébrés ; 4) les vertébrés sont des animaux… ; je vais plus loin : les animaux sont des êtres vivants – mais voilà, j’ai déjà oublié le bouledogue ; si je me rappelle « bouledogue », j’oublie « vertébrés »… Dans tous les ordres de succession ou de division logiques, vous constaterez le même phénomène.

Voilà pourquoi nous prenons constamment l’accident pour la substance,

19-Le mont analogue-L’ EFFET POUR LA CAUSE-LET

pour nous-même, et nous-même pour une chose éternelle.


[Note]  D’où l’invention de la trace de la pensée laissée sur la paroi d’une grotte, un parchemin, le mur d’une pissotière … 


MESURER LA PENSÉE = EN ARME, USE PERLES  

Le mont analogue – René Daumal (simpliste) – 18

(traduit du bulgare par le traducteur du « Coeur Cerf »)

Le Mont Analogue fut commencé par René Daumal en juillet 1939 lors de son séjour à Pelvoux dans les Alpes et à un moment particulièrement tragique de son existence. Il venait d'apprendre – à trente et un ans – qu'il était perdu : tuberculeux depuis une dizaine d'années, sa maladie ne pouvait avoir qu'une issue fatale. Trois chapitres étaient achevés en juin 1940 quand Daumal quitta Paris à cause de l'occupation allemande, sa femme, Vera Milanova, étant israélite. Après trois ans passés entre les Pyrénées (Gavarnie), les environs de Marseille (Allauch) et les Alpes (Passy, Pelvoux), dans des conditions très difficiles sur tous les plans, Daumal connut enfin, au cours de l'été 1943, un moment de répit et espéra pouvoir finir son « roman ». Il se remit au travail, mais une dramatique aggravation de sa maladie l'empêcha de terminer la relation de son voyage « symboliquement authentique ». Il mourut à Paris le 21 mai 1944. ? 
(extrait le avant-propos de l'éditeur)

18-Le mont analogue-CHAUFFE LES DÉSIRS-IMA

Les huit montagnards aventuriers sont, pour l’heure, marins tant bien que mal.

La nécessité d’un intense travail en commun nous avait liés les uns aux autres comme si nous eussions été une seule famille, et encore, une famille comme on en voit peu. Nous formions pourtant un assemblage de natures et de personnages assez disparates, et, à vrai dire, Ivan Lapse trouvait parfois que Miss Pancake manquait irrémédiablement du sens de la propriété des mots ; Hans me regardait d’un mauvais œil quand je prétendais parler des sciences dites « exactes », envers lesquelles il me jugeait irrespectueux ; Karl supportait difficilement de travailler aux côtés de Sogol qui, d’après lui, sentait le nègre lorsqu’il transpirait ; l’expression satisfaite du docteur Beaver, chaque fois qu’il mangeait du hareng, me rendait hargneux ; – mais ce cher Beaver, précisément, en tant que médecin et que maître du bord, veillait à ce qu’aucune infection ne se déclarât dans le corps ni dans le psychisme de l’expédition. Il arrivait toujours à point, avec une douce raillerie, lorsque deux d’entre nous commençaient à se trouver mutuellement des façons déplaisantes de marcher, de parler, de respirer ou de manger.

Si j’écrivais l’histoire comme on écrit communément l’histoire, ou comme chacun se raconte à soi-même son histoire, c’est-à-dire en notant seulement les moments les plus glorieux pour en faire une ligne continue imaginaire, je laisserais dans l’ombre ces petits détails, et je dirais que les huit tambours de nos cœurs résonnaient du matin au soir et du soir au matin sous les baguettes d’un même désir – ou quelque mensonge de ce genre.

Mais le feu qui

18-Le mont analogue-CHAUFFE LES DÉSIRS-LET

, on tâchait de s’en souvenir.

Heureusement, les difficultés du travail quotidien, où chacun avait son rôle nécessaire, nous rappelaient que nous étions sur ce bateau de notre plein gré, que nous étions indispensables les uns aux autres, et que nous étions sur un bateau, c’est-à-dire dans une habitation temporaire, destinée à nous transporter ailleurs ; et si quelqu’un l’oubliait, un autre avait vite fait de le lui rappeler.


[Note]  René Daumal rappelle à ceux qui chercheraient l’accord parfait, qu’il n’existe guère que dans les formules des mathématiciens et les algorithmes qui les utilisent, au-delà de ces quelques secondes, qui, grâce à notre capacité de mémoriser, et d’enjoliver … 


ÉDULCORER = DORURE CLÉ

Le mont analogue – René Daumal (simpliste) – 17

(traduit du bulgare par le traducteur du « Coeur Cerf »)

Le Mont Analogue fut commencé par René Daumal en juillet 1939 lors de son séjour à Pelvoux dans les Alpes et à un moment particulièrement tragique de son existence. Il venait d'apprendre – à trente et un ans – qu'il était perdu : tuberculeux depuis une dizaine d'années, sa maladie ne pouvait avoir qu'une issue fatale. Trois chapitres étaient achevés en juin 1940 quand Daumal quitta Paris à cause de l'occupation allemande, sa femme, Vera Milanova, étant israélite. Après trois ans passés entre les Pyrénées (Gavarnie), les environs de Marseille (Allauch) et les Alpes (Passy, Pelvoux), dans des conditions très difficiles sur tous les plans, Daumal connut enfin, au cours de l'été 1943, un moment de répit et espéra pouvoir finir son « roman ». Il se remit au travail, mais une dramatique aggravation de sa maladie l'empêcha de terminer la relation de son voyage « symboliquement authentique ». Il mourut à Paris le 21 mai 1944. ? 
(extrait le avant-propos de l'éditeur)

17-Le mont analogue-FORT SAGES , ET-IMA

SOGOL a démontré que, le Mont Analogue, nécessairement plus haut que toute autre montagne sur Terre, n’a pas été découvert, parce qu’il « exerce une action répulsive sur les rayons lumineux, déviant leur course de façon à le contourner (Long développement où les principes physiques les plus avancés – Einstein y est cité – sont évoqués … et qui, pour cette raison exerce une action répulsive …  déviant notre propos de façon à le contourner.)


SOGOL reçoit alors quatre lettres de contenus différents (en rapport avec la personnalité de leur auteur) mais semblables quand au message en résultant que l’on peut résumer par « Déchiré entre … et la promesse de me joindre à votre extraordinaire projet, je dois cependant renoncer … me fend l’âme. »

En somme, quatre dégonfleurs, dirait le populaire. Nous restions huit. Sogol me confia qu’il s’était attendu à quelques lâchages. C’est même pour cela qu’il avait prétendu, lors de notre grande réunion, que ses calculs n’étaient pas achevés, alors qu’ils l’étaient. Il ne voulait pas que la position géographique exacte du Mont Analogue fût connue en dehors des membres de l’expédition.

On verra plus tard que ces précautions étaient

17-Le mont analogue-FORT SAGES , ET-LET

un élément du problème ne lui avait pas échappé,

cette insuffisance de précautions aurait pu aboutir à d’horribles catastrophes.


[Note]  Les pages allègrement sautées/contournée, pour le motif évoqué plus haut sont lisibles ici
(mot de passe SOGOL en majuscules… bien sur !)


HORRIBLES CATASTROPHES = TRAHIR CHOSES PORTABLES