Le 4 Janvier 1888 …

… est né dans le Mississipi un poète qui sera naturalisé anglais et…

qui s’est vu décerner le prix Nobel de littérature six ans après la publication de son recueil Quatre Quatuors. Oeuvre qui vaudra un prix (prix « Denyse-Clairouin ») à sont traducteur Pierre Leyris.

Dans le journal Combat (tendance à gauche) de janvier 1948, Maurice Nadeau, donne un long article consacré à T.S. Elliot. Il y évoque notamment les raisons pour lesquelles T.S. Eliot ne serait et ne pourrait être un écrivain populaire.

« (il) ne sera jamais un poète populaire.
Non que le grand public soit tout a fait imperméable à une parole qui serait à la fois forgée par Valéry, Claudel et Michaux, non même que cette poésie soit, comme celle de Mallarmé par exemple, difficilement accessible.
Eliot parle au contraire simplement et sans prétention, mais ce qu’il dit a moins d’importance que ce qu’il cache et, qui veut comprendre son œuvre, en percer les intentions, en saisir les allusions et en compléter les ellipses, doit posséder une somme de connaissances extraordinaire.
Nous n’avons pas en lui une âme qui se met à nu, le chantre d’un milieu, d’une époque ou d’une civilisation, bien qu’il puisse être considéré sous chacun de ces angles, mais quelqu’un qui assume toute l’histoire de l’humanité, des origines à nos jours, qui la suppose connue au même degré par le lecteur et constamment présente à son esprit.
Il a voulu s’insérer dans une tradition appréhensible par la seule poésie et qui comprend l’Orient, la Grèce, Rome, Jérusalem, l’Occident et, pans cet Occident, aussi bien la lignée anglo-saxonne que la latine. Il a déclaré que ses premiers poèmes procédaient à la fois de Jules Laforgue et du théâtre élisabéthain, mais on retrouve chez lui des parentés avec Whitman, Edgar Poe, Shakespeare, Milton, Dante, Nerval, Mallarmé, Proust, tandis que son apport personnel a été comparé à celui des futuristes russes ou de Dada.
Terme de la poésie de son époque, sa création est jugée si neuve qu’elle influence la jeune poésie anglaise depuis vingt ans. en présence de cette œuvre, mince par le volume mais de dure consistance, violente et contrastée, allusive et elliptique, l’intuition, le cœur, l’intelligence, le savoir sont mobilisés et, dans l’impossibilité de se tenir constamment à hauteur du modèle, on doit se contenter, pourtant, de la plus vague des critiques impressionnistes.
Eliot, par sa poésie, touche les gens que ses théories rebutent le plus. Personnellement, nous ne nous sentons guère attiré vers quelqu’un qui formule sur lui-même des définitions de ce genre : « ma position est celle d’un catholique en religion, d’un royaliste en politique et d’un classique en littérature », ou qui, descendant dans l’arène, déclare : « pour ma part, une bonne politique implique une bonne théologie, et une économie aine est en fonction directe d’une ne. Consciemment et volontaire- bonne morale ».
Ses théories poétiques, elles-mêmes vont à contrecourant des conquêtes de la poésie moderne qui a voulu être voyance et connaissance, « dérèglement des sens », création d’émotions nouvelles, vie véritable substituée à la vie quotidienne, cri d’amour, de haine ou de désespoir, prophétie : « L’affaire du poète, écrit Eliot, n’est pas de trouver des émotions nouvelles, mais d’utiliser les émotions courantes, et, les œuvrant poétiquement d’exprimer des émotions qui ne se trouvent pas dans ses sentiment.
Une grande part de l’acte poétique doit être consciente et volontaire. La poésie n’est pas l’expression d’une personnalité mais évasion à partir de cette personnalité… »
Paul Valéry a dit quelque chose d’approchant et s’y est tenu. En ce qui concerne Eliot, ces déclarations n’ont aucune importance, sa poésie les faisant éclater sur toutes les coutures.

son langage qu’il voulu le plus près possible du langage parlé. C’est même en cela qu’il lait résider sa révolution poétique : user du parler commun, seul moule à un moment donné de la sensibilité d’une époque. Pour Eliot, il n’existe pas, a proprement parler de langage poétique, la prose la plus prosaïque devenant poésie pour peu que le poète l’anime de son rythme :

« La vaisselle du breakfast tinte dans [les sous-sols Et le long des trottoirs piétinés de la grue J’ai conscience que l’âme humide des [servantes Perce languissamment aux entrées de service…» (Matin à la fenêtre).

Poème au titre italien (Deux des trois strophes Traduit par Jean Wahl) :

LA FIGLIA CHE PIANGE (la fille qui pleure)

Tenez-vous sur la plus haute marche de l’escalier —
Penchez vous sur l’urne du jardin —
Tissez, lissez le rayon de soleil dans vos cheveux —
Serrez les fleurs sur vous avec une surprise douloureuse
Jetez-les vers le sol et détournez-vous
Avec un ressentiment fugitif dans vos yeux :
Mais tissez ; tissez le rayon de

.           … et pleurant,
C’est ainsi qu’il serait parti
Comme l’âme laisse le corps meurtri et déchiré,
Comme l’esprit laisse le corps dont il a usé.
Je trouverais
Une voie très légère et habile,
Une voie que nous comprendrions tous deux,
Simple et sans foi comme un sourire et un serrement de main
….

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Le poème en anglais, les trois strophes, lue ici par T.S. Eliot lui-même.

3 Janvier 1892 …

… nait celui qui fera revivre le conte, que l’on écoute lorsque la nature est en sommeil, au coin du feu, ainsi que les légendes qui le sous-tendent, et qui donnera à rêver : tranquillité, menace, combats, amitié et bien sur, magie, à des millions d’humains de tout âge.

John Ronald Reuel Tolkien, est connu comme romancier, auteur de la célèbre trilogie du Seigneur des Anneaux. Mais il est aussi poète. On pourrait presque dire surtout poète. Car si l’on trouve des vers dans son œuvre majeure, sa prose est également très poétique autant dans ses thèmes que dans son style.

Un passage entier du premier tome du seigneur des anneaux a été retiré dans le film de Peter Jackson.
C’est précisément parce qu’il aurait fallu traduire en image ce chapitre dont la poésie déborde largement la chanson du personnage étrange qui lui donne son titre.

Tom Bombadil

Holà ! Viens gai dol ! derry dol ! Chérie !
Légers sont le vent du temps et l’étourneau ailé.
Là-bas sous la colline, brillante au soleil,
Là est ma belle dame, fille de Dame Rivière,
Mince comme la baguette de saule, plus claire que l’onde.
Le vieux Tom Bombadil, porteur de lis d’eau,
Rentre de nouveau en sautillant. L’entends-tu chanter ?
Holà ! Viens gai dol ! derry dol ! et gai ho,
Baie d’or, baie d’or, gaie baie jaune, oh !
Pauvre vieil Homme saule, retire tes racines !
Tom est pressé à présent. Le soir va suivre le jour.
Tom rentre, porteur de lis d’eau.
Holà ! viens derry dol ! M’entends-tu chanter ?

C’est dans la demeure de cet être-universqui est à la fois au-dessus et en dehors de tout ce dans quoi se débattrons les divers êtres de la terre du milieu – que la communauté de l’anneau va rencontrer Baie d’Or, fille de la rivière. (« merveilleuse et pourtant point étrange » une belle définition de la poésie … lorsqu’elle touche celui qui l’écoute ou la lit)

— Belle dame Baie d’Or ! dit enfin Frodon, le cœur gonflé d’une joie qu’il ne comprenait pas.

Il se tenait là, comme il lui était arrivé parfois de rester, enchanté par de belles voix elfiques ; mais le charme sous lequel il se trouvait à présent était différent : le plaisir était moins aigu et moins sublime, mais plus profond et plus proche d’un cœur de mortel ; merveilleux et pourtant point étrange :

— Belle dame Baie d’Or ! répéta-t-il. À présent, la joie cachée dans les chants que nous entendions m’est rendue claire.

Ô toi, svelte comme une baguette de saule !
Ô toi, plus claire que l’eau claire !
Ô toi, roseau pris du vivant étang ! Belle fille de la rivière !
Ô toi, printemps et été, et de nouveau printemps après !

Il s’arrêta soudain et se mit à bégayer, succombant à la surprise de s’entendre prononcer pareilles choses. Mais Baie d’Or rit.

Ô toi, vent sur la cascade et rire des feuilles !

Il existe des poèmes qui ne sont pas dans les romans publiés par Tolkien, certains n’ont été édités qu’après sa mort. C’est le cas de la version ultime de ce texte, emprunt de la nostalgie qui habitait Tolkien, écrit initialement dans la langue qu’il a inventé.

La dernière arche 

Qui verra un vaisseau blanc
quitter le dernier rivage,
les pâles fantômes en son sein froid
telles des mouettes qui gémissent ?

Qui remarquera un vaisseau blanc,
léger comme un papillon
dans la mer qui monte,
sur des ailes telles des étoiles,
la mer qui enfle,
l’écume qui souffle,
les voiles qui brillent,
la lumière qui s’évanouit ?

Qui entendra rugir le vent
telles les feuilles des forêts ;
les rochers blancs qui grondent
dans la lune qui scintille,
dans la lune qui décroît,
dans la lune qui tombe,
une chandelle-cadavre ;
le tonnerre qui murmure,
l’abîme qui remue ?

Qui verra s’assembler les nuages,
les cieux qui se penchent
sur les collines qui s’effondrent,
la mer qui se soulève,
l’abîme qui bâille
les ténèbres anciennes
au-delà des étoiles qui tombent
sur des tours effondrées ?

Qui remarquera un


dans le dernier matin ?

Qui verra le dernier soir ?
     

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Une poésie simple, celle des Hobbit, cette simplicité qui permettra à Frodon d’éviter la tentation du pouvoir. Cette simplicité qui permet de voir, d’entendre, de sentir et de toucher, tout ce qui donne au monde forgé ou non par la main de l’homme, ses sons parfois musique , ses odeurs parfois parfum, ses formes et matières, parfois caressantes, accueillantes… blessantes.

La route se poursuit sans fin.
Descendant de la porte où elle commença.
Maintenant, loin en avant, la route s’étire.
Et je la dois suivre, si je le puis
La parcourant d’un pied avide,
Jusqu’à ce qu’elle rejoigne quelque voie plus grande
Où se joignent maints chemins et maintes courses.
Et vers quel lieu, alors ? Je ne saurais le dire.
Dans l’âtre, le feu est rouge,
Sous le toit, il y a un lit ;
Mais nos pieds ne sont pas encore las,
Nous pouvons encore rencontrer derrière le tournant
Un arbre soudain ou une pierre levée
Que nul autre n’a vu que nous seuls.
Arbre, fleur, feuille, herbe,
Qu’ils passent ! Qu’ils passent !
Colline et eau sous le ciel,
Passons-les ! Passons-les !

Encore derrière le tournant peut attendre
Une nouvelle route ou une porte secrète,
Et, bien que nous les passions aujourd’hui,
Demain nous pouvons revenir par ici
Et prendre les sentiers cachés qui courent
Vers la lune ou vers le soleil.
Pomme, épine, noix et prunelle,
Laissons-les ! Laissons-les !
Sable et pierre, étang et combe,
Adieu ! Adieu !

La maison est derrière, le monde devant,
Et il y a bien des chemins à parcourir
À travers les ombres jusqu’à l’orée de la nuit,
Jusqu’à ce que les étoiles soient toutes allumées.
Alors, monde derrière et maison devant,
Nous reviendrons vers la maison et le lit.
Brume et crépuscule, nuage et ombre,
S’évanouiront ! S’évanouiront !
Feu et lampe, et viande et pain,
Et puis au lit ! Et puis au lit !

22 Décembre 1876 …

… une mère qui aimait lire des poèmes, mis au monde le futur auteur de poèmes

dont on peut penser que les plus virulents n’était pas dans la ligne de ceux qu’elle appréciait.

Pour définir le futurisme qu’à fondé Filippo Tommaso Marinetti, plutôt que d’en développer le manifeste, je choisis ici de présenter le manifeste de ceux qui était totalement et résolument opposé à ce courant de pensée et à ses conséquences pour l’art notamment.

profession de foi des Primitivistes

Sans condamner le futurisme, l’article qui suit, du Mercure de France de janvier 1914 (alors même que l’on s’approche sans le savoir du premier grand conflit mondial) lui reproche des défauts symétriques à ceux du romantisme.

A cette époque de plénitude impatiente, à cette heure de vie exacerbée, de tumulte, de gestation, où l’être se transhumnane*, où la matière elle-même semble « se hausser jusqu’à la conscience », où une sorte de sens œcuménique nouveau naît dans l’homme, il semble que la poésie lyrique, encore plus que tous les autres arts, se tende violemment vers un pathétique encore inédit, vers une expression paroxyste et suraiguë de ce monde moderne où l’homme délivré enfin de lui-même se sent  potentiellement un Dieu.
Le Futurisme, en ce qu’il a de bon en soi, est né de cette aspiration ; mais du seul fait qu’il se dénomme Futurisme, il donne trop l’impression d’être hors de notre époque; il paraît, à tort ou à raison, une abdication du présent.
Le Romantisme était une fuite dans le, passé; le Futurisme semble une fuite dans l’avenir. Tous deux se rejoignent hors la vie, dans un domaine vague, celui de la mort pour le Romantisme, celui de l’imprévisible, du devenir, de ce qui n’est pas encore, pour le Futurisme.
Le Futurisme déserte ainsi la communauté vivante pour le domaine des abstractions. Il fait alors figure de « nuée » esthétique, et apparaît une formule purement verbale. A autre chose de réel et de concret correspond l’effort des lyriques actifs — qu’importe l’étiquette qu’on leur accole ?
*

*A notre époque on parle de transhumanisme.
** Il y a là comme une prophétie annonciatrice de l’ère du numérique (abstraction ultime)

Vue de l’Italie même, la proposition de Marinetti est bien différente.
On y voit favorablement un projet permettant de réveiller un pays endormi sur son passé.

Le Futurisme apparaît en somme à qui le regarde au point de vue italien comme la réaction nécessaire à ce culte effréné et idiot de l’ancien, à cette mollesse et couardise de sentiments, à ce mépris de la modernité dont notre milieu intellectuel était saturé et qui le conduisait à un épuisement ennuyeux et humiliant.
F.-T. Marinetti rappelait aux jeunes Italiens que les nations ne se nourrissent pas uniquement de souvenirs et de regrets et que même dans l’art il faut avoir le courage de quitter les continuations et les imitations pour créer quelque chose de nouveau et d’inédit.

Le texte du manifeste. Paru dans « le Figaro » qui présente Marinetti comme « le jeune poète Italien et Français« 

Un échantillon du progrès en marche de Marinetti :

Le 20 Décembre 1905 …

… décède un homme de lettres,

Moins connu pour ses poèmes que pour ses articles dans le Figaro.

Si l’on trouve des traces de Amédée Pigeon dans la vie littéraire française, ce n’est qu’à propos de son roman « Une Femme jalouse » qui figura dans la dernière sélection (30 auteurs et oeuvres) du « Prix des méconnus« .
(L’illustration plus bas le montre assez isolé de ses « collègues », il n’est pas vraiment avec eux.
Seule la mise en flou des autres le fait exister un peu.
l’original -)
On peut cependant trouver quelques uns de ses poèmes dans le troisième volumes de la publication « le Parnasse contemporain« 

Celui-ci est un sonnet - pour un amour passé - il ne nous surprend guère …  quoique, le dernier vers…

Ce matin, triste et seul, quand j’ai rouvert mon livre,  
Il était plein de fleurs et de plumes d’oiseaux,
Rappelez-vous nos jeux parmi les grands roseaux
Et le temps où deux mots de vous me faisait vivre.

Près de l’étang fleuri vous me laissiez vous

… les foins dont la senteur enivre.

Loin de vous, dans les bois, j’allais aussi m’asseoir,
Commençant des sonnets que j’achevais le soir,
Pensant à des baisers comme on pense à des crimes.

Hélas ! tout mon bonheur est parti par lambeaux ;
Je n’aime plus ces vers que je trouvais si beaux,
N’ayant plus vos grands yeux où je cherchais mes rimes.

(Pour lire plus rapidement la grille de lettre, cliquer ici)

19 Décembre 1952 …

… à Villejuif est décédé le poète Jacques Dyssord




qui, après avoir connu le succès et la reconnaissance de ses pairs, a eu le tort de participer sous l’occupation à des journaux favorables à l’envahisseur comme l’APPEL ou La FRANCE AU TRAVAIL (devenue par la suite LA FRANCE SOCIALISTE)
Ce qui lui a valu d’être interdits par le Comité national des écrivains et l’a contraint à se retirer de la vie littéraire

A lire, à propos de la critique d’un de ses livres, l’opinion que le rédacteur de l’article a de Jacques Dyssord, il est difficile d’imaginer sa collaboration au régime de Pétain … et pourtant.

Jacques Dyssord a gardé du post-romantisme le goût de la canaille. Une culture vaste et sans affectation. Une quotidienne simplicité. Un goût profond de l’art d’écrire, et, derrière un parti pris apparent, une pudeur, qu’il aime à vaincre et à humilier.
 Par le miracle du don qui fait de Jacques Dyssord un poète, ainsi que le dit Billy, « il réussit à ne pas s’encanailler ». A moins que, au contraire, il faille écrire que << l’auteur ne réussit pas à s’encanailler ». Dans tous ses livres, nous retrouvons cette  allure, ce chic de seigneur né. cette ironie que voile une tendresse enfantine.
 Dès les premiers recueils de poèmes, Dyssord s’imposa. Sa muse avait des accents personnels, graves, amers. C’étaient Le dernier Chant de l’intermezzo, On frappe à la porte, Tropes.
 Puis, Jacques Dyssord commença son œuvre de romancier. Il s’attacha à la peinture des milieux interlopes, des bars, des petites poules. Il découvrit le Montmartre d’après la guerre avec acuité et nonchalance. Il y a, dans ces romans, du Carco et aussi du Duvernois : de la brutalité et de la tendresse
 apitoyée. Ce sont : La Paroisse du Moulin-Rouge, Charlie chasseur, Les Faisans, L’Amour tel qu’on le parle.
 Essayiste, historien, nous lui devons un livre charmant sur un homme qu’il comprit bien : L’Aventure de P.-J. Toulet, gentilhomme de lettres, et puis Joë, ou la découverte du vieux monde, une Ere amoureuse de la Dame aux Camélias, un Steinlen, un essai sur le journalisme : La Confrérie de la dernière heure.
 Il y a, disait quelqu’un du moraliste, chez Dyssord. Possible.. Mais il me semble surtout un esprit curieux de la misère humaine, souvent attendri, fraternel, compréhensif des faiblesses de ses semblables.  C’est cette pitié qui donne sa signification au nouveau livre de Ucques Dyssord : Londres secret perditions de la Madeleine.
 C’est un reportage documenté, comme celui qu’il fit dans les bagnes d’enfants. C’est une peinture fidèle du « milieu londonien », de la pègre qui fit la gloire spéciale de Whitechapel, aujourd’hui hui embourgeoisée. Si Whitechapel est composé de paisibles rues modernes, il demeure encore un Londres secret, celui de Limehouse, de West-lndian rad. Jacques Dyssord nous y fait pénétrer avec cette puissance d’évocation, cette simplicité vraie qui est l’art du poète.
 Un joli livre, édité avec soin sur un milieu peu connu.
 J. C.

On reconnaissait donc à cette date (27 Novembre 1932) la qualité et même le naturel (si tant est qu’il existe) de poète.
Goutons voir quelques uns de ses vers …

LA PARABOLE DU TEMPS PERDU

FRAGMENTS

I
Don Juan qui fil sauter la banque
Dans ce tapis franc de pipeurs,
Sent qu’à la fin le cœur lui manque
Et tend les dés au commandeur.
Quand s’allumèrent les persiennes,
Ne resta-t-il pas trop longtemps
Quelle des ombres était la sienne
A chercher des derniers passants?
Qu’à ces travestis qui lut plurent
Et ces vices mal dévêtus
Ne préféra-t-il l’aventure
Du dernier vous au premier tu?

II
Qu’espère son âme incertaine
Des courants d’air d’un carrefour
Où ne se

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      … à la rhétorique
D’un pardon offert à pleins bras,

A moins, titubant sous l’armure,
Ivre de n’avoir pas vécu
Que la combien triste figure
D’un Don Quixotte saugrenu?

18 Décembre 1907 …

… Il est des poètes passé dans l’ombre – ce lieu où (pour ce qui est de la poésie) la seule clarté est celle des amis – qui trouvent une nouvelle … compréhension de leurs œuvres, quelque temps après leur disparition (ce fut le cas de Baudelaire et de Rimbaud)

Il n’est pas impossible que Louis Guillaume soit un jour de ceux-là. Les raisons même de son oubli relatif sont celles qui voient son retour dans nombre de publication actuelles.
Ces raisons nous pouvons les trouver dans la présentation et appréciation d’un de ses premiers recueils (Piliers de l’oubli) par Léon Gabriel Gros, dans la revue Les Cahiers Du Sud.
Article sans concession qui évoque à la fois les qualités de cette production de Louis Guillaume et les imperfections, insistant sur le fait que le poète suit un chemin, une quête, qui ne sacrifie rien ni au conservatisme, ni à la modernité ambiante.

Louis Guillaume dont Coffret sous cendres et Occident comptent parmi les recueils les plus directement humains des deux dernières années s’affirme une fois de plus avec Piliers de l’oubli comme un des chercheurs de sa génération. Les connaisseurs professionnels souriront sans doute de ce terme car en dépit de son vocabulaire, nul ne répond moins que Louis Guillaume aux exigences du conformisme d’avant-garde.
Aussi bien n’a-t-il guère frayé avec les éditeurs de jeunes revues dont la luxueuse présentation typographique n’a d’égale que l’indigence spirituelle, ni fréquenté les cercles où s’élaborent les réputations, il n’a jamais perdu contact avec une certaine réalité populaire et provinciale et s’il a milité ce fût aux côtés de Luc Decaunes dans l’admirable revue de combat que furent les cahiers de Soutes dont les erreurs mêmes par leur générosité auront, sinon réveillé le public des travailleurs contaminé par les sous-produits d’une basse littérature bourgeoise, du moins incité quelques jeunes poètes à prendre conscience de leur devoir envers leurs contemporains.
Guillaume a ainsi échappé au narcissisme des surréalistes de deuxième zone, aux tentations d’une perfection toute formelle qui nous vaut une manière de Parnasse.
Entre ces deux dangers, dont les manifestations sont éclatantes dans la plupart des plaquettes ou revues actuelles, Guillaume s’est efforcé de suivre sa voie. Il aurait pu le faire comme tant d’autres en se lançant dans ces pédantes dissertations politico-philosophiques qui constituent l’itinéraire de fuite de tant de nos intellectuels, il a préféré remplir pleinement sa mission de poète qui est de servir l’homme en l’enchantant de la mélodie d’un cœur simple, en lui révélant les visions d’un monde qui peut être à tous, en l’empêchant perpétuellement de dormir, de s’illusionner sur la portée réelle d’une action soi-disant concrète.
Ces intentions nous valent une œuvre disparate au premier abord et qu’une critique purement littéraire pourrait aisément condamner. Il ne faut pas, en effet, demander pour l’instant une perfection absolue à un poète comme Louis Guillaume gêné par une matière trop riche qu’il ne possède pas encore pleine ment. Son esthétique est une esthétique de l’approche qui a toutes les hésitations d’une prise de contact. Libre à chacun de lui préférer ces horticulteurs de terres depuis longtemps conquises et à qui un peu d’habileté renforcée de quelques lectures suffit pour forcer des fleurs éclatantes parfois, mais aussi sans parfum.
Pour ma part, je tiens à signaler le lyrisme ravagé de Guillaume. Il occupe péniblement un terrain bouleversé, ingrat, jonché de scories et par endroits des épaves de la pire poésie. On mesure à le parcourir toute la différence qu’il y a entre une serre et un champ de bataille. La zone où progresse Guillaume d’informes débris l’encombrent encore depuis les cuivres cabossés de la fanfare romantique jusqu’aux cuisines roulantes du surréalisme en passant par les cuirasses de parade parnassiennes.
Le merveilleux est précisément que Louis Guillaume ne se soit pas spécialisé dans un genre. Nul n’est moins monocorde que lui, moins mesquinement original. Si l’on petit discerner une unité en son œuvre, elle n’est point extérieure, mais se dégage de sa mentalité de Celte.
 
Il suffit que tu avances
Sur le seuil de la falaise.
Pour qu’un oiseau de neige
Incline sa balance.
Guillaume ne se place pas d’emblée dans un climat déjà poétique, ne se donne pas les facilités qui consistent à traiter des thèmes dont il est convenu une fois pour toutes qu’ils sont ceux du lyrisme de haute volée, il aborde au contraire les réalités les plus quotidiennes et s’efforce d’en dégager le sens durable :
Bras du pain frais passé entre les grilles,
Carde du pot à lait et de la boîte aux lettres.
D’éléments aussi bassement coppéiens, de thèmes volontairement sordides, il extrait l’essence même de son inspiration :
Choses qui vous résignez à n’être que des choses,
Hommes qui n’avez pour amis que des hommes,
Toute la misère nage dans l’automne
Et sur la berge nous restons
Riches du souvenir des arbres.
Les images même qui entraînent une évasion sont éminemment concrètes :
Toi, ta laisses la vie à ceux qui restent,
Mère de ma mère,
Sous cette grisaille, tu reposes,
Tu t’enfonces
Comme un trépied froid dans la cendre.
Guillaume est aussi capable de s’exalter sur un « Déménagement » que de nous conter l’étonnante aventure de « La race bleue » ou de « Soumise », la ville souterraine où « les murs sont remplacés par des paumes de jeunes filles » :
Un troupeau de chevreaux
Avance sur la pointe des pieds.
Un tissu de clochettes
S’interpose entre la fleur et l’âme.
Je ne prétends pas que Louis Guillaume soit le meilleur de nos jeunes poètes. Je l’estime précisément parce qu’il a le courage de ne pas prétendre aux premières places dans l’ordre littéraire, parce qu’il préfère s’attaquer, comme l’on dit vulgairement, à un morceau difficile, le réel même en toute sa complexité, son étrangeté au sens fort du mot, plutôt que d’ouvrir les écluses d’une féerie intérieure qui se traduirait par une construction verbale plus capable sans doute de séduire les tenants de la poésie dite pure que sa démarche à lui maladroite, impossible mais engluée de la glaise originelle.

Ce que tente Guillaume peut-être par atavisme, c’est ce qu’ont tenté les lyriques irlandais, cette poétisation du monde qui n’a rien à voir avec les interprétations du monde extérieur aujourd’hui mental à quoi aboutissent les entreprises de toutes les écoles françaises.
Cette poésie est précisément celle qui s’adresse à un public non de connaisseurs, mais d’hommes de tous les jours. Elle propose moins une méthode de pensée logique ou de rêve que les données d’une expérience où le plus humble lecteur peut retrouver un souvenir de la sienne, en quelque sorte une clef du temps perdu.
Elle ne prétend pas au symbole, elle ne veut être qu’un objet-prétexte et du moment qu’elle obtient ce résultat, qu’elle ressuscite un moment vécu, il serait vain de la juger du point de vue d’une perfection formelle dont elle ne s’est à aucun instant souciée.

Au fil des années, en parallèle avec sa mission d’enseignant, puis de directeur de collège, Louis Guillaume affinera sa « façon ».
Un épisode particulier aura lieu quelques années après sa retraite (à 55 ans), « pendant cent quatre-vingt-sept matins de suite, au réveil (du début janvier à la fin du mois de juin), le poète transcrit dix-huit vers comme sortis d’une révélation de la nuit : journal d’une ténèbres intérieure d’où naissent les clartés essentielles. »

A défaut de pouvoir donner un des textes issu de cette « expérience » (recueil « Agenda« )
Un poème cité dans un ouvrage qui est consacré, par la à Louis Guillaume et dont le titre est « étrange forêt »

  LE DANSEUR VERT


       « The King of Terrors is the Prince of Peace. »
                     YOUNG.

Un danseur dans la fournaise
piétine les feuilles mortes.
La patine de son corps
ruisselle du sang des jours.
Dans les cours des grandes villes
dans l’or des puits de campagne
les insectes se souviennent
de son multiple visage.
Un orgue de Barbarie
songe aux quartiers de l’enfance.
La chanson la plus lointaine
est froide comme la lune.



Est-ce vous guetteurs des ruines
embrassant de vos racines
les éboulements secrets
qui continuez la ronde
sur les remparts des nuages?
Danse mâle aux reins galbés
des crépuscules de fièvre
danse des copeaux de feu
cernant les ferreurs de roues
à l’horizon calciné
l’orage s’accroche aux croix
et ce cuivre dans le ciel
sonne la joie des cuisines
chante à l’orient pourri
les bûchers au bord des fleuves.



Tête tranchée vive à Vêlai
piquée de mouches bleues
un colchique au fond des prunelles
Rapace duveté de flamme
cloué à l’orée du village
des bris de lune dans les yeux
Crucifix d’épine et de rouille
l’amour aux vivants proposé
nourrit l’ortie des cimetières.



Danseur Vert tu prends ma main
tu me conduis au destin
qui ressemble à ce que j’aime.

Danseur Vert ta main se ferme
comme celle de mon père
à jamais crispée sur le drap.

Danseur Vert tu tends un lotus
partout sur le ventre des morts
ta cloche tinte



Les volets filtrent ce visage
modelé de lumière accrochée aux pavés
de lueurs au niveau des tuiles
les volets de la nuit qui laissent passer l’heure
laissent venir le visiteur.

Du pied des meubles sans défense
au plafond qui soudain s’entrouvre
il déploie sa peur obscure
il se casse à l’angle des rêves.

Et sa main qui se détache
telle une feuille d’hiver
sur tous les chemins de terre
devient danseuse elle-même.



Aux confins de la forêt
sentant qu’il va rencontrer
celui qui le recherchait
l’évadé s’arrête et pleure.

Il devine sa ferveur
il connaît déjà son nom
qu’il prononçait autrefois
en souriant aux ténèbres.

O miracle millénaire
sachez que cela sera
tant que danse et dansera
dans le sang le danseur vert



Parce que tu es là
c’est la joie que je trouve
parce que tu es là
l’ombre devient lumière.
Mourir n’est plus quitter la vie mais te quitter
vivre n’est plus courir mais t’attendre.
Tu es la

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        …à se flétrir.
Ton doigt levé arrête le bal
ton regard suspend l’archet.
Grâce à toi je sais l’amertume
d’avoir été jeune sans te connaître
la douceur de vieillir en te suivant.
Mes gisants se lèvent mes pierres parlent
mes arbres morts bourgeonnent, grâce à toi.
Tout amour devant tant d’oubli
tu pries par ta seule présence
et sans faillir tu m’offres le bouquet fragile
de ta main qui retient la fraîcheur de la nuit
et la chaleur des jours qui ne sont que vécus.

Je puis partir parce que Tu es là.


Le livre est préfacé par la Psychanalyste Anne Clancier qui évoque une des sources d’inspiration de Louis Guillaume.

Il a passé son enfance à l’île de Brêhat, c’est dire que ses premiers regards ont été pour la mer, le ciel, les nuages , les rochers, mais aussi les prairies les plantes et les bois qui parsèment l’île.
(…/…)
 On peut dire qu’il s’est structuré autour des quatre éléments : la terre, l’eau, l’air et le feu.
(…/…)
Il n’est pas de recueil de poème de Louis Guillaume qui ne consacre un texte ou un fragment de texte aux arbres. Le poète a dit lui-même que ses deux poles de son inspiration sont l’arbre et la mer


Ici, tu rencontreras un peu de poésie, de toutes sortes, ancienne (très ou peu), contemporaine (proche ou à peu proche)
mais aussi un lieu où tu ne pourras pas « bruler les mots » de ton regard (emprunt à Lucien Suel « La théorie des orages« ) il te faudra alors (#SlowReading) choisir …
prendre le temps de chercher ton chemin parmi les lettres enfermées dans la grille
– cliquer sur le lien qui te donne le chemin des lettres
– passer ton chemin

17 Décembre 1948 …

… un poète est né ce jour qui porte le mot, de la plume et de la voix.

Les performances de Lucien Suel sont des parcelles de temps et d’espace habités et parcourus par une poésie qui sort des rails où se perdaient parfois son contact avec la/les Muse/s.

(réponse à la question : Oui … l’inscription dans la réalité bancaire … oui)

Poète, romancier, jardinier Lucien Suel a travaillé les mots de la même manière que certains travaillent la terre, en explorant toutes possibilités permettant de « mettre de l’ordre dans le chaos« 

Il est aussi le créateur de quelques « personnages »
tels que La limace à tête de chat

Ou encore Mauricette héroïne de son second roman « La patience de Mauricette » et que Lucien fait revivre de temps à autres sur son blog SILO

répondant en cela à la demande exprimée par exemple ici

Extrait du poème « Mauricette à Vélo » (Recueil « Je suis debout »)

Sur la route à la brune entre Haverskerque et Guarbecque.
Traverse des effilochures de brume respiration du marais.
Mains serrées autour des poignées de plastique bleu pétrole.
De la force des mollets le cerveau transmet aux pédales pédalier chaîne dents de la roue libre moyeu jante et pneu.
 
Le caoutchouc frottefrotte la molette crantée de la dynamo.
Shhuintronronnement mécaniquement produit d’énergie humaine.
Lumière jaune devant rouge petit point tremblotant derrière.
La selle de cuir dur enveloppée dans un torchon à carreaux noué sous les ressorts pour améliorer le confort du siège.
 
Au bord de la jupe genoux ronds se frôlent au-dessus du cadre.
Tout le mouvement des muscles jumeaux des mollets fabrique transportsécurité rendementefficacité déplacementlumière.

De chaque côté du vélo maisons fenêtres bleuies par la maladie de télévision incurable cancerahlzeimer d’enfance à mort.
Voitures stationnées jusqu’à l’aube prochaine se pelliculant fin voile de buée et de molécules chimiques carbone et plomb.
Vélo immobile c’est le macadam un tapis autour de la terre.
 
Debout sur les pédales cheveux soulevés par la brise à l’aube à la nuit tombante au soleil en route infiniment direction paricilà droit devantderrière en rond en ronde toutoujours rouleroute parfum de sueur odeur d’éther retour en route sans fin sur soi-même éternel là-bas à rebours sur la route erout al rus…




Dernièrement, Lucien Suel a publié un roman , un roman de poète.


et l’ensemble de ses 1000 -500 « Poèmes Express« 

Le 16 Décembre 1877 …


Ce n’est pas la date de naissance de Dominique Hasselmann
domicilié en ce lieu parisien où nous est proposé de temps à autres (une fois par mois) des « poèmes télégraphiques (le plus récent) et qui a publié aux éditions publie.net un recueil de 140 petits poèmes en prose

Tunnel des fêtes où les cadeaux sont les wagons verts, rouges et dorés des échanges codifiés par le système marchand.

…mais c’est bien un 16 décembre que ce grand admirateur de la tour Eiffel est né. Souhaitons lui un bon anniversaire.]


… Ce jour est celui où est né Lucien Banville d’Hostel, poète longtemps de sensibilité anarchiste bien qu’aristocrate.

Sa participation à un mouvement qui vise à revitaliser la poésie et à choisi un nom particulièrement ambitieux (le) « Mouvement Visionnaire ». Un article de « La Revue » traite de cette apparition dans son édition du 15 juillet 1908, Lucien Banville d’Hostel a alors 30 ans, il est le premier dont Gérard de Lacaze-Duthiers, auteur du texte fait le portrait.

Il y a du nouveau dans la jeune littérature : une école poétique vient de naître. Elle est parfaitement constituée. Elle a un but, des idées, un programme. Sans doute, les jeunes « visionnaires », partisans avant tout de la liberté en art, se défendent d’avoir voulu fonder une école. Ils savent combien il est grotesque de s’enrégimenter! Mais s’ils évitent de tomber dans les excès de leurs aînés, ils pensent non sans raison qu’il est nécessaire, entre écrivains d’aspirations communes, de se grouper, de se rapprocher
pour imposer plus facilement leurs idées. Le défaut de la jeune littérature, c’est en effet le manque d’union. On tombe d’un excès dans l’autre: sous prétexte de ne plus fonder d’écoles, on s’isole.
Chacun vit à part. Ce que l’on souhaitait vivement, depuis quelques années, c’était la fin de cet individualisme exagéré, aussi nuisible que les cénacles et chapelles. On allait même jusqu’à regretter les anciens sous-sols où poètes et artistes fraternisaient.
Depuis-les fameuses soirées de « La Plume », qui groupèrent un moment l’élite de la jeunesse littéraire, il n’y avait plus rien.
Or voici qu’une réaction commence à se produire. Déjà, les poètes du groupe de «L’Abbaye » affirmèrent la nécessité de mettre leurs efforts en commun. Avec les «visionnaires » et «aristocrates », cette tendance s’accentue encore. Il y a là un
effort vers l’art et la beauté dont l’extrême originalité mérite d’attirer l’attention. On se rend compte des dernières tendances en art en étudiant l’œuvre collective de ces nouveaux venus.
Quelques-uns d’entre eux ont le privilège de représenter plus exactement les tendances générales du groupe, tout en conservant leur originalité et leur personnalité, qui ne sont pas des moins intéressantes.
Banville d’Hostel est un visionnaire qui n’a pas renoncé tout a fait aux formes
antiques pour exprimer des idées modernes. Son vers est correct, sobre. Il n’a rien
d’académique pourtant ; il correspond à un enthousiasme réfléchi, qui maintient le
poète dans la tradition romantique, tout en l’autorisant à s’affranchir de certaines
règles trop étroites. C’est le plus classique des aristocrates. Normand, il a toutes les
qualités de sa race : l’entêtement, l’obstination.
De nombreux voyages à l’étranger, en Angleterre, en Allemagne, en Belgique, Italie, ont formé son esprit en l’initiant à toutes les formes de beauté.
Banville a-t-on écrit quelque part, est surtout le poète de l’action intérieure, il chante les espérances et les misères stoïquement supportées, les âmes emportées dans l’immense houle battant aux portes de l’idéal. Il cherche à quoi sert la vie? où elle va où elle porte les hommes ? » L’Elu, Epitaphe froide, La Ballade du pauvre incompris, le Saint, La Carmélite, sont les plus caractéristiques de ses poèmes philosophiques.

Courageusement, ces jeunes poètes sont allés voir l’un de leurs ainés, Anatole France, pour lui demander son avis, après lui avoir exposé leur but et les valeurs qui le sous-tendait
Voici sa réponse

« Mais… cela me semble curieux et neuf… Vous avez constitué l’Ecole des «Visionnaires». C’est bien, c’est bien. Mais il y a autre chose que j’aime mieux dans vos projets : vous voulez intéresser le peuple, le peuple des métiers, à un mouvement d’art. Vous avez raison.
II y a longtemps que des jeunes s’acheminent pour causer avec lui : ils ont dû s’arrêter en route. Le peuple ne les a pas vus… Je veux être de vos amis… »

La revue mensuelle, « La Foire Aux Chimères« , qui porta ce groupe de poètes qui comportait également un sculpteur et un peintre, n’a parut que deux années, on y trouve de nombreux poèmes de Banville d’Hostel, dont celui-ci

Il avait des pensers aux ailes séraphiques,
Et son cœur pur était comme un doux reposoir
Fait de printemps fleuri tout grisé d’ostensoir,
Offert éperdument à la vierge biblique.

Et ses yeux, tout en haut de son long spectre noir,
Ses yeux d’illuminé abreuvés de cantiques,
Ses beaux yeux fous d’éther à la flamme extatique,
Brillaient du feu sacré des cierges dans le soir.

Mais la mort, en passant par le froid presbytère,
D’un geste maternel a scellé ses paupières.
Ses yeux n’auront rien vu de ce triste milieu.

Holà ! les

               … bleu

(Pour lire plus rapidement le contenu de la grille, clique ici)

15 Décembre 1904 …

… Paul Eluard, évoqué hier (dans ce lieu immatériel que je me permets de qualifier d’) ici, doit une partie de sa réussite, comme beaucoup d’autres surréalistes, en « début de carrière », à celui qui est né, dans la ville de Salonique et qui a fondé dans un modeste quartier de Paris une maison la maison d’édition GLM, dont le nom porte ses initiales, celles de Guy Lévis Mano
Voilà ce qu’en dit Francis Ambrière dans l’intransigeant du 12 janvier 1939

Une Librairie de la Poésie ? Elle nous manquait. Elle vient de s’ouvrir. C’est un joli cadeau pour les amis des lettres que nous fait là, si jeune encore, l’année 1939.
 Cette Librairie de la Poésie a tout ce qu’il faut, dès l’abord, pour séduire.
Vous pouvez parcourir la rue Huyghens dans toute sa longueur : je vous jure que vous ne l’apercevrez pas. Il est bon qu’une maison réservée aux poètes ne soit point d’un accès facile, et qu’il faille faire effort avant d’y pénétrer.
Sur le même trottoir que les puissants bâtiments des Editions Albin Michel, bastion du roman. — mais à l’autre bout — il vous faudra repérer une sorte de cour grise et nue. Le numéro 6 : c’est là. Entrez hardiment, allez au -fond, tournez une fois à droite, une fois à gauche : vous voilà dans une nouvelle cour, celle-là vaste et rectangulaire, sur laquelle s’ouvrent des ateliers de peintres. La première porte, tout près de vous, c’est la bonne.
Poussez -la sans crainte : Mme Marthe Pissarro vous y attend, tout environnée de livres…
C’est dans ce petit studio calme et retiré que sont nées, voilà cinq ou six ans, les Editions G. L. M.
Oh ! de modestes éditions ! Le jeune homme qui les a fondées et qui les a baptisées de ses initiales.
M. Guy Lévis-Mano, avait acquis à peu de frais des caractères, une presse, un stock de papier blanc, et s’était assuré-le concours de deux camarades. Tous trois aimaient d’un même amour la poésie et la typographie. De cette double passion naquirent quelques plaquettes min ces et ardentes, et l’on sut que l’avant-garde poétique avait enfin trouvé son point de ralliement. Après des jeunes comme Gisèle Prassinos, l’auteur de La Sauterelle arthritiques, des aînés à peine plus âgés, mais qui faisaient figure de guides — Paul Eluard, André Breton, Pierre-Jean Jouve — apportèrent leurs manuscrits à Guy Lévis Mano.
Les Editions G. L. M. étaient devenues le laboratoire, des recherches poétiques d’aujourd’hui. C’est conscient de ce succès spirituel — car pour l’autre il n’y faut pas compter ! — que Guy-Lévis Mano a décidé d’adjoindre à ses propres publications une Librairie de la Poésie. Tout ce qui paraît en France de jeunes revues in trouvables, de plaquettes éditées à grand’.peine dans de petites villes de province par des auteurs qui sortent du collège, tout ce qui s’imprime sur la poésie contemporaine doit trouver asile dans l’humble studio. Un centre national de documentation poétique ? Mais _ oui ; et une source d’enthousiasme où l’on viendra boire.
(…/…)
 Déjà M. Guy Lévis Mano s’inquiète de réunir les classiques de la jeune poésie. Il a réédité les Chants de Maldoror, et, après Lautréamont, il prépare une sorte d’anthologie où se grouperont tous les poètes qui se sont révélés après la guerre. Enfin, il inaugure une Revue murale qui, sur des panneaux de bois, offrira aux visiteurs un choix, renouvelé chaque mois, de poèmes manuscrits ou imprimés, de dessins, de photographies et d’essais typographiques. Tout n’est pas bon dans …

                            … morte.

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Ce que l’auteur de l’article ne mentionne pas, c’est la raison pour laquelle ces poètes surréalistes ont choisi ce petit éditeur.
Bien sur, il y a leur difficulté d’accès à de grande entreprise installées dans l’Edition, mais ce qui les a vraiment conquis est en rapport avec les talents de Guy Lévis Mano, dans les choix typographiques, la mise en page et aussi l’accord avec les illustrations (voir celle utilisé pour la grille destinée précédemment à ralentir la brulure vos yeux sur le texte.
Illustration destinée à Paul Eluard, dessinées par Valentine Hugo qui a exposé avec la plupart des peintres surréaliste – et eu une liaison avec Eluard- )

Ce que ne dit pas l’article est que Guy Lévis Mano est lui-même poète et a dirigé une revue de poésie. Revue apprécié ici par Madelaine Israël dans « L’Univers israélite » du 18 mars 1932

Il y a vraiment encore des faits héroïques : témoin cette belle revue de poésie « Minutes » que dirige Guy Levis-Mano.
Trois ou quatre fois par an, Guy Levis-Mano trouve moyen d’éditer de fort beaux poèmes dans une publication soignée et généralement avec de belles illustrations.
Celte fois-ci il s’est adressé à Jeanne Bergson. la fille de l’illustre philosophe, et à M. O. Klein pour, illustrer les poèmes sincères et émouvants de J. Vineuil : « Les rues sont grises ».
Jeanne Bergson avec force et chaleur, O. Klein avec grâce et séduction, ont rendu à merveille l’atmosphère de demi-réalité dans laquelle se meuvent les poèmes. Les deux dessinateurs ont trouvé de beaux accents pour dire la tristesse des rues qui vont vers le travail quotidien, le charme infiniment mélancolique des ciels d’automne et la lourdeur des corps ployant sous l’effort.
Ce sont de belles pages que celles-ci, qui méritaient d’être signalées.

Un poème de celui que ses amis appelaient GLM

de juin couleur d’automne
mois de juin trois brins d’or fanés
aux lèvres voyous du ciel
juin raté, printemps fantôme
mince décevant et nostalgique
comme un barbelé
Reproches reproches à l’automne
tous les épis ne seront pas moissonnés
Les hommes bras décharnés
comme arbres sans fruits
Reproches reproches à l’automne
pour les fruits qu’on n’a pas manges
Où est-elle ma confiance que je cherche
nourrie et cherchée et voulue
dix-huit cents nuits désertes
dix étoiles ont vainement doré la nuit
Dix-huit cents nuits
longues et frêles et préparées et parées
pour les aubes vierges guetteuses de poumons
Où sont les hommes aux revolvers salutaires
et aux yeux barrés de meurtres purs
Dix-huit cents nuits pour rien
et autant de jours plus blancs que les nuits.
Les cartes fabriquées aux murs
n’ont pas une ile où les vents soient des vents
Hommes sans poids comme girouettes aux vents
chaleur d’amour qui fond à la glace des étrangetés humaines
Il y a quatre murs
dedans un homme
il y a dix, cent,


un chant qui ne fait pas antichambre
pour pardonner
les dix-huit cents nuits

Guy LEVIS-MANO.

(Pour lire plus rapidement le texte de la grille cliquer ici)

Le 13 Décembre 1984 …

… est le jour de la mort d’un poète espagnol, prix Nobel de littérature

Vicente Aleixandre a, très jeune, dès ses premiers essais en poésie, été remarqué par la critique.
On en jugera par la réception qu’en a fait un poète français et critique littéraire, Jean Cassou, proche de l’Espagne, étant né à Bilbao d’une mère andalouse.

(Extrait de son article publiée dans le Mercure de France du premier février 1929)

Le jeune poète Vicente Aleixandre, avec son recueil Ambito (Litoral, Malaga), vient d’atteindre du premier coup la maîtrise et la perfection. L’art qu’il a choisi ne souffre point, d’ailleurs, la moindre incertitude. Car il aspire à produire des objets denses, fermés sur eux-mêmes, et tels que ceux dont les peintures sévères de Juan Gris ou de Salvador Dali-nous donnent l’idée. C’est une poésie métallique et dont l’ambiance même est concrète, pesante, d’une évidence accablante et dure.
L’heure favorite des poèmes d’Aleixandre est la nuit, une nuit plombée et en même temps vivante, sensuelle, toute pleine d’une monstrueuse existence. Par une singulière et habile contradiction, les vers d’Aleixandre ne se brisent que pour représenter une plus étroite continuité. Ces ruptures brusques et fréquentes ne sont pas des respirations ; elles n’introduisent dans le poème aucune musique, ni aucun mouvement. Au contraire, le poème demeure statique, et tous les éléments qu’il évoque et signifie demeurent étroitement adhérents les uns sur les autres et comme moulés les uns sur les autres.

(…/…)
Ainsi ce petit recueil de poèmes est-il d’une impressionnante unité et révèle t-il, dans ses profondeurs intimes, une doctrine sévère. Il est rare de voir un poète trouver ainsi du premier coup une formule où l’inspiration lyrique et une doctrine originale se fondent aussi harmonieusement.

De ce recueil, le poème Malaga dans deux traductions différentes.

MALAGA

(Traduit de l’espagnol par Claude Couffon. – Revue des deux Mondes

Tu es toujours présente à mes yeux, ville de mes jours marins.
Suspendue à ce mont grandiose, à peine maintenue
en ta verticale plongée dans l’onde bleue,
tu semblés régner sous le ciel et sur les eaux,
immobile parmi l’espace, comme si une main heureuse
t’avait retenue, un instant de gloire, avant que tu ne t’engloutisses
parmi les vagues amoureuses.
Mais tu dures et jamais ne roules, et la mer après toi
soupire ou brame, ô ville de mes jours joyeux,
métropole très blanche où j’ai vécu et que j’évoque,
angélique cité qui, surplombant la mer, présides son écume.
Des rues, des rues à peine, légères, musicales. Des jardins
avec des fleurs tropicales qui dressent leurs grosses palmes
juvéniles.
Des palmes ailées de lumière, qui bercent sur les têtes
le scintillement de la brise, et qui suspendent
pour un instant des lèvres célestes appareillant
vers les îles magiques et lointaines
qui voguent, libérées, sur le ciel indigo.
Là-bas, là-bas aussi j’ai vécu, ô ville gracieuse, ville profonde.
Là-bas, où les jeunes gens glissent sur la pierre aimable,
et où les murs rutilants baisent toujours ceux qui toujours
passent et repassent, murs bouillonnants, étincelants.
Par une main maternelle là-bas je fus conduit.
D’une grille fleurie, une guitare triste .
chantait peut-être la chanson soudaine en suspens dans le
temps ;
la nuit était tranquille, plus tranquille l’amant,
sous la lune éternelle qui passe en chaque instant.
Un souffle d’éternité aura pu te détruire,
Ô ville prodigieuse, moment qui émergea dans le cerveau d’un
Dieu.
Les hommes ont vécu dans un rêve, ils n’ont pas vécu,
miroitements sans fin comme un souffle divin.
Des jardins, des fleurs. Et la mer qui palpite pareille à un bras
convoitant
la ville qui s’envole entre mont et abîme,
ville blanche dans l’air, chaude comme l’oiseau qui plane
et n’arrive jamais Ô ville hors de la terre !
Par cette main maternelle je fus porté et j’avançais,
léger, dans tes rues irréelles. Les pieds nus dans le jour.
Les pieds nus dans la nuit. Grande lune. Soleil pur.
Le ciel, là-bas, c’était toi, ville qu’il abritait,
Ô ville qui volais, les ailes grandes ouvertes !

MALAGA

(Traduit de l’espagnol par  Roger-Noël Mayer. – Poésie totale. Gallimard, 1977)

Mes yeux toujours te revoient, ville de mes jours marins.
Au mont imposant accrochée, ta chute verticale
dans les yeux bleues de justesse arrêtée,
tu sembles régner sous le ciel, sur les eaux,
suspendue dans les airs, comme si une main heureuse
t’avait retenue un instant de gloire, avant que tu ne t’enfonces
à jamais dans les vagues aimantes.

Mais tu dures et jamais ne descends, la mer soupire
ou rugit après toi, cité de mes jours joyeux,
cité mère et si blanche où j’ai vécu et que j’évoque,
angélique cité qui, dominant la mer, présides ses écumes.

Rues à peine, légères, musicales. Jardins
où les fleurs tropicales dressent leurs jeunes, fortes palmes.
Palmes de lumière, ailées, qui, sur les têtes
bercent l’éclat de la brise et retiennent
un instant les célestes lèvres appareillant
vers les très lointaines et magiques îles,
qui là-bas dans le ciel indigo, naviguent, libérées.

Là aussi j’ai vécu, cité gracieuse, cité profonde.
Là où les jeunes gens glissent sur la pierre aimable,
où les murs rutilants toujours baisent
ceux qui sans cesse passent, murs bouillonnants qui étincellent.

Là me conduisait une main maternelle.
D’une grille fleurie une guitare triste
peut-être chantait la soudaine chanson suspendue dans le temps ;
tranquille était la nuit, et plus encore l’amant
sous la lune éternelle qui passe en un instant.

Un souffle d’éternité aura pu te détruire,
cité prodigieuse, moment où dans l’esprit d’un Dieu tu émergeas.
Les hommes dans le rêve vécurent, ils n’ont pas vécu,
éternellement brillants comme un souffle divin.

Jardins, fleurs. Mer respirant comme un …

ne se pose. Ô cité qui n’es pas de ce monde !

Par cette main maternelle, je fus conduit léger
au long de tes rues irréelles. Pieds nus dans le jour.
Pieds nus dans la nuit. Lune immense. Soleil pur.
Là-bas le ciel c’était toi, ville qu’il abritait.
Ô ville qui volais les ailes déployées !

(Pour lire la grille… plus rapidement, cliquer ici)

Le texte original de Vicente Aleixandre, en espagnol :

Siempre te ven mis ojos, ciudad de mis días marinos.
Colgada del imponente monte, apenas detenida
en tu vertical caída a las ondas azules,
pareces reinar bajo el cielo, sobre las aguas,
intermedia en los aires, como si una mano dichosa
te hubiera retenido, un momento de gloria, antes de hundirte
para siempre en las olas amantes.

Pero tú duras, nunca desciendes, y el mar suspira
o brama, por ti, ciudad de mis días alegres,
ciudad madre y blanquísma donde viví, y recuerdo,
angélica ciudad que, más alta que el mar, presides sus espumas.

Calles apenas, leves, musicales. Jardines
donde flores tropicales elevan sus juveniles palmas gruesas.
Palmas de luz que sobre las cabezas aladas,
mecen el brillo de la brisa y suspenden
por un instante labios celestiales que cruzan
con destino a las islas remotísimas, mágicas,
que allá en el azul índigo, libertadas, navegan.

Allí también viví, allí, ciudad graciosa, ciudad honda.
Allí, donde los jóvenes resbalan sobre la piedra amable,
y donde las rutilantes paredes besan siempre
a quienes siempre cruzan, hervidores, en brillos.

Allí fui conducido por una mano materna.
Acaso de una reja florida una guitarra triste
cantaba la súbita canción suspendida en el tiempo;
quieta la noche, más quieto el amante,
bajo la luna eterna que instantánea transcurre.

Un soplo de eternidad pudo destruirte,
ciudad prodigiosa, momento que en la mente de un Dios emergiste.
Los hombres por un sueño vivieron, no vivieron,
eternamente fúlgidos como un soplo divino.

Jardines, flores. Mar alentado como un brazo que anhela
a la ciudad voladora entre monte y abismo,
blanca en los aires, con calidad de pájaro suspenso
que nunca arriba ¡Oh ciudad no en la tierra!

Por aquella mano materna fui llevado ligero
por tus calles ingrávidas. Pie desnudo en el día.
Pie desnudo en la noche. Luna grande. Sol puro.
Allí el cielo eras tú, ciudad que en él morabas.
Ciudad que en él volabas con tus alas abiertas.