12 Octobre 1890 …

… La Silhouette (politique, satirique et financière) évoque la nomination d’un ministre à un poste qu’elle juge lointain, en rapport avec le parcours de celui qui a été choisi dans cette « loterie des ministres ».

On pourra en rire, mais ce serait oublier que de nos jours qu’un non médecin ayant une formation de professeur d’Histoire et Géographie, ancien président-directeur général de la Monnaie de Paris (mais conjoint de la n°2 de la CNAM ancienne conseillère du président (ayant « façonné la réforme de la retraite »), elle-même fille d’une ancienne cadre du 10ème groupe pharmaceutique mondial) est devenu ministre de la santé
ou qu’un autre n’ayant jamais usé du service public dans sa scolarité se retrouve en charge du ministère correspondant.

(extraits de l’article)

M. JULES DEVELLE
Les grosses querelles sont calmées; les complots percés à jour et nous revoilà au calme.
C’est le moment de prendre, après tant d’émotions, un verre d’eau sucrée. Je vous offre M. Develle. M. Develle est blond, et ministre de l’Agriculture. Pourquoi ?
La nature et la politique l’ont voulu ainsi ; ce n’est pas de sa faute. Il y a comme ça, de par le monde, un tas de mioches qui grandissent sans être remarqués par personne, et un beau jour — le jour où la barbe pousse — se trouvent blonds sans savoir pourquoi, et ministres pour la même raison.
Ce n’est pas à dire pour cela que M. Develle a eu son portefeuille, comme Naquet a eu sa bosse, sans le mériter. Il a travaillé dans la politique et il a réussi, voilà tout.
Ça ne se passe pas autrement pour les pastilles Géraudel et le savon du Congo, Il en est ainsi dans tous les métiers.
On ne sait jamais pourquoi un numéro est sorti ; il n’y a pas plus de raisons pour jouer le douze que le trente-six. À la loterie des ministres, c’est la même chose. Bien heureux pour nous, pontes toujours décavés de la partie, lorsqu’il ne sort pas un zéro.
M. Develle sans être « quelqu’un » n’est pourtant pas « personne ». C’est du bon petit article de demi-luxe, solide à l’usage et pas trop vilain de façon. Rien de trop artistique, mais raisonnable de prix : Quelque chose comme le milieu entre le déjeuner de cinq louis et le prix fixe à un franc vingt-cinq. Il faut même convenir que ce politicien est un cultivateur habile, puisqu’il récolte un ministère, là ou d’autres qui ont semé les mêmes grains que lui, ne récoltent rien du tout.
Nous pouvons nous consoler de son arrivée aux affaires en songeant, qu’en somme, on peut être ministre de l’Agriculture sans savoir labourer son champ et l’ensemencer. Une forte conférence sur les céréales suffit.
Ce n’est plus un boulanger qu’il faut pour faire du pain, dans notre siècle de falsification : il suffit …

(Pour lire plus facilement la grille cliquer ici)

… , c’est la carotte. Avec ça, quelques idées protectionnistes et des distributions bien comprises de croix du mérite agricole, on est assuré d’être à la hauteur de sa tâche.
(…)
Jeune, élégant, bien fait, de figure agréable, de tenue soignée, et de barbe soyeuse, il avait tout ce qu’il faut pour entrer dans l’administration et M. Thiers en fit un sous-préfet. (…)

(… mention des différents postes de nature variée occupés par notre ministre de l’agriculture… )

Depuis il est tombé dans les céréales; les questions de douanes l’ont mis en relief et il a décroché le portefeuille de l’Agriculture. C’est un protectionniste à l’eau de rose ; il est partisan de tous les relèvements de droits.

(…)

A. Men.

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