… nait Christian Dotremont, qui ( pour certains de ses textes poétiques) inventera les « peintures de mots » ou « logogramme » (mot qui existait déjà).
Porteur d’un nouveau courant surréaliste qui entend mettre Breton au rencart (il aurait « fait son temps »), Dotremont et quelques artistes, Belges comme lui, prônent un surréalisme plus débridé encore, notamment dans sa dimension érotique. Mais tout comme dans le groupe de Breton, le courant des surréalistes belges du groupe Dotremont ( mouvement Cobra) est tiraillé par des problèmes d’égo et de luttes internes en rapport. Ainsi Dotremont a pu dire « Alechinsky (peintre avec lequel il a collaboré dans des productions graphique et poétique) est un des principaux falsificateurs de Cobra »…
« mon rôle est sous-estimé, ainsi aussi Cobra est faussé. Par contre, le rôle d’Alechinsky, notamment, est surestimé ». ou encore « Je suis à peu près seul, encore, à comprendre l’importance historique du phénomène surréaliste révolutionnaire et du phénomène Cobra. En tout cas, seul à lutter ».
Il est vrai que sans lui le groupe Cobra n’aurait pas vécu très longtemps.
Un Poème de Christian Dotremont, l’illustration est de Pierre Alechinsky (produite pour un autre poème de Dotremont (voir ici et merci à Angèle Paoli )
Kara
Kara petit nœud de rien du tout deux mains serrées au sein des glissements
Petit ruban de terre sur les cheveux sur les fourrures des monts et des vaux
Drap tendu qui sèche entre les Gorges sur les bras de la première pluie
Karapitale des bois de l’âge que j’avais quand je serai vieux
Où les rennes tordent un cri les yeux à l’égyptienne
Pincée de cordes de cornes à tue-tête avec le rien
Mon grand Nord qui dort la gueule ouverte sur toi petit piège chaud
Lasso assis sur la carte blanche de l’espace étalé
… Maurice Magre disparait de la scène littéraire où il a eu une grande présence, en tant que poète, dramaturge, librettiste, essayiste …
scène qui n’a pas accaparé toute son activité puisqu’il a également été très prolifique et respecté dans le monde de l’ésotérisme. Il a notamment (sourire)² préfacé l’introduction à l’astrologie (renouvelée) de Don Néroman* « Planètes et Destins« ___ * (Auteur de « La leçon de Platon« ) qui qualifie Maurice Magre de « poète de l’occultisme » (dans « La pleine de vérité« )
On peut suivre Maurice Magre à travers la presse du début du XXème siècle qui l’a suivi de près.
Dans « la plume « du 15 juillet 1898, Maurice Magre a alors 22 ans
La CHANSON DES hommes, par Maurice Magre.
Sous ce titre superbe, la Chanson des Hommes, un jeune poète de vingt ans» M. Maurice Magre vient de nous donner un recueil de poèmes à la fois lyriques et simples, ardents et généreux. Il y a dit les hommes de tous les jours, occupés aux tâches familières, ceux des Faubourgs, ceux de la Glèbe et ceux de la Mer. Il les a regardés avec une sorte de tendresse mêlée d’une pitié vague, avec ce genre d’émotion triste et résignée qu’exprima dans des toiles mémorables le peintre François Millet. Ainsi donc, si vous êtes amateurs de curiosités verbales, de rythmiques fantaisistes ou d’étranges vocabulaires, il est bien inutile que vous ouvriez ce livre. Vous pouvez frapper a d’autres portes. Car tout est simple, ici. Les breuvages y sont frais. Les métaphores y sont fraîches, et les objets les plus simples du monde en composent l’ornement. Par sa façon et par son allure, le vers de Maurice Magre nous rappelle Musset — parfois même Pierre Dupont par son, inspiration — et son lyrisme plein de flammes et d’aisance nous a fait, en maints endroits, penser a Jean Richepin. Sa muse vêtue d’un fruste lin, harmonieusement drapée. n’a pas redouté de s’égarer dans les humbles logis et dans les quartiers pauvres; elle s’avance candidement vers les pâles créatures souffrantes; elle leur sourit; elle vient les guérir du « péché de pleurer.
Ce qui me plaît, ce qui m’enchante, dans la poésie de Maurice Magre, c’est qu’elle a une raison humaine, je dirai presque une raison sociale. Cette poésie présente d’étroits rapports avec notre époque, avec la société où nous vivons. Elle jaillit à son heure, en pleine crise de gestation révolutionnaire, dans le moment où le parti socialiste français s’organise d’une façon formidable. Elle clame l’infortune prolétarienne sur un ton souvent sentimental, mais avec des accents d’une véhémence vraiment forte. Non pas que Maurice Magre prêche la haine, la révolte brutale et stérile : il est trop naturiste pour s’oublier jusqu’à blasphémer, il a trop le sens de la vie. Et puis, comme toutes les âmes généreuses, c’est la foi dans l’avenir qui le soutient; il croit à la venue des futures races, il rêve de prochaines ères, pacifiques et bienheureuses. Il a dit le rêve de pain, de vin, de soleil, de ceux qui ont faim et de ceux qui ont froid. Il raconte leur malheur, et leur joie aussi, la joie de leur vie végétative, dans les cités et les campagnes. Il a compris I’homme qui travaille, et qui aurait droit a un peu de bonheur et a un peu de poésie lui aussi. Voilà pourquoi je distingue en M. Maurice Magre le grand poète populaire de notre génération.
Ici le rédacteur de l’article, Maurice Leblond, plaide contre « les réactionnaires » pour l’éducation du peuple, mais d’une manière qui serait jugée précisément réactionnaire par certains aspects, comme par exemple la volonté d’émergence d’une nouvelle race ayant des caractéristiques très précises.
Depuis longtemps, ce rôle de poète populaire, personne n‘avait osé le prendre. On dédaignait, parmi les gens de talent, de donner aux foules la nourriture spirituelle. On confiait ce soin a des personnalités médiocres comme MM. Déroulède et Coppée, écrivains réactionnaires qui exaltaient à leur aise leur sentiment militarisée et catholique. Notre génération a enfin compris le danger qu’il y avait à laisser les masses incultes. C’est pourtant la mission de la poésie de faire vibrer nos démocraties, de les rendre plus harmonieuses, d’éclairer leurs conceptions encore obscures, à l’aide de belles proses et de radieux poèmes.
Ah ne laissons pas le peuple en proie aux vulgaires déclamations des démagogues, mais marchons à sa rencontre, en chantant, avec des gerbes plein les bras. Ce sont ses muscles forts et ses torses puissants qui portent orgueilleusement les races de demain, et les larges seins roses de cette paysanne, courbée aux durs travaux, peut être sont-ils gonfles du sang des doux martyrs et vie tristes apôtres! Marchons vers eux, donnons-leur la joie du verbe, des rythmes des chansons. Dans les champs en friche de la pensée, ce sont les poètes qui préparent le terrain pour la bonne semailles. Leurs bucoliques et leurs cantiques suffisent a nourrir l’âme enfantine des grandes tribus. Le christianisme n’a jamais eu recours aux théologiens pour conquérir les cerveaux populaires. La poésie contenue dans ses évangiles et dans ses liturgies suffisait. Or aujourd’hui que périssent et s’écroulent les religions spiritualistes, c’est à nous de ressusciter de nouvelles pompes poétiques, de célébrer, par de nouvelles paraboles et de nouvelles métaphores, la religion future : le culte de la terre et de la vie. Il faudra que nous en écrivions les divines prières. Et ce n’est peut-être qu’au son glorieux des lyres que la croyance générale dans le panthéiste et le socialisme s’établira définitivement au fond des consciences françaises.
Ici le critique donne une mission au jeune Maurice Magre. Celui-ci l’a-t-il entendue ? Avait-t-il déjà des projets de cette nature ? Ceux-ci ont-ils été confortés, influencé par cet éloge dithyrambique ? De fait, Maurice Magre participera au renouveau d’une pensée païenne autour d’un ésotérisme retrouvé, rénové à la lumière du progrès des sciences qui produira de nouvelles lectures des écrits anciens, dont les philosophes grecs et les textes de mystiques arabes ou juifs.
A l’appui de ses espérances, Maurice Leblond, donne un texte issu de l’œuvre critiquée, qui lui semble être à l’orée de celles-ci. Il le présent ici.
M. Maurice Magre a-t-il réussi, dans la Chanson des Hommes, à écrire ces prières dont je parle ? Pas encore, je l’avance en toute justice. Mais tout laisse présager qu’il pourrait bien le faire un jour. Quelques-uns de ses grands morceaux lyriques comme la Pitié, le Pauvre, le Retour des Bergers, les Soldats, les Prêtres ou la Grande Plainte — qui semble inspirée de certaines prosopopées socialistes de Zola — toutes ces pièces sont destinées au plus grand retentissement. Je me bornerai à citer ici L’Hymme à la vie qui est parmi les plus purs et les plus radieux de ce livre :
Salut, Père des bois, des eaux et des charrues, Vers qui va la chanson des justes et des purs. Les venus sous les toits de chaume sont venues Nous apporter les rameaux verts, les outils durs.
Nous voulons vivre simplement parmi les choses : Nous serons au flot clair des sources fiancés, Et nous respirerons les vents qui font pleurer Le cœur mystérieux et tragique des roses.
Nous ne demandons plus, ô Seigneur, le secret Des forces inconnues menant les pluies étranges Et quel est le passant rêveur qui vient semer Le soir, des astres d’or dans les pailles des granges
Qu’importe le retour alterné des saisons Et le passage des oiseaux dans les contrées Pourvu qu’un peu de feu brille dans les maisons Et que le grillon rie dans les herbes coupées,
Qu’importe la naissance obscure des ruisseaux Et comment sourd la vie dans les forêts sacrées, Les chèvres danseront aux chansons des pipeaux Quand les pâtres enfants iront vers les dallées.
Il nous suffit que le vrai Dieu, le Dieu Soleil Répande sur la terre rude en tous les âges La lumière des faux parmi les champs vermeils. Dicte aux hommes futurs la loi des labourages,
Sous les vignes tordues accroche des raisins. Mette des cris d’agneaux au fond des bergeries, Fasse monter les blés et tourner les moulins, Et luire les pains clairs dans les boulangeries…
(Note : Lorsque Maurice Magre présent le Soleil comme le « vrai Dieu », il est en accord (sans le savoir ?) avec le moine calabrais Tommaso Campanella qui a écrit, comme une réponse à « La cité de Dieu » de saint Augustin, son utopie « La cité du Soleil« )
Une autre œuvre de Maurice Magre : « La monté aux Enfers » et donc une autre critique, dans « Le carnet de la semaine » va nous faire découvrir, l’évolution du poète, dans ses thèmes et dans ses convictions.
(parenthèse)
Critique de la féministe Henriette Sauret profitons en pour faire un détour vers son poème « Elles » du le recueil « Les Forces détournées »
Et voilà. On les fit en …
Misère ! on vous jugule, on vous pipe, on vous ment !
Après avoir décrit le poète, notamment comme un homme qui s’entoure d’ami « plus pour l’intérêt qu’il trouve en eux que pour se faire une escorte flatteuse » Henriette Sauret évoque la brillante carrière de Maurice Magre, qui tient au fil des ans la place qu’il s’est forgée (publications régulières suivies de succès). Elle indique qu’il a participé à l’effort de guerre (la grande) en organisant » avec un zèle averti des matinées pour les blessés, dans les hôpitaux. » des séances d’un caractère inédit puisque « sous l’égide de Maurice Magre, compétent en jolies femmes et en vraie poésie, de fines actrices récitèrent aux soldats, du Musset, du Verlaine, du Sully-Prud’homme, voire du Maurice Magre.« Puis elle en vient au fait, à savoir une publication qui témoigne de la nouvelle direction prise par Maurice Magre en rapport avec les notions de bien et de mal. L’ésotérisme pointe à l’horizon.
Ce livre parait et ce livre tombe comme une pierre étincelante dans la mare aux médiocrités présentes. « La Montée aux Enfers » c’est une somptueuse diversion, une parenthèse reposante, une heure d’oasis pour les pauvres pensées cernée et jugulées par la littérature d’Etat. Un cri d’admiration presque unanime y a répondu. Cependant, M. A. Billy qui manie la férule dans « l’Œuvre » n’apprécie pas ce livre et reproche à Maurice Magre l’imitation de Baudelaire. Il y a pire modèle. Mais Maurice Magre n’a pas imité Baudelaire. Tout en ressemblant au grand poète par certains côtés, il en diffère profondément. Il y a chez Maurice Magre une joie de l’horreur, une audace païenne, une agressive affirmation de ses goûts singuliers que n’avait point le plaintif, le houleux, l’hypochondre Baudelaire. Maurice Magre est le maître du démon qu’il a librement choisi. Maurice Magre nie le mal et le bien. Mieux, il est convaincu que ce qu’on nomme mal, permet au contraire l’exaltation suprême de nos pouvoirs, et que, dans ce mal, doivent plonger les racines de toute recherche, de tout effort, aspirant à l’absolu de la connaissance terrestre. Et par delà sa témérité, sa vigueur, sa richesse et couleur, Magre a fait preuve — à son insu peut-être, d’une habileté supérieure : il n’a pas dit un mot de la guerre. Il a situé son œuvre hors des temps, hors des pays. Ainsi, l’heureux homme a évité les démêlés avec certains ciseaux. Car, à cette heure, dès l’instant que vous « n’en » parlez pas la censure vous autorise à peindre les vices les plus osés, les lubricités les plus crues, les orgies les plus borgiesques et les plus frénétiques débordement.
L’évolution de l’écriture de Maurice Magre sera confirmée par Jean Ernest-Charles qui nous en dit quelques mots
Mais ne sollicitons plus de leçons de vivre du romancier Maurice Magre. Cela pourrait nous entraîner trop loin comme on dit. Maurice Magre, du moins, s’affirme ici comme un romancier quasi hallucinant des déséquilibrés de tous les mysticisme. Peu de romanciers aujourd’hui plongent dans cette atmosphère trouble où se meuvent ces demi-déments effrénés. Maurice Magre leur communique une animation extrême. Ils ont l’air tous d’être emportés dans une danse tragique et saugrenue ; et il s’en faut de très peu que, avec cette puissance de persuasion des forces, ils n’emportent les spectateurs qui voudraient bien se contenter d’être prodigieusement intéressés, comme ils le sont. Et, en fin de compte, l’incomparable réussite de Maurice Magre nous amène à une pitié stupéfiée, ahurie, effarée, oh, en outre, amusée.
Fasciné par le mal, Maurice Magre se retrouve très loin du poème sur lequel je souhaite le quitter
ENVOI
Je suis pareil à cet enfant Qui, laissé seul, dans sa détresse Fit une lettre et, comme adresse, Mit simplement : Paris, maman… De ceux qui m’aimeraient, peut-être, Moi aussi je suis seul très loin ; Au …
…nom, J’ai fait ces petites chansons… Puisse une femme les comprendre ! J’ai transcrit là sincèrement Mon cœur ingrat et peu fidèle… Maman, Paris… écrit l’enfant… Mais la lettre arrivera- t- elle ?
… nait Pierre Louÿs qui produira une œuvre abondante et en partie teintée d’érotisme, dont sa poésie.
Au lendemain de sa Mort, dans la misère alors qu’il était paralysé et presque aveugle, comme c’est très fréquemment le cas pour ceux qui ont connu, après une période de gloire, l’oubli profond, la presse le redécouvrit et pour une part, lui reconnut du talent.
Ainsi, on pouvait lire dans le Figaro
Nous avons demandé aux quelques amis les plus intimes de Pierre Louÿs de vouloir bien évoquer pour nos lecteurs le-souvenir du grand écrivain disparu.
Le résultat de cette requête tardive, en faveur du disparu …
Réponse de Madame Rachilde
une adorable tête de jeune fille se tournait vers nous, osant, rire, une jolie petite blanchisseuse, que toute cette gaîté voisine surexcitait beaucoup. Attention fit Pierre Louÿs, je-vais prendre la beauté au lasso Et d’un geste adroit il lança un serpentin qui s’enroula, au cou de la jolie, personne. Je vois encore le poète et la beauté; unis par ce souple ruban de papier. Quel était le prisonnier, des deux ?
Réponse de la Duchesse E. de Clermont Tonnerre
… Pareil à cette nymphe Pierre Louÿs est déjà transmué en un marbre pur. Le temps ne pourra altérer le grain glorieux de ses souples phrases.
Ce grand artiste verbal ne se laissa jamais entrainer par une débauche de mots. Les images, voluptueuses qui flottaient à l’intérieur de sa pensée, sans emportement, il les fixa avec la précision d’un savant et le génie d’un poète. L’auteur d’Aphrodite a laissé une Poétique où il enferme les lois sévères, qui furent siennes :
«Croire en la Muse. Lui offrir le silence et la solitude. Espérer sa grâce.»
L’éloge occupe une demi-page du journal, j’en donne ici la fin.
Cet artiste parfait avait trouvé un moule magnifique où couler ses belles phrases, et sa haute écriture violette inspira ces vers à une de ses amies : «Flèche-fleur, il écrit, alignant des iris»
L’ensemble des témoignages tend à faire douter de l’isolement et de son retrait total à la fin de sa vie. Une des réponses à l’invitation du Figaro révèle un (double) trait de caractère de Pierre Louÿs.
L’affection qu’il; portait à ses amis était sans bornes. Il fut tirés ému un jour que l’un d’eux lui récitât par cœur un poème de Paul Valéry qui venait de paraître. Une fois, il ne put retenir ses larmes en rappelant une représentation du Faust de Marlowe monté par Paul Fort, aux temps héroïques de celui-ci, représentation à laquelle assistait Sarcey tout bouffi d’importance et de sottise et ricanant avec ostentation. « Jamais, disait Pierre Louys, je n’ai-senti à ce point ce qu’est l’envie de commettre un assassinat ».
La poésie occupe une grande place dans l’œuvre de Pierre Louÿs. Ce qui suit est extrait d’un long poème qui a pour titre « PERVIGILIUM MORTIS » (« VIGILE DE LA MORT »)
— Nul ne peut abolir que par un jour d’automne, Moi qui t’étreins ici, je ne t’aie emporté L’encens, la myrrhe et l’or de ta divinité, Le beau sang d’Aphrodite et le sang de Latone.
Nul ne peut, lorsqu’Amour se fit chair, menacer Ni verbe ni mutisme oublieux ou vivace. Le rythme de deux cœurs frappe et marque la trace De deux pas, sur le sol, sur le roc du passé.
Que la mort, désormais, de ses mains …
…esprit que penchent tes prunelles.
Comme au jour d’alliance où tu vins et pleuras Sur nos destins épars, sur notre vie en cendres, Ouvre sur moi tes yeux si tristes et si tendres. J’enferme le bonheur tout entier dans mes bras. »
… nait un poète qui n’écrira pas son oeuvre la plus célèbre, pour cause de cécité.
John Milton dictera « Le paradis perdu » après un long travail de préparations, de notes en de nombreux carnets … (dont il devra se rappeler le contenu de tête) qui s’étend sur plus de 30 années.
La traduction la plus célèbre de ce long chant en vers (sans rime) est celle qu’à fait Chateaubriand
Passage du livre VII
Adam et Eve ont été averti par un ange (Raphaël) des sombres desseins de Lucifer les concernant, qui visent à les faire reconduire aux frontières du paradis. Ils l’en remercient et Adam profite de sa présence pour étancher sa soif de connaissance concernant la création de l’univers et les buts que le Dieu poursuivait par cette action.
« De grandes choses et pleines de merveilles, bien différentes de celles de ce monde, tu as révélées à nos oreilles, interprète divin, par faveur envoyé de l’empyrée pour nous avertir à temps de ce qui aurait pu causer notre perte, s’il nous eût été inconnu, l’humaine connaissance n’y pouvant atteindre. Nous devons des remerciements immortels à l’infinie bonté, et nous recevons son avertissement avec une résolution solennelle d’observer invariablement sa volonté souveraine, la fin de ce que nous sommes. Mais puisque tu as daigné avec complaisance nous faire part pour notre instruction de choses au-dessus de la pensée terrestre (choses qu’il nous importait de savoir comme il l’a semblé à la suprême sagesse) ; daigne maintenant descendre plus bas, et nous raconter ce qui peut-être il ne nous est pas moins utile de savoir : quand commença ce ciel que nous voyons si distant et si haut orné de feux mouvants et innombrables ; qu’est-ce que cet air ambiant qui donne ou remplit tout espace, cet air largement répandu embrassant tout autour cette terre fleurie ; quelle cause …
… tôt achevé ? S’il ne t’est pas défendu, tu peux nous dévoiler ce que nous demandons, non pour sonder les secrets de son éternel empire, mais pour glorifier d’autant plus ses œuvres que nous les connaîtrons davantage. »
Milton ne connaîtra pas le succès de cette oeuvre qui le verra, après sa mort, « éclipser « éclipsé la poésie des xviiie et xixe siècles«
qui se voulait avant tout poète. La poésie était son premier mode d’expression et à la fin de sa vie, il comptait abandonner totalement la musique pour s’y consacrer.
Poète maudit au destin tragique, la plus grande part de ses écrits l’ont été après sa mort. En décalage avec son image au sein du groupe des Doors, il craignait que ses poèmes soient mal accueillis. Il n’avait pas tort, peu d’éditeurs furent intéressés à publier ses recueils, et ses lecteurs, en grande majorité des fans de la musique des Doors, ont dans leur majorité peu apprécié ses textes. La part poète du grand Jim est bien cernée par la formule « Jim Morrison écrit comme si Edgar Allan Poe revenait au monde sous la forme d’un hippie. »
… Malcom E. De Chazal envoi un texte à la Revue « La Nef » accompagné d’une lettre.
Le texte a pour titre « la philosophie du vivant », et la lettre donne à son auteur le statu et la stature d’un novateur, tant dans le domaine de la pensée que de celui de la poésie. Quelques extraits en donnent la mesure.
J’ai la plus sincère et la plus totale certitude – et je dirai même que cela prend chez moi forme de credo – d’avoir dépassé et de très loin encore, toute la poésie contemporaine et rendu à l’état pygméen Baudelaire, Mallarmé, Valéry et Rimbaud – ce quatouir divin des disparus. Et cela pour la simple raison que ma poésie est une cueillaison d’invisible total, alors que les leurs furent toutes puisées dans un invisible où la nature est encore en son écorce.
On pourrait croire que ces mots sont issu de la plume d’un plaisantin (comme le fut Salvator Dali) ou d’un homme que la folie côtoie. Ce serait ignorer que Jean Paulhan (de la Nouvelle Revue Française) a déclaré Malcom de Chazal : plus grand génie poétique du siècle, et que le pape du surréalisme André Breton avait une grande admiration pour l’homme, notamment parce qu’il était sur des terres poétiques vers lesquelles lui-même aurait voulu entraîner le mouvement, sans succès. Ce même André Breton qui salua « le caractère de parfaite originalité et l’incomparable réussite » lors de la présentation de la poésie de Malcom de Chazal en déclarant :
Je n’ai jamais éprouvé le plaisir intellectuel que sur le plan analogique. Pour moi la seule évidence au monde est commandée par le rapport spontané, extralucide, insolent qui s’établit, dans certaines conditions, entre telle chose et telle autre, que le sens commun retiendrait de confronter.
Nommant ainsi pour les encenser, les caractéristiques même de la production de M. d C.
(suite de la lettre)
Ce qui me sépare de ces quatre grands c’est qu’ils sont en-deçà de moi dans l’invisible, malgré leur magie verbale, et par ce seul fait, je les dépasse et très largement de l’épaule, car la poésie n’est avant tout qu’un moyen surnaturel de capter l’invisible, et l’on ne mesure vraiment la valeur d’un poète que par les distances parcourues par lui au sein de l’invisible. Sur ce point, j’attends de pied ferme les critiques. Car tout le reste est littérature.
Dans la suite du courrier M. d C. évoque son isolement (l’île Maurice où se trouve « prisonnier de l’idéal »), qui lui voit refusé les artifices de la vie mondaines, lesquels permettent « d’exuder parmi des disciples ou par des jeux de miroirs de l’esprit »
… Mon cas est, je vous l’assure, exceptionnel, en ce sens que rarement dans l’histoire de la pensée aura-t-on vu autant de décalage exister entre l’esprit créateur et le milieu où il aura vécu. … Ce point est capital pour les biographes futurs, et pour comprendre immédiatement l’état ambiant ou « Sens-Plastique » a vu le jour. L’opposition certes a exigé de moi des efforts innombrables, mais cette opposition aurait pu me briser.
Il y a une touche de Salvator Dali (avant la lettre … Dali s’écrit avec un D) dans Malcom de Chazal, mais, et la postérité de son œuvre le prouve, un réel génie.
En passant, citons une bribe d’un texte M. d C. qui, dans notre époque de réactions vives et pleines aurait valu à son auteur plus qu’un chahut.
Le planning familial ayant tendu à dépeupler l’île tout couple qui a un enfant touche …
… nait un poète qui a choisi, pour son malheur, d’écrire ses poèmes en yidish (les premiers l’ont été en russe)
Ce qui lui a valu d’être condamné à mort pour « nationalisme juif »
Un autre écrivain d’origine juive, Ylia Ehrenbourg, donnera une description* de Peretz Markish qui le présente comme romantique à tout point de vue.
Il était difficile de ne pas le remarquer, car son beau visage inspiré se détachait dans n’importe quel environnement. Boris Lavrenev assurait que Markish ressemblait à Byron. Peut-être, mais peut-être ressemblait-il seulement à cette image du poète romantique qui ressort de centaines de toiles ou de dessins, de poèmes, de l’air d’une autre époque. Markish n’était pas seulement romantique dans sa poésie. Ses cheveux bouclaient de façon romantique, son port de tête était romantique (il ne portait pas de cravate et son col était toujours ouvert). Et cet air adolescent, qu’il conserva jusqu’à la mort, était lui aussi romantique.
Ylia Ehrenbourg nous dit également que Peretz Markish n’était pas tout à fait en phase avec son temps. Il illustre cette affirmation d’une anecdote, au cours de laquelle il conte une petite histoire typique de l’humour juif, racontée en sa présence, avec des amis, dans un café.
Dans un shetl de Volhynie, il y avait un célèbre zadik, c’est-à-dire un juste. Dans ce shetl, comme partout, il y avait des riches qui prêtaient de l’argent à intérêts, des propriétaires, des marchands, , il y avait des gens qui rêvaient de s’enrichir par n’importe quel moyen. En bref, il y avait beaucoup de mécréants. C’était le jour du Grand Pardon où, selon les croyances des Juifs religieux, Dieu juge les hommes et décide de leur destin. Ce jour-là, ils ne boivent ni ne mangent jusqu’à ce que se lève l’étoile du soir et que les rabbins les laissent partir de la synagogue. Le zadik priait Dieu de pardonner aux hommes leurs péchés, mais Dieu faisait la sourde oreille. Soudain, un pipeau brisa le silence. Parmi les pauvres qui se tenaient au fond, il y avait un tailleur avec son petit garçon de cinq ans. Le gamin était las des prières, et il se rappela qu’il avait dans sa poche un pipeau à un sou que son père lui avait acheté la veille. Tout le monde se jeta sur le tailleur. C’était à cause de bêtises comme ça que le Seigneur châtiait le shetl. Mais le zadik vit que le Dieu vengeur n’avait pu s’empêcher de sourire.
Ylia Ehrenbourg évoque alors la réaction Peretz Markish …
Voilà toute la légende. Elle avait ému Markish, et il s’était écrié : «Mais c’est de l’art qu’il est question !» Ensuite, nous nous sommes levés et avons regagné nos pénates. Markish m’accompagna jusqu’au coin, et soudains (nous parlions de tout autre chose), il dit : «À présent, un pipeau ne suffit pas, il faut la trompette de Maïakovski…»
… et nous dit ce qu’il faut y lire concernant ce romantisme de Peretz Markish. Ainsi que son manque de compatibilité avec l’époque.
Il n’était pas fait pour les slogans bruyants, ni pour les poèmes épiques, c’était un poète avec un pipeau qui émettait des sons purs et perçants. Mais il n’y avait pas eu de Dieu inventé capable de sourire, et le siècle était bruyant, et les oreilles des gens, parfois, ne distinguaient pas la musique.
Il y a toujours eu beaucoup de versificateurs, et ils se sont multipliés lorsque la production de vers est devenue un métier. Markish, lui, était un poète. Il est évidemment difficile de juger de poésie en traduction, et je ne connais pas le yiddish, mais à chaque fois que je lui ai parlé, j’ai été frappé par sa nature. Il interprétait les grands événements et les détails de la vie en poète. Ce n’est pas seulement ma propre impression, des gens très différents les uns des autres me l’ont dit aussi, Alexis Tolstoï, Tuwim, Jean-Richard Bloch, Zabolotski, Nezval.
Ylia Ehrenbourg donne un poème dans lequel Markish n’hésite pas, en une époque où la poésie se veut moderne, à traiter un thème très commun. (et considère qu’il y excelle)
Les feuilles ne bruissent pas dans une mystérieuse angoisse Mais, recroquevillées, gisent et sommeillent au vent. Soudain en voilà une qui, réveillée, s’en est allée sur la route Chercher sa tanière, semblable à une souris dorée. Une larme de la bien-aimée : Elle ne tombe pas de tes cils, Mais demeure, tremblante, entre tes paupières, En elle le monde quitte ses frontières, Et dans les profondeurs, la pupille brillante s’élargit.
Le texte qui suit peut paraître prémonitoire de la fin du poète. Peretz Markish sera une des victimes de la Nuit des poètes assassinés
Deux oiseaux morts tombèrent à terre Le coup était réussi. Qu’y a-t-il de mieux que la terre ? Ici, dans ce pays ensoleillé et béni, Il faut tomber, si …
…rien, Il faut voler, si c’est le destin. Comme la lumière est éblouissante ! Les étendues sont vastes, elles n’ont pas de fin.
Ylia Ehrenbourg termine les pages qu’il a consacrées au poète, par une réflexion concernant la poésie et l’espace temps où elle surgit.
Il est difficile de se faire à l’idée qu’on a tué un poète. Mais dans ces jours lointains où j’ai rencontré Markish, jeune et inspiré, à Montparnasse, il parlait du pipeau d’un enfant et de la voix de tonnerre de Maïakovski, il mesurait son destin. Pour moi, il était la preuve que l’on ne peut pas séparer une époque de sa poésie :
soutenu par un dernier poème …
Je t’ai hissé sur mes épaules, Ô siècle ! Je t’ai mis, en guise de ceinture, Une larde ceinture de pierre. La route monte en un énorme escarpement, Et je dois l’escalader. À travers les hurlements du vent, les tourbillons de neige Je monte… Beaucoup périssent Au milieu des congères…
… et un ultime salut :
Non, il n’était pas un naïf rêveur ni un fanatique aveugle, le pipeau touchait les lèvres sèches d’un homme adulte et courageux.»
… est né ce jour, le poète Léo Larguier que certains (voir la suite) disent, sur le ton d’un compliment, « lamartinien« .
Dans « La revue politique et littéraire » (24 juin 1905) Jean Ernest-Charles nous donne sa perception du poète et de son œuvre.
... ne confondons pas Léo Larguier dans la foule des autres poètes.
Sans doute Léo Larguier est essentiellement lamartinien. Il l’était déjà dans son premier livre « La Maison du Poêle« . Il ne l’est ni plus ni moins dans « Les Isolements« . Le sera-t-il donc toujours ? Léo Larguier vit dans la nature et dans les livres. Les livres, comme la nature, l’inspirent. Mais Léo Larguier ressemble parfois à Lamartine, je ne veux point dire qu’il l’imite. Il y a dans tous ses vers des résonances lamartiniennes, mais il y a l’âme de Léo Larguier. Léo Larguier est un pur lyrique qui ne sait que son âme. Tel Lamartine encore. Mais son âme est l’âme impétueuse, l’âme conquérante d’un poète qui impose à toutes choses les formes de sa sensibilité et de son-imagination. Il le dit dans sa préface :
« Tous les paysages sont sonores de mon pas et vers les lointains noyés de crépuscule et de brume, vous m’apercevrez sûrement, à la lisière d’un bois d’automne, marchant à côté d’une longue forme blanche qui a reculé pour moi les frontières de la sensibilité poétique et de l’émotion. »
N’employons pas de trop grands mots, mais, franchement, dans « Les Isolements« , on trouve plus que Léo Larguier; une race s’y exprime. Barrés serait content de Léo Larguier. Léo Larguier, en effet, a une terre et des morts. Il est latin. Il est le Latin. Il porte en lui toutes les hérédités païennes qui, depuis Virgile et Horace, en passant par Ronsard jusqu’à Chénier et Lamartine, — je cite ces poètes entre tous parce que Léo Larguier me paraît les connaître intimement — ont donné au génie français, son éloquente élégante, sa clarté, sa grâce, son harmonie, cette sensibilité qui n’est pas frénétique, mais reste sereine jusque dans la passion, cette imagination qui n’est pas colorée et brûlante comme l’imagination orientale, par exemple, mais demeure toujours pure et presque apaisée jusque dans ses inspirations les plus véhémentes… Léo Larguier, facile et nombreux, est un jeune poète représentatif.
Le poème* qui suit semble avoir été écrit postérieurement à cette description du « génie » de Léo Larguier, tant dans son motif que dans son expression.
En soupant lentement sous une treille brune Dont les beaux muscats blancs luisaient au clair de lune, Tandis que pour moi seul, dans la nuit, un oiseau Chantait vers le tilleul, je pensais à Rousseau… Un soir divin et frais venant après l’orage. Devant le banc de bois du rustique Ermitage, Une jeune servante avait mis le couvert. Quelques gouttes tombaient du feuillage plus vert. Un vase sur la nappe était plein de pervenche, Madame d’Épinay portait — c’était Dimanche, Son chapeau de bergère et son corsage ouvert. Pure fraîcheur du soir ! On apportait la lampe, Et Jean-Jacques songeait, un doigt contre sa tempe. La serveuse heurtait les plats dans la maison, L’étoile du berger montait à l’horizon, Et …
… grillon perdu. Madame d’Épinay caressait son bras nu, Rose et rond sur la table, et parfois son haleine Dans son corsage creux enflait sa gorge pleine Qu’une tremblante et tiède ligne séparait. Un léger vent coulis qui passait murmurait Dans les arbres du parc une plainte endormie, Et Rousseau, souriant, regardait son amie, En feuilletant, distrait, un petit livre gris, À côté d’un panier plein de cerises blanches, Un petit livre simple et sans ors sur les tranches Que Denis Diderot envoyait de Paris.
Un second texte permet de définir un peu plus l’habitat de Léo Larguier
Mets ta main sur mon cœur, mon amie, et dis-moi S’il est vrai que toujours, sans trouble et sans émoi, Je sois dans ma maison le même solitaire Attentif aux rumeurs qu’ici-bas peuvent faire La gloire et le renom qui des vers assemblés S’élèvent dans le ciel comme montent des blés Les passereaux légers et les lourdes colombes, Qu’attirent les cyprès et les pierres des tombes, Je ne sais pas répondre, ô mon amour, dis-leur : ….Ce n’est plus un poète. Il est un peu rêveur. Mais c’est à moi qu’il pense, Et s’il n’écrit jamais, ce sera de son cœur Que viendra la cadence. La muse qu’il aimait parfois guette là-bas, Aux lisières des branches, Je la vis quand je vins, mais elle n’avait pas Mes belles formes blanches. pas de livre et ne sais point de vers, Mais je sais une chose, Moi je n’ai C’est que sur l’eau d’argent et sous les arceaux verts Quand s’incline une rose, Le cristal du bassin peut bien la réfléchir, Exacte et colorée, Ce n’est qu’une apparence et le vent peut ternir Cette rose mirée. Ainsi l’onde d’un vers où tremble avec amour La plus parfaite image Ne vaut pas le rayon de cette fin de jour Sur mon jeune visage.
Nait Christina Rossetti, anglaise d’origine italienne,
Elle fut considérée à son époque comme la plus grande poétesse de langue anglaise. Passionnée, certains la disent très belle (elle fut le modèle préféré de son frère, pour des scènes religieuses) d’autres (voir ici) plutôt laide. On la déclare souvent passionnée, engagée en faveur de plusieurs causes (contre l’esclavage) pour la liberté des femmes, et de même (adresse identique) elle est jugé a contrario, en retrait de la vie, peu cultivée, vieille fille atone.
On ne peut donc faire confiance qu’à ses vers et à la renommée qu’ils ont connus.
The Rose
The lily has a smooth stalk Will never hurt your hand But the rose upon her brier Is lady on the land
There’s sweetness in an appel tree And profit in the corn But lady of all beauty Is a rose upon a thorn
Il y a de la suavité dans un pommier Du bienfait dans le blé Mais la reine de toutes les beautés Est la rose sur ses épines
When with moss and honey She tips her bending brier And half unfolds her glowing hearts She sets the world on fire
Quand, dans la mousse et le miel Elle tend sa tige Et déploie ses pétales lumineuses Elle embrase le monde.
… voit naître un futur poète, futur anarchiste : André Colomer.
C’est cet homme qui définira la révolution anarchiste dans « LE LIBERTAIRE » du 18 novembre 1921
Notre révolution est une lutte à mort contre toutes les formes de l’autorité. Nous sommes contre l’exploitation capitaliste parce qu’elle est une des expressions de l’« archie » que nous combattons. Mais si nous abattons le capitalisme industriel ce ne sera pas pour constituer et défendre le capitalisme d’Etat. Le collectivisme , tel qu’il se réalise actuellement en Russie , n’est pas autre chose que la centralisation dans les caisses de l’Elat de tous les capitaux d’un pays , de la centralisation entre les mains de quelques dictateurs , de toute la puissance d’exploitation.
En se révoltant contre l’Etat bolcheviste , les anarchistes sont logiques avec la pensée anarchiste.
Notre révolution sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes.
Les individus-producteurs groupés en ateliers , en usines , etc… doivent organiser méthodiquement la prise de possession des instruments et des locaux de travail. Ils seront armés sur les lieux mêmes de la production. Ils ne deviendront pas soldats ; ils seront des ouvriers armés , c’est bien différent. Et quand les travailleurs seront les maîtres» suivant la conception anarchiste , ils ne seront que les maîtres de la matière inanimée qu’ils activent de leurs efforts. Pour se libérer , s’organiser et se défendre , les individus-producteurs n’ont besoin ni de politiciens , ni de généraux , ni de commissaires du peuple.
Laissez-leur supprimer l’Etat , ses fonctionnaires , ses rouages , ses lois , toute la , vieille carcasse d’oppression et d’obligation collective , et vous verrez , par le seul jeu de l’intérêt et de l’affection , les hommes produire , les individus se grouper et vivre avidement à la recherche de clarté et d’harmonie.
Converti au bolchevisme qu’il a tant décrié, André Colomer mourra à Moscou, au début des grandes famines soviétiques.
A sa mort, la revue « Les humbles » publia un de ses poèmes.
C’était un petit va-gu’ nillou, Il était blond, il était doux C’était un rêve !
Il naquit au chant des coucous Une nuit, parmi les blés doux… Semence brève.
Il poussait comme un genêt d’or, Et sur la lande qui s’endort. Sa chanson claire
Coulait aux ruisseaux à pleins bords Illuminés de son blanc corps Couché par terre.
Puis un matin de bleu printemps, Il vint à la ville, en chantant, Chercher fortune.
Riche de ses dix-huit ans, Et de son cœur vierge mais tant Epris de lune…
De l’une à… l’autre, blonde abeille, De lèvres en lèvres vermeilles Il aspira.
Tant et tant, de veilles en veilles, Qu’à l’automne, où le cœur sommeille Il expira.
Toutes frémissantes encor Des …
… tresses
C’était un petit va-gu’ nilo. Il était blond, il était doux… C’était un rêve !
Il repose au chant des coucous En un linceul de cheveux roux Semence brève !